Ouvrir un livre de
Milena Agus, c'est faire jaillir le soleil de la Sardaigne des pages qui se tournent, c'est être inondé de sa lumière et sentir la caresse de sa chaleur sur la peau ; c'est froisser quelques feuilles de thym ou de menthe, de sarriette ou de romarin et s'imprégner des senteurs comme une invitation au voyage pour un ailleurs ; c'est s'extasier des couleurs comme du rouge flamboyant des géraniums et en admirer le chatoiement.
C'est une ambiance qui se crée, qui transporte aussitôt dans une ruelle ombragée, un jour d'été trop suffocant, sur une plage face à une eau transparente et limpide à la recherche d'un peu de la fraîcheur du large.
Parfois, cela peut être l'évocation d'un jardin rendu à son élan sauvage, d'où, au milieu d'une végétation laissée à sa liberté, surgissent des personnages qui vont bousculer la vie d'autres qui ne faisaient que contempler ce coin de nature.
"Elle" n'attend plus rien de l'existence, presque décidée à la quitter. Son fils, enfermé dans le "silence de vie" de sa mère, ne parle, ni ne marche : à quoi bon puisque ce serait pour aller nulle part, ce serait pour ne pas trouver les mots qui pourraient donner, à cette mère qui vit en recluse, l'envie de vivre quelques jours encore...
Et puis, jailli de ce jardin d'herbes folles, de cet enchevêtrement sauvage, un petit garçon inconnu, à l'opposé du calme et de la retenue de cette petite famille murée dans le refus de vivre, et à sa suite son père - le voisin - qui vont bouleverser par leurs exigences, leurs questionnements l'existence de ces deux êtres qui n'habitent plus que le silence et les souvenirs.
Dès lors, au fil des jours, il devient facile d'échanger quelques mots avec l'étranger qui tente de travailler, il devient facile de "voir" le monde, comme une évidence qui était jusque là niée.
Le jardin comme un havre d'où surgissent, parmi toutes les nuances de verts, les couleurs d'une vie qu'on peut écrire plus gaie, plus proche des autres, dans lequel un petit garçon muet de voir sa mère s'éloigner un peu plus chaque jour trouve quelques balbutiements pour la retenir encore un peu.
Une nouvelle de quelques pages pour dire l'importance du regard de l'Autre pour apprendre à voir la beauté de ce qui est proche, l'importance des paroles d'un "voisin" pour trouver, dans le dialogue, des mots comme autant de mains qui se tendent vers celui qui fuit une existence, dans laquelle il ne pense plus avoir sa place.