Halluciné par les dialogues entre la police algérienne et les enfants, je mesure alors le fossé entre un interrogatoire figée dans un schéma stalinien et une conversation de tous les jours avec des enfants.
--Quand avez vous décidé d'attaquer les généraux ?
--Quels sont les noms de vos complices ?
--Où habitent t-ils ?
–Qui vous a prévenu que les généraux seraient là ?
A chaque question la réponse fuse directe et simple : Ché pas !
Certains se sentant humiliés imaginaient déjà, des enfants sur écoute, suivis, arrêtés. On créerait des camps spécialement pour eux.
Je rêve pourrait dire un pré ado un peu vif ;
--ça fait vingt ans que l'on joue au foot sur ce terrain vague, tous les jours et par tous les temps, ces généraux ? Jamais vu hein ! Mahdi.
Question terrain vague, le sujet ne manque pas de saveur, car depuis la nuit des temps aucune action de la mairie n'est venu viabiliser cette vague zone de terrains laissée à l'abandon.
Mais où, par la mage de ce conte cruel deux généraux, Saïd et Athmane hauts dignitaires du régime faisaient l'amère expérience d'une glissade et d'une bastonnade dans le périmètre de la ville d'Alger la blanche, sous les coups de Adila grande moudjahida, fière et respectée du régime.
Vous croyez que je suis du côté des généraux, clame t-elle ?
Je les ai tapés avec ma canne.
Ils ne vous l'ont pas dit ça, hein !
Eh bien quoi ?
Vous ne tapez pas à la machine, cher Monsieur ?P 70
C'est la rumeur qui donna à cet incident une fulgurante portée, à ce camouflet. L'absence de voirie devenait d'autant plus difficile à avaler que les grands et très veux serviteurs de l'état bénéficiaient à un centaine de mètres, de là, des infrastructures modernes et entretenues à la charge de la ville. Les gamins avaient de quoi alimenter la polémique malgré la frousse ressentie par les parents de Inès, Jamyl et Mahdi.
Les parents craintifs sont prêts à baisser pavillon, à subir toutes les humiliations pourvu que leur statut de militaire, ou de fonctionnaire ne soit pas remis en cause. La fracture entre la jeunesse et les parents est subtilement décrite, à travers des personnages hauts en couleurs.
Les rêves comme dans un conte moderne pénètrent par toutes les portes laissées entre ouvertes, la société algérienne ankylosée dans son passé, ses duperies et la corruption, tangue.
Le livre de
Kaouther Adimi est d'une ironie, grinçante et cocasse, sans nous bercer de fantasmes sur des lendemains fleuris.
Sur son lit, il pensa au sourire lumineux de la fillette. Il ferma les yeux. On voit mieux dans le noir lui avait un jour confié sa mère.