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Tout a commencé avec la photo en noir et blanc reproduite sur la couverture. L'auteur (à travers son personnage Pavlos) est fasciné par celle-ci. J'aime et suis captivé comme Vassilis Alexakis par cette magnifique photo de la découverte de la statue d'Antinoüs, jeune ami ou amant de l'empereur romain Hadrien, déterrée à Delphes lors d'une fouille en 1894, qu'il commente de façon magistrale sur plusieurs pages, magnifiques, inattendues et poétiques. Il la présente comme « un instantané de la rencontre insolite d'une célébrité du IIe siècle après Jésus-Christ avec une équipe d'ouvriers du XIXe siècle ». le ton est donné, l'auteur, un érudit qui a lu Plutarque en grec ancien et en grec moderne, joue avec les mots, conserve tout au long du récit un humour qui rend la lecture très agréable.

Le sujet de ce roman, écrit en 1995, est en grande partie autobiographique. Pavlos est dessinateur de presse à Paris (comme l'auteur l'a été), il est de retour à Athènes, dans son pays natal. Il choisit de partir à la quête de l'origine de la lettre Epsilon, jadis placée à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes. On le suit dans un long périple à travers le pays, occasions de multiples digressions, de l'alphabet grec jusqu'à une comparaison insolite entre billard et ping-pong ! Une écriture délicate et subtile, évoluant dans différentes strates de temps et de mémoire.

Précieux Vassilis Alexakis qui, par l'amour des langues, accède en profondeur à l'histoire des hommes et de la pensée. Sa double culture, qu'il décrypte en permanence dans son oeuvre, démultiplie les possibilités de récit et de sens. Il affirme : « …le but de l'écriture n'est peut-être pas d'éclaircir, mais de multiplier les mystères. »
Ode à la mère (avec la poussière qui s'accumule sur sa tombe), ode à la Grèce. Est-ce la crainte du passé qui s'efface inexorablement, comme s'efface peut-être déjà son souvenir si le lecteur, nous tous, ne faisons pas vivre sa mémoire en lisant ses livres ?

Né à Athènes, Vassilis Alexakis a fait des études de journalisme à Lille et s'est installé à Paris en 1968, peu après le coup d'État des colonels grecs. Il a travaillé pour plusieurs journaux français, dont le Monde, et collaboré à France Culture. On a dit qu'il était le plus grec des écrivains français et le plus français des écrivains grecs, ce qui représente parfaitement son attachement aux deux cultures. Tout comme son double Pavlos, il est retourné en Grèce à la fin de sa vie et est décédé à Athènes en 2021.

La Langue maternelle a reçu le prix Médicis 1995, ex-æquo avec le Testament français d'Andreï Makine. Auteur parfaitement bilingue, Vassilis Alexakis disait avoir commencé la rédaction en grec, pour retraduire ultérieurement en français. La démarche me paraît singulière. Connaissez-vous d'autres écrivains ayant traduit eux-mêmes leurs romans ?
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Chronique complète avec composition personnelle sur fond de la maquette reconstituant le sanctuaire de Delphes sur Bibliofeel, lien direct ci-dessous
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Etrange livre, qu'il est difficile de classer dans une catégorie littéraire précise. le narrateur, qui sembler ressembler par de nombreux aspects à l'auteur, est un Grec de quarante et quelques années, qui habite et travaille en France depuis plus de vingt ans, mais qui sans savoir pourquoi, ressent le besoin de revenir dans son pays pour une durée indéterminée, sans projet ni perspective. Il était parti au moment du coup d'état, il a fait carrière dans le dessin, la caricature, mais d'une certaine façon ne trouve plus de sens à ce qu'il vit.

Très vite, il va s'interroger sur le sens de la lettre Epsilon suspendue à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes. Il n'est pas le premier à s'être posé la question, il n'a rien d'un spécialiste, mais cette problématique érudite va vite devenir en quelque sorte le centre de son existence. Il va aller faire des recherches à l'Ecole française d'archéologie d'Athènes, rencontrer des chercheurs, des archéologues...Il va s'immerger dans des récits de fouilles, et au final voyager, en particulier à Delphes, où un archéologue aveugle va lui ouvrir des perspectives insoupçonnées. Mais ces recherches s'accompagnent de souvenirs personnels, en particulier familiaux, beaucoup liés à sa mère, morte il n'y a pas si longtemps et dont il n'a pas vraiment fait encore le deuil.

