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Citations sur Oeuvres : La guerre n'a pas un visage de femme - Dern.. (15)

Nous venions de reprendre un village... Nous cherchons un endroit pour faire provision d'eau. Nous entrons dans une cour où s'élève un chadouf. Il y a là un puits en bois, sculpté... Le maître des lieux gît sur le sol, le corps criblé de balles... Un chien semble monter la garde à côté. Le chien nous voit, commence à geindre. Nous avons mis un moment à comprendre qu'en fait il nous appelait. Il nous a conduits vers l'entrée de la chaumière.... Nous l'avons suivi. Sur le sol étaient étendus la femme de l'homme et trois petits enfants...
Le chien s'assoit près d'eux et se met à pleurer. A pleurer vraiment. Comme un être humain... Un grand chien... J'ai pensé pour la première fois : "Pourquoi les hommes n'ont-ils jamais honte devant les animaux ?..." (p. 146).
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La vie met à l'épreuve la pertinence de mes idées romantiques.
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Parfois, je rentre chez moi après une série d'entretiens avec l'idée que la souffrance, c'est la solitude. L'isolement absolu. D'autres fois, il me semble que la souffrance est une forme particulière de connaissance. Une sorte d'information essentielle.
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Elles se sont tues si longtemps que leur silence, lui aussi, s'est changé en histoire.
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J'ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d'humanité en l'homme, et comment l'homme pouvait défendre cette humanité en lui.
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Le 26 avril 1986, à 1h23, une série d'explosions détruisit le réacteur et le bâtiment de la 4e tranche de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Cet accident est devenu la plus grande catastrophe technologique du 20e siècle.

Pour la petite Biélorussie de 10 millions d'habitants, il s'agissait d'un désastre à l'échelle nationale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur la terre biélorusse, les nazis avaient détruit 619 villages et exterminé leur population. À la suite de Tchernobyl, le pays en perdit 485. 70 d'entre eux sont enterrés pour toujours.

La guerre a tué un biélorusse sur 4 ; aujourd'hui, un sur cinq vit dans une région contaminée. Cela concerne 2,1 millions de personnes, dont 700 000 enfants.

Les radiations constituent la principale source de déficit démographique. Dans les régions de Gomel et de Moguilev ( qui ont le plus souffert de la tragédie), la mortalité est supérieure de 20 % à la natalité.

La supplication (page 564)
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Les Allemands ne faisaient pas prisonnières les femmes qui portaient l'uniforme. Ils les abattaient sur place. Ils les traînaient devant leurs soldats alignés et les leur montraient : "Tenez, regardez, ce ne sont pas des femmes, mais des monstres. Des fanatiques russes ! “ Aussi gardions-nous toujours une cartouche pour nous. Il valait mieux mourir que de se laisser prendre...
Une de nos infirmières avait été faite prisonnière. Le surlendemain, lorsque nous avons repris le village, nous l'y avons retrouvée : les yeux crevés, les seins coupés... Ils l'avaient empalée... Il gelait, elle était toute blanche, et ses cheveux étaient devenus gris. Elle avait dix-neuf ans. Une très jolie fille...

(page 141)
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Les documents ne meurent pas, ne restent pas figés une fois pour toutes sous une forme donnée, dans les mêmes termes, ils bougent. Nous sommes capable de puiser sans fin de la matière neuve au fond des mots, au plus exactement au fond de nous-même. Surtout quand il est question de documents vivants, de nos témoignages. De nos sentiments. C'est pourquoi je suis condamnée à compléter sans fin mes livres. Poser un point, il se métamorphose aussitôt en points de suspension...

(page 29)
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L'homme est plus grand que la guerre. Je retiens précisément les moments où il est plus grand qu'elle. C'est quand il y est gouverné par quelque chose de plus fort que I'Histoire. Il me faut embrasser plus large : écrire la vérité sur la vie et la mort en général, et non pas seulement la vérité sur la guerre. lI ne fait aucun doute que le mal est séduisant : il nous hypnotise par sa provision d'inhumanité profondément enfouie en l'homme. J'ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d'humain en l'homme, et comment l'homme pouvait défendre cette humanité en lui. Mais pourquoi alors un tel intérêt pour le mal ? Peut-être pour savoir quels dangers nous menacent et comment les éviter ? Je m'enfonce de plus en plus loin dans le monde infini de la guerre, tout le reste a légèrement terni, est devenu plus ordinaire qu'à l'ordinaire. C'est un monde trop envahissant, trop puissant. Je comprends à présent la solitude de l'individu qui en revient. C est comme s'il revenait d'une autre planète ou bien de l'autre monde. Il possède un savoir que les autres n'ont pas, et qu'on ne peut acquérir que là-bas, au contact de la mort. Quand il essaie d'en transmettre quelque chose par des mots, il a le sentiment d'une catastrophe. Il devient muet, Il voudrait bien raconter, les autres voudraient bien savoir, mais tous sont impuissants.
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Je ne cherche pas à produire un document mais à sculpter l'image d'une époque. C'est pourquoi je mets entre entre sept et dix ans pour rédiger chaque livre. J'enregistre des centaines de personnes. Je reviens voir la même personne plusieurs fois. Il faut d'abord, en effet, la libérer de la banalité qu'elle a en elle. Au début, nous avons tous tendance à répéter ce que nous avons lu dans les journaux ou les livres. Mais, peu à peu, on va vers le fond de soi-même et on prononce des phrases tirées de notre expérience vivante et singulière. Finalement, sur cinquante ou soixante-dix pages, je ne garde souvent qu' une demi-page, cinq au plus. Bien sûr, je nettoie un peu ce qu'on me dit, je