Le roman
Les Lisières d'
Olivier Adam peut être considéré comme une oeuvre sociologique et psychologique, ayant sans doute une inspiration autobiographique (mais comme tout roman, me diriez-vous, qui n'est que le reflet d'une individualité sur le monde, vaste sujet qui ne nous trancherons pas dans cette critique).
La première partie du roman est axée sur la vie de Paul Steiner, écrivain dépressif, divorcé récemment de Sarah et devant quitter son refuge breton et ses deux enfants pour s'occuper de son père le temps que sa mère se rétablisse d'une opération chirurgicale consécutive à une mauvaise chute. Paul, le narrateur, se retrouve donc dans la maison de son enfance et se remémore les années passées dans cette ville populaire de la banlieue parisienne.
Cette partie nous apprend que Paul s'est toujours senti en lisière de sa vie, un peu comme spectateur. Dépressif très jeune, il a eu toujours des difficultés à lier et conserver des amitiés, préférant parfois rompre totalement et passer à autre chose. Paul essaye donc de reconstituer sa personnalité de l'époque, comment il s'est construit par rapport à ses parents, son frère, ses amis de la banlieue.
On découvre un personnage en souffrance qui se sent étranger au monde et à soi même.
A cette dimension psychologique,
Olivier Adam, par l'intermédiaire de son personnage nous décrit un second type de lisère, cette fois physique et géographique : la différence culturelle et sociale (voire sociétale) entre le centre et sa périphérie, entre les milieux populaires et ceux « bobo » de Saint-Germain-des-Prés. Paul ressent que malgré son origine populaire, il ne fait plus partie de ce monde car il s'en est extrait par son activité d'écrivain ayant un certain succès et ses conséquences financières et médiatiques. Ceux qui sont restés lui font également sentir ce décalage. Ses idées de gauche lui exhortent une certaine tolérance, compréhension envers la vie vécue par les classes populaires et moyennes en banlieue ; mais, en même temps, il souhaite dénoncer le conformisme culturel ambiant et les facilités politiques véhiculés par les médias et assimilés par les gens.
Lors de ce retour aux sources dans la maison familiale, Paul sera également frappé par une photographie retrouvée dont l'identification lui apprendra beaucoup sur le sentiment d'incomplétude ressenti depuis toujours et sa totale absence de souvenir avant l'âge de dix ans.
La deuxième partie du roman est structurée par des allers retour entre son appartement en Bretagne et la banlieue parisienne. Cette partie décrit une sorte de descente aux enfers du personnage qui entraîne avec lui un ancien amour platonique de jeunesse.
Malgré les drames, la troisième et courte dernière partie peut s'identifier comme une sorte de rédemption du personnage de Paul qui trouve un équilibre, précaire, et l'espoir d'une nouvelle vie.
Olivier Adam nous livre un roman très français, ce qui n'est pour moi ni positif ni péjoratif mais veut seulement dire que cette oeuvre est marquée par un souci constant de décrire la complexité du monde et de l'intériorité du narrateur ; cela donne souvent des passages dans lesquels se lient une analyse politico sociologique et une approche psychologique. Ce mélange réussi ici ne ralentit pas l'histoire et nous donne une leçon littéraire d'analyse du temps présent que seul les romanciers sont capables de réaliser.
Toutefois, pour ma part, j'aime ce type de roman avec modération (trois à quatre par an) ; cela doit s'expliquer par le fait que j'ai été contaminé par les structures narratives et la manière de raconter de nos amis étrangers et notamment anglo-saxons.
En conclusion, un roman intéressant de cette rentrée littéraire qui pourrait donner un film émouvant (avec Vincent Lindon par exemple).