Finalement, il s'agit de retrouver son identité à travers ses racines et sa culture, toute cette histoire si ancienne et si riche en Grèce, qui peut en devenir un fardeau, une charge, une justification au nationalisme et au rejet de l'autre. Et qui ne peut être assumée qu'à condition de devenir quelque chose de personnel, de ressenti, au-delà des mots pompeux et creux des manuels et des cours ennuyeux de l'école. Se réconcilier avec l'Histoire, permet aussi de se réconcilier avec sa propre histoire, sa propre existence ; se questionner sur les énigmes historiques permet de donner des réponses à ses propres interrogations et incertitudes. Dans une quête qui ne peut jamais vraiment se terminer.

Un beau livre, personnel, d'une grande richesse dans les thématiques et pistes de réflexion. L'écriture est simple, peut-être un peu trop parfois, il m'a manqué un peu de poésie, de lyrisme par moments. Mais j'ai été contente de faire ce voyage en compagnie de l'auteur.
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À Delphes, sur le fronton aujourd'hui disparu du temple d'Apollon, trônait jadis la lettre E. De quel mot ce mystérieux « epsilon » était-il l'initiale ? C'est ce que va tenter de découvrir Pavlos, le narrateur de ce très beau roman, un artiste grec qui, comme l'auteur, a dû s'exiler en France dans les années soixante, après le coup d'état des colonels.
On le comprend assez vite, cette quête aux allures de flânerie initiatique (« L'epsilon me conduit sans m'imposer aucune direction ») est surtout un prétexte pour retrouver les mots et les sonorités de la langue qu'il parlait quand il était enfant.
Mais à travers cette rêverie autour de la langue maternelle, c'est aussi avec Athènes, sa ville natale, et avec la Grèce que renoue progressivement Pavlos, l'« ekpatriménos » (l'expatrié.) En effet, après presque trois décennies d'absence, ce pays, cette ville qu'il croyait connaître par coeur sont devenus des étrangers avec lesquels il lui faut refaire connaissance : « La réalité m'oblige à réviser fréquemment le plan de la ville que j'ai en tête. Je déplace des rues, des collines, parfois des quartiers entiers que je remplace par d'autres. Ce plan ressemble aux très anciennes cartes où rien n'est à sa place. »
Cette redécouverte, qui sonne comme une renaissance pour cet homme un peu désenchanté, n'exclut cependant pas la clairvoyance : aussi Pavlos n'a-t-il jamais de mots assez durs pour dénoncer le culte artificiel de l'Antiquité ou le nationalisme exacerbé de ses concitoyens, intellectuels compris, qui refusent par exemple de partager le nom de Macédoine avec l'ancienne république de Yougoslavie.
Au terme d'une odyssée tragi-comique à travers la Grèce, Pavlos parvient finalement à rétablir le contact avec le monde dont il est issu, et avec sa famille, longtemps perdue de vue.
Surtout, cette  langue « maternelle », c'est celle que lui a apprise sa mère, dont le souvenir plein d'émotion traverse l'ensemble du roman et confère une dimension plus intime à l'énigme de l'epsilon.
Un livre profond, touchant, drôle, poétique, dont la lecture m'a enchanté.
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Pavlos, dessinateur de presse, de retour dans son pays nous offre son regard sur les gens qu'il côtoie, sur les lieux qu'il redécouvre, sur ses souvenirs. Il nous entraine dans une quête dont le point de départ est la lettre Epsilon qui était suspendue à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes . Ainsi, d'Athènes à Delphes en passant par Jannina, il part en quête de ses propres souvenirs qui rebondissent au gré d'une rencontre d'un paysage, d'un mot entendu ou soudainement apparu. Il collectionne peu à peu les mots commençant par cet epsilon source de sa quête. Il retrouve peu à peu sa mère disparue, si silencieuse à coté de ce père diseur d'histoires.

Une écriture "au fil de la pensée", pleine de retours en arrière, dans une langue poétique qui va jusqu'à la racine des mots. Les premières pages m'ont un peu désorienté mais tout de suite j'ai été pris par cette façon d'écrire. Un effet secondaire plutôt agréable, cette lecture m'a donné envie de retourner en Grèce, avec un regard différent.

