Semblable à ces volcans couverts de verdure, qui cachent dans leurs profondeurs la flamme qui jaillira demain, le drame se jouait en lui. Contrairement à bien des hommes doués d'ardentes aspirations, qui vivent dans leur existence privée avec le secret espoir et le vague instinct qu'un jour, à la demande du public, leurs faits et gestes seront divulgués et leurs carnets de notes publiés, Schumann ne tenait nullement à appeler sur lui la curiosité du monde.
La vie de Robert Schumann, considérée en elle-même, est peu fertile en incidents romanesques. Les événements extérieurs y jouèrent un rôle secondaire. On n'y rencontre aucune de ces luttes acharnées qui marquèrent l'existence d'un Mozart, d'un Beethoven, d'un Berlioz, d'un Wagner. Les grandes douleurs morales qui brisent les ressorts de la volonté lui furent épargnées. Distrait des peines matérielles, qui paralysent tant de débutants, par la divine compagnie des rêves qui l'emportaient en plein ciel, il en souffrit moins que d'autres.
Bach, Haydn, Mozart, Rossini, Auber, Verdi incarnent en eux les conceptions musicales de leur siècle et les résument, tandis que d'autres, devançant leur époque, comme Beethoven, Berlioz, Wagner, « anticipent sur les nouveaux besoins d'hommes nouveaux ».