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Citations sur Des âmes simples (43)

Il y a des vies qu'il faut savoir finir. Ce jeu minable d'être quelqu'un. Alors on se lève un matin. Et, avec un peu de volonté, on dit que ce sera le dernier.
[incipit]
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Certains endroits élèvent. Ils ont été choisis de longue date pour que Dieu parle aux hommes. L'abandon ne les guette pas. Ils ne passeront jamais.

Albert et Pierre ? Ils sont de Dieu, justement. A quoi bon invoquer les saints si on ne reconnaît pas ceux qui nous entourent. Dans leur vallée, dans ce gouffre, inconnus, ils passent sur cette terre. Cela existe, les saints. Et nous ne le dirions pas ?
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Je me retourne et devine alors les clochards de ce matin. Il y a le plus épais aux yeux caves, le visage broussailleux, la peau rouge caroubier. Il dévisage les statues, les mains dans son manteau. Il observe une fresque, retire une poussière qui l'irrite. L'autre s'est avancé dans le narthex. Il s'arrête et regarde vers le chœur. Ses yeux de loup percent la pénombre, ils l'éblouissent presque. Ses yeux giclent jusqu'à nous.

Xavier se recule et leur fait signe de venir. Il faut tout le monde pour prier la Vierge. Ou simplement pour être l’un à côté de l'autre, à espérer la lumière. Les clodos, les défoncés, vous qui zonez sur la route, ralliez-vous. Venez voir, vous arrêter un moment. La contemplation est une vraie vie rebelle, notre satori. Les beatniks ne sont plus là où l'on croit.

Rejeter l'esprit de ce monde, c'est savoir le contempler. A l’ombre d'une chapelle, sous les coupoles d'ardoise d'une église en pays de montagne. Sur les chemins où la nature est reine à l’aube, dans les raies de la première lumière. Après tout, nous sommes tous des âmes simples et perdues. Des hères qui rôdaillent en fond de vallée, incapables à la hauteur. Faibles à l'espèrance.
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Déjà on est à cette heure où l'aube prend des airs de pleine lune. On voit dans l'obscurité. Les objets reprennent forme, comme un dessin dont on reconnaît peu à peu les courbes. Plus loin, le chevrier trait ses bêtes. En ville, les éboueurs balaient dans le verre brisé et les odeurs méphitiques. Vies parallèles des heures creuses. Silence radio. Un jour, on sera tellement sur terre que la vie ne s'arrêtera plus. On sera obligé d’avoir deux gouvernements. Un pour le jour, un autre pour la nuit. Les métros rouleront toutes les deux minutes, trimbalant les mêmes travailleurs en quantité. La nationale ne désemplira pas. A Sarrance, il n'y aura plus de dimanche sans camion. Le rêve des salles de marché et des financiers camés. Ça viendra. De jour comme de nuit, la même foule. Il faudra des casques audio pour écouter le silence. Alors oui, à quelques campagnes sera épargnée cette vie sans limites. Mais au rythme où on les quitte, elles seront bientôt des no man's land. La nature aura repris tous ses droits. Celui d'étouffer les granges, de faire éclater la pierre et de chasser les ruines. Le silence déjà fait peur. Celui-là sera terrifiant.
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Sur la route du retour, j’ai l'esprit en friche, contaminé par l'image de cette gare aux abois. Les paysages à l'abandon me préoccupent. Cette idée qu'on ne va jamais contre la nature. Elle reprend, et elle a le temps avec elle. De quelques mauvaises herbes sur un rail au séisme, de l'infiniment petit au colosse, la nature fait sa loi, dans les Pyrénées et partout. La terre craque et bouge dans ce pays balafré. A l’été 1967, au pied de la Pierre Saint-Martin, trente-cinq secondes ont suffi à ravager le bourg d'Arette. A Canfranc, il a fallu plutôt trente-cinq ans pour rendre les lieux décadents. Gardons-nous de toute ambition. Cette terre reprend. Elle balaie derrière l'homme.
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Autour de nous, le pays s'affole dans les coups de vent. La pluie qui éclaboussait par saccades tombe dru. Et les murs fiévreux de la chapelle dégoulinent. Ils suent.

Pierre poursuit :

« Le cérébral est l'ennemi du cœur. Tu ne viendras pas à la foi par l'intelligence. Par les livres, la philosophie, la théologie. Je crois que l'intellectuel ne voit que la pointe émergée de l’iceberg. Alors qu'avec le cœur, je dépasse mes schémas. Les murs tombent, un à un, par pans entiers.

- Cela peut être si dur à entendre. On a parfois l'impression que ceux qui croient sont déconnectés, ou bien qu'ils se rassurent. »

Pierre sourit doucement.

« Croire, c'est faire le passage de l'intellect à la réalité, à l'expérience. Ce n'est pas une échappatoire ou une fuite. Au contraire. La foi est une épreuve de la réalité. Il faut éprouver pour aimer. Regarde, Dieu s'est fait homme. II a épousé la condition de l'homme pour éprouver sa réalité. Et l'aimer jusqu'au bout. »
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Albert est du Béarn, où il a été ordonné prêtre en 1951. L'accent du pays cogne si fort sur sa langue qu'il pourrait être originaire d'un pays de l'Est. Ses fins de mot sautillent, le « m » et le « n » rejinguent. Les lettres râpent dans sa bouche où le français semble être une difficulté. Je m'amuse alors quand Albert fait remarquer mon accent.

La bouche trahit un pays. Ces mots en commun que nous prononçons autrement. On pourra parler de saccage quand la génération Hanouna aura détruit sa langue, cariée par le langage télévisé et ses slogans.

Et si je me fie aux repères culturels, aux messages publicitaires qui m'entourent, je suis plus proche d'un Londonien ou d'un New-Yorkais que d'Albert. Là-bas, derrière l'Atlantique, ils ne parlent pas la même langue que moi, certes. Mais nous partageons le même langage. Celui des marques, des icônes télévisuelles. Cette grande culture mondialisée distribuée en douceur à domicile. Plus rapide encore que le livreur de pizzas américaines.

Formidable. Hourra. Le biberon de I'enfant sage.
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Jusqu'au peut-on supporter le divorce avec la femme qu'on aime ?

Assister au spectacle de la mère de ses enfants avec un autre ?
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Et moi je devine peu à peu, en partageant ce bout d'existence, que le jeu des contradictions entre ville et campagne a ses limites. Si elles ont bien un point commun, c'est leur extrême violence. Loin des villes, c'est la solitude et le silence qui exacerbent cette violence. Les rixes sont intestines, interminables.
On reproche aux grandes villes leur anonymat. On félicite la vie de quartier, la proximité. C'est pourtant ce qui me plaît dans l'agitation des boulevards, dans la foule des transports : avancer entouré d'inconnus. Dans la vallée, les rumeurs courent trop vite. Le bruit précède l'image.
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Quand le ciel entre quelque part, il donne une valeur à l'insignifiant
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