« Vie et mort de Gérard de Nerval », conférence de Marcel Brion, à l'occasion du 100ème anniversaire de la mort de Nerval. Première diffusion le 21 mars 1955 sur la Chaîne Nationale.
Comment ne pas être amoureux de cette Florence du XVe siècle où tout invitait à l'amour, la beauté des femmes, la douceur du printemps, les chansons des poetes, les nuits claires, les legendes mythologiques, les jardins parfumés, où les fables d'Ovide et les strophes d'Anacréon prennent une résonance puissante et tendre, tyrannique, exquise ?
On a tort, d'ailleurs, de vouloir tout expliquer. Les objets ont leur secret. Les êtres aussi.
J'éprouvai aussi la puissance d'un appel, intense, irrésisitible, auquel j'étais prêt à répondre, (...). Une aspiration violente vers en haut, un besoin de rejoindre le vol lent et magnifique de cet oiseau en plein ciel. Le pressentiment d'une volupté qui n'est point en elle-même son but et sa fin, mais un passage vers une jouissance plus haute, vers une connaissance plus parfaite.
"Les nuits sont enceintes des jours des jours." Celle-ci se gonfle, en effet, comme si des prodiges nombreux la peuplaient. La lune fait ruisseler son eau féerique sur un monde qui est devenu, pour moi, nouveau et surprenant. (...)
Ne suis-je pas, moi-même, un homme très ancien que le vent a fait sortir de son tombeau profond?
Docile à ces conseils, Louis VIII faisait bon visage aux ministres qui devaient l’aider à continuer l’œuvre paternelle. Il était encouragé par Blanche qui, elle aussi attentive et dévouée au bien des petites gens, le soutenait dans les réformes sociales qu’il avait entreprises. A l’égard des serfs, d’abord, qu’il affranchit, créant ainsi une nouvelle classe d’hommes libres, qui remplacent cette catégorie d’êtres opprimés, humiliés, dont la condition demeurait analogue par bien des traits à celle des esclaves de l’antiquité. Grâce à lui, ces pauvres diables acquirent l’indépendance, d’aller de-ci de-là, le droit de posséder en toute propriété le salaire de leur travail.
En même temps que le catholicisme presque universellement pratiqué par les Viennois aboutissait à un quiétisme, annulant l’inquiétude spirituelle, la monarchie reposait sur un quiétisme politique. Peu enclin à revendiquer des droits tout théoriques et abstraits, désireux, avant tout, de bien vivre, en paix et confortablement, le Viennois n’avait pas, ou n’avait que très rarement, l’âme d’un rebelle. Il ne répugnait pas à un certain conformisme, bornant sa philosophie sociale à un « bien vivre et laisser vivre » qui se souciait peu de discussions sur les systèmes politiques.
Chapitre I. Vienne, ville heureuse
Quiétisme politique
Le capitalisme, c’est-à-dire l’activité créatrice de l’argent, commença à jouer un grand rôle dans l’économie nationale, le prêt à intérêt, qui avait été regardé jusqu’alors comme une opération infamante, cessa d’être considéré avec dégoût. Les Templiers avaient donné l’exemple, en devenant les plus puissants banquiers du monde, accumulant dans leurs commanderies tous les trésors que les princes et les particuliers leur prêtaient pour qu’ils les fassent fructifier. La croisade y trouvait son compte, ce qui enlevait tout opprobre à ce trafic.
Il arrivait toujours des événements divertissants quand on accompagnait une caravane. On se mêlait à toutes sortes d'hommes, de tous les pays et de tous les états. Mais le vrai voyage était celui qu'on faisait seul, ou escorté d'un domestique silencieux. Quand on est seul, absolument seul, en présence d'un grand soleil ou de la nuit, de la mer remuante comme un troupeau de chevaux, ou du mur des glaciers, couteaux blancs, abîmes de verre, le voyage révèle alors toute sa véritable signification.
Que cet Orient soit réel ou mythique, que ce soit celui de Keyserling ou d'Ossendowski nommés au passage dans le Voyage, il s'agit surtout d'un Orient intérieur, celui que tout homme de pensée souhaite rejoindre au-dedans de lui-même. Combien Keyserling fut transformé par l'expérience qu'il fit de l'Inde et de la Chine, son Journal de voyage d'un philosophe le dit assez, et manifeste cette sorte de transfiguration qui s'est opérée en lui.
Tout ce qu'elle touchait s'approchait d'elle, la caressait, recevait la vie profonde qui émanait de ses doigts, la beauté qui rayonnait de ses yeux. Je pensais à un astre qui entraîne dans son orbite toutes les étoiles et tous les grains de poussière épars dans l'univers. J'avais quelquefois le vertige, en la regardant, ainsi qu'au sommet d'une très haute tour.