Une partie de badminton

Sur le parking tout le monde le regarda comme s'il venait de faire irruption à poil dans un vernissage de la Modern Tate Gallery -encore qu'on s'y serait montré plus blasé, pensant sans doute à une quelconque performance. Après avoir jeté ses vêtements sur la banquette arrière, toujours vêtu de son seul caleçon qui lui collait au cul et au reste, il fouilla dans le coffre pour extirper un vieux chiffon couvert de cambouis qu'il utilisa pour se sécher. À la fin de l'opération il avait l'air couvert de suie ou de merde. Il n'arrangea pas son cas en ôtant son caleçon pour s'installer au volant nu comme un ver, moteur en marche et soufflerie à fond. L'habitacle se transforma progressivement en sauna. Il mit Marlon Williams à plein volume. La putain de belle vie.

...ils incarnaient trois versions du même profil. Venaient du même endroit. Enfants des années 1980 et des banlieues pavillonnaires. Rejetons des classes moyennes nés sous Giscard et ayant grandi sous Mitterrand. Trois adolescences de centres commerciaux et de lotissements de maisons mitoyennes et crépies, de centre-villes inexistants et de cités, de parkings de supermarché, de mobylettes, de flippers et de dimanches en famille. De vacances au camping, de courses au Leclerc le samedi après-midi, de télévision chaque soir, de variétés à la radio et de blockbusters au cinéma, de boules à facettes dans les sous-sols où s'organisaient les boums et de virées 0 Paris trois ou quatre fois par an pour voir ce qu'il y avait de l'autre côté du périphérique.

Ses trois derniers livres n'avaient emballé ni la presse ni les lecteurs. Il était passé de mode, ou il avait écrit de mauvais romans. En matière de littérature, le succès, l'échec, tout cela lui semblait relever en partie du malentendu, de l'air du temps ou des circonstances. De la chance, il en avait eu très tôt, et par paquets entiers. Elle avait fini par le quitter, voilà tout.

S'était ensuivie une plongée rapide dans le seaux saumâtres de la dépression.C'était la combientième au fait ? La cinquième? dépression n°5. By Lerner. Paris.

Réunion téléphonique (deux cauchemars pour le prix d’un)

Manon en conclut que la vie était un sacré sac de nœuds, un putain de sport de rue et Paul acquiesça.
-Sûr, c’est pas du badminton.

Saint-Briac, le village voisin, séparé du leur par le golf qui dominait la mer et que prisaient les Anglais. Chaque fois qu’il passait devant, Paul souriait en se remémorant cette formule de Jean-Paul Dubois : le golf, ce sport de philatéliste

c'était ainsi: certains auteurs faisaient du " Feel good" lui c'était du " Feel bad", il ne voyait pas ce qu'il y avait de plus répréhensible dans fin cas que dans le leur.

En dépit des protestations des Bretons bretonnants, d’octobre à avril il faisait moche, froid, pluvieux, tout était fermé et recouvert d’un gris sordide

Ses trois derniers livres n’avaient emballé ni la presse, ni les lecteurs. Il était passé de mode. Ou il avait écrit de mauvais romans. En matière de littérature, le succès, l’échec, tout cela lui semblait relever en partie du malentendu, de l’air du temps ou des circonstances. De la chance il en avait eu très tôt, et par paquets entiers. Elle avait fini par le quitter, voilà tout.