Lien : http://allectures.blogspot.f..
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Un beau livre, qui peut se rapprocher de l'autobiographie sans prendre en compte toute la vie mais la méditation sur soi, la recherche de soi à travers celle de la langue maternelle grecque, dont l'auteur ressent la nécessité de se rapprocher, tout en méditant continuellement sur le mystère de cette origine savante et parfois paradoxalement gênante du grec moderne qu'est le grec ancien, en prenant en particulier la forme de la quête insoluble de la signification de la lettre E, epsilonn, gravée sur le fronton du temple l'Apollon de Delphes, sens perdu dès l'Antiquité. Un roman émouvant sur la vie, la mort, la quête du sens et de l'identité, roman touffu, parfois léger, parfois grave, aux multiples échos et reconnaissances, telle cette belle figure de la comédienne répétant des années après l'interrogation d'Electre entendant la voix tant attendue de son frère Oreste.
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Je n'aime pas abandonner la lecture d'un livre et puis à la page 136 je me suis décidée à arrêter là le voyage. Je n'ai pas accroché à ce retour au pays. Je ne connais pas la Grèce, peut être cela m'aurait-il aidée, donné quelques points de repère: des lieux, noms de rues, odeurs, lumières, des sons. Mais là rien ou presque rien: mon imaginaire est resté vague, indécis, en surface. Je ne me suis pas non plus passionnée pour le mystère autour de la lettre Epsilon et toute la réflexion de l'auteur autour des mots commençant par cette lettre.
Pour moi ce sera E comme ennui.
Je retiens, cependant, ce passage évoquant les propos de Caradzoglou, professeur de littérature à l'université d' Athènes sur la femme grecque: « je l'estime infiniment...la seule chose qui m'ennuie chez elle, c'est qu'elle lave les cendriers à peine salis, et qu'elle les dépose ensuite sur l'évier. Elle ne les essuie pas, elle attend qu'ils sèchent tout seuls, ce qui explique que les cendriers sont perpétuellement sur l'évier. Je crois que la femme grecque les considèrent comme des assiettes dans lesquelles certains ont la mauvaise habitude d'écraser leur cigarette. »
Peut être dois je relire ce livre à l'occasion d'un retour de voyage... en Grèce;
et mener ma propre enquête sur le sort que les femmes réservent à leur cendrier...
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Encore un enchevêtrement de fiction et d'autobiographie, dont le style fragmentaire m'a plu cette fois-ci, dans le cadre d'un roman. C'est l'histoire du retour au pays d'un migrant grec à Paris, un intellectuel, dont le prétexte est l'élucidation d'un mystère archéologique: le sens de la lettre epsilon se trouvant jadis à l'entrée du temple d'Apollon à Delphes. Si les amateurs de polars historiques risquent d'être déçus, les lecteurs intéressés à l'introspection d'un auteur migrant y trouveront leur compte. Car loin d'être élucidée, l'énigme se transforme en recherche de la langue maternelle que le héros craint menacée; la recherche est limitée et scandée par 40 mots commençant (presque tous) par le fameux epsilon, qui représentent autant de personnages ou de circonstances du récit ou sans doute d'éléments aptes à caractériser le personnage qui cherche, en tout cas un TEXTE, voire même la quintessence des 393 p. du roman ainsi que la quintessence de la quête. Leur ordre d'apparition au fil du récit ne me semble pas totalement anodin, lui non plus - serait-il le seul élément d'ordre dans la narration?
Toujours est-il que, comme dans "Les Mots étrangers", le thème de la "langue sauvée" (v. Canetti) est strictement lié à un deuil: le deuil de la mère (d'où "langue maternelle" au sens propre de "maternel"), menace pour la langue; vers la fin de la liste, le E est identifié à "ta ellènika" (la langue grecque), et le 40ème mot de la liste est "ellipsi", le manque (de la personne de la mère, justement, mais sans doute admettant aussi une plus grande abstraction). le cadre est une Grèce intellectuelle étriquée, hyper-nationaliste, obsédée par son identité antique. On peut également apprendre (ou redécouvrir) de nombreuses informations sur et de beaux paysages de Delphes.

