Vaut-il mieux être « gentil » ou comme
Milena Agus les nomme, faire partie des « béats-optimistes », qu'être méchant avec son entourage, ses voisins, sa famille, pour s'en sortir contre le malheur de la vie ?
C'est à cette question que
Milena Agus s'adonne dans «
Terres promises ».
La plupart des personnages, des femmes en majorité, ont choisi la deuxième voie : il y a la Grand-mère, toujours bougonne (jusqu'au jour où ce qu'elle découvre la mer à Cagliari) , il y a Marina, sa logeuse, qui déteste tout le monde, sauf peut-être le bébé à venir, il y a Esther, sa mère, perpétuelle insatisfaite de vivre avec cet homme qui lui promet une vie heureuse dans cette ville du Nord qu'elle va très vite détester … En face il n'y a que le personnage principal, Félicita, pour opposer son optimisme béat en toute circonstance. Elle qui hésite entre communisme et bonté naturelle, qui refuse que le père de son enfant l'épouse pour seule raison qu'il l'a mise enceinte (elle rêvera toute sa vie qu'il tombe enfin amoureux d'elle, mais elle préférera sa franchise à un semblant de bonheur de femme mariée, au grand désespoir de sa mère).
Félicita, c'est aussi « celle qui dit des choses si dramatiques de manière si comique » - un aphorisme qu'on pourrait appliquer à son auteur peut-être ?
Il y a aussi le Sud et le Nord : la Sardaigne, d'où vient
Milena Agus, et ses paysans exploités, le beau-frère de Rafaele, le père, qui revient en Sardaigne par amour pour sa femme qui a le mal du pays, et puis il y a l'Italie du Nord, celui de Gènes d'abord, puis de Milan, que sa mère Esther va détester dès son arrivée, mais qui va lier Félicita et son père Rafaele dans un attrait commun pour la montagne … et on pense alors à
Erri de Luca ou au très beau roman de
Paolo Cognetti «
les huit montagnes ».
Il y a pourtant des choses qui rattrapent le malheur qui frappe la famille, comme la musique par exemple incarnée par ce fils, Gregorio, qui aime le piano plus que tout, comme son père qui rêvait d'en faire, mais qui lui va vivre sa passion du jazz à New York où sa mère ira le voir, pour le consoler de son premier amour disparu.
Trois générations, les mêmes heurs et malheurs de la vie qui recommencent, l'incompréhension des proches, le goût pour ce qu'on ne pourra jamais obtenir (la musique pour Rafale père de Gregorio, un beau mariage pour sa fille pour Ester) à quoi Félicita oppose cette « optimisme béat » quel que soit le sort qui la frappe : et si c'était elle qui avait raison ?
Si ce récit n'a pas la force de « Mal de pierre », un roman superbe, il réussit à nous faire vivre ces drames intemporels au travers du sourire de Félicita – un bel exploit qui nous donne envie de prendre le parti de ces « gentils » qui ont finalement peut-être choisi la meilleure part.