J'embrasse le front de mon père. Ce n'est pas comme j'imaginais. C'est comme quand il dormait. Exactement pareil. Mes jambes tremblent et mes mains aussi. Je m'assieds sur le lit, sinon je m'écroule. Plusieurs fois, à voix haute, je dis: papa et ce mot n'existe plus lui non plus. Plus rien n'existe de ma vie d'avant. Plus rien depuis ce jour où nous marchions sous la neige.
Cela fait deux ans que je bosse dans ce supermarché. Ce n’est ni mieux ni moins bien qu’avant. C’est juste insupportable, comme n’importe quel boulot de merde. (p. 139)
Je me sens vide.Tout le temps,je pense à ça.Ce vide à l'intérieur.Je me dis que si je pouvais me sonder en profondeur,m'ouvrir la tête et le coeur et voir dedans,je ne verrais rien.Rien.Du vent,un désert,un champ de glace où rien ne bouge.
J'ai posé ma main sur sa joue rêche, joué avec ses cheveux dans sa nuque. On ne s'était pas embrassés mais c'était tout comme. On ne parlait pas et c'était un beau silence, pas un silence pesant ou quoi, juste qu'on n'avait pas besoin de parler, on roulait vers la mer et c'était tout.
La beauté me donnait toujours envie de mourir, elle me plongeait dans un état de fragilité extrême difficile à expliquer.
C'est toujours pareil, les gestes qu'on devrait faire on n'ose jamais et on finit tous autant qu'on est seuls comme des rats dans notre trou.
On était tous les trois silencieux dans la station avec Johnny qui chantait "Marie" et Martine qui tenait son visage entre ses mains à cause de la fatigue ou lors c'était de la pure détresse. Le type n'avait pas l'air mieux, il tremblait un peu quand il a posé sa tasse sur le comptoir. Je lui ai proposé un second café, il a redressé la tête, j'ai vu son beau visage un peu fripé.
On ne parlait pas et c'était un beau silence, pas un silence pesant ou quoi, juste qu'on n'avait pas besoin de parler, on roulait vers la mer et c'était tout.
- Nouvel an
Je me suis dit qu’une bonne résolution pour moi serait de faire en sorte que ma vie ressemble à quelque chose
Quand l'image de Pialat est apparue sur l'écran, je me servais mon premier whisky. Il y avait son visage en plan fixe, j'ai monté le son et là j'ai compris, j'ai compris qu'il était mort. J'ai senti quelque chose en moi s'affaisser.
J'ai fini la bouteille de vin devant la télévision. Je suis tombé sur cette phrase: la tristesse durera toujours. Pialat débarquait dans ce foutu dîner, s'asseyait, mangeait sa charlotte et déballait tout. Et tout ce qu'il disait me bouleversait, le moindre de ses mots me touchait. Regarder ça me donnait envie de mourir.