Voici ce que j'ai pu retrouver de la liste des mots en E (par une relecture très rapide - un lecteur avisé et intéressé pourra sans doute trouver la liste complète à condition de lire tout le roman un crayon à la main...):
1. élissomai = se faufiler, 2. éndélos = tout à fait, 3. éris = la querelle, 4. eurisko = je trouve, 5. ainigma = l'énigme, 6. ei = tu es, 7. ei = et si...? (interrogatif), 8. érotèma = la question, 9. éna = un (nombre), 10. ê = il dit, 11. hélios = le soleil, 12. Eléni = prénom féminin, [...] 17. égo = je, 18. érateinos = aimable, 19. epsilon = cinquième lettre de l'alphabet, 20. ethnikismos = nationalisme, 21. elpida = espérance, 22. ecclissia = l'Eglise, 23. éros, 24. é é = cri de détresse, 25. étimothanatos = le moribond [un freudien ne manquera pas de remarquer ici l'ordre...], 26. érythro = ancien mot pour rouge, 27. ekpatrisménos = expatrié, 28. élia = l'olivier, 29. éniaochos = le cocher, l'Aurige, 30. eironia = l'ironie, 31. ergatria = l'ouvrière, 32. eufantastos = ingénieux, 33. épistrophi = le retour, 34. éos = l'aube, 35. éphialtis = le cauchemar, 36. ellènika = "ma langue maternelle", 37. enthousiasmos, 38. ékèlès = mot inventé par l'auteur, 39. éleuthéria = la liberté, 40. ellipsi = le manque.
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Pavlos Nicolaïdis a quitté la Grèce depuis plus de vingt ans. Il s'est expatrié à Paris où il travaille comme dessinateur pour un journal. Aux environs de quarante-cinq ans, il fait un séjour prolongé dans son pays natal. Sa mère est décédée, il redécouvre sa culture, se replonge dans la vie athénienne, voyage à Jannina, à Amphissa, à Delphes... Il tente d'élucider le mystère de la lettre Epsilon, lit, cherche, s'interroge, fréquente les bibliothèques et les cafés, discute, questionne.
Quand il vivait à Paris, sa mère était son lien avec sa langue maternelle. Maintenant qu'elle n'est plus, il entre en "conversation avec la langue" et nous assistons à ce dialogue.

Ce livre est un livre étrange, pas vraiment roman, pas vraiment autobiographie. le narrateur le qualifie à plusieurs reprises de journal intime. Peut-être est-ce cela. Nous voguons de souvenirs d'enfance en récits de voyage. le tout est parsemé de réflexions sur la culture grecque et d'anecdotes historiques.
Certains auront sans doute l'impression que l'histoire traîne en longueur. Mais il fallait cela. Il fallait que nous suivions Pavlos dans ce retour aux sources, ce retour à la langue.
Pour ma part, je ne me suis pas ennuyée. Je suis ravie de cette lecture ! Vassilis Alexakis m'a charmée et ce premier livre que je lisais de lui m'a donné une grande envie d'étudier le grec moderne et de visiter la Grèce. Et je pense que je le ferai. Dès que possible. Vraiment.

Challenge XXème siècle 2021
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c est un livre qui commence doucement, léger , puis l auteur nous charme avec ses souvenirs d école de l lliade et de l Odysée, de la langue greque ancienne .....
et bientot sa recherche initiatique de la signification de l epsilon nous accroche , nous permet de le connaitre de plus en plus, le livre se bonifie jusqu à un final magnifique et émouvant.
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Les personnages ne m'ont pas du tout accroché et le scénario est quasi inexistant, alors pourquoi l'avoir lu en entier, même si j'aime la Grèce au point d'avoir appris un peu de grec moderne ?

Ce qui m'a vraiment intéressé, c'est d'avoir l'avis un peu sur tout d'un Grec ayant vécu à Paris et qui revient dans son pays avec un oeil neuf. Les Grecs ont un patrimoine exceptionnel, mais aussi une difficulté extrême à le maintenir et à le transmettre. Notamment, la littérature antique y est étudiée en grec ancien alors que tous les autres pays l'étudient dans leur langue maternelle comprise par tous.

Finalement, ce patrimoine et cette prétention à le maîtriser, c'est aussi un handicap pour bien le faire passer. L'enseignement a bien du mal à fonctionner, en voulant garder le grec ancien, en ignorant quasiment la période d'occupation romaine et en voulant trouver une continuité entre grec ancien et grec byzantin, à savoir quoi faire de la langue savante utilisée longtemps pour les actes officiels et encore aujourd'hui par l'Eglise orthodoxe très conservatrice. le peuple grec, lui, ne pratique que le grec moderne !

Le livre date de 1995 mais l'inertie est grande sur ces difficultés et il me semble qu'une bonne partie est toujours d'actualité. C'est un peu comme si en France, on avait voulu maintenir le latin pour les actes officiels, pour une religion d'Etat et pour les programmes obligatoires du collège et du lycée. La France a fait le ménage, la Grèce à moitié seulement. Ce n'est qu'une impression personnelle, je ne suis pas expert de la Grèce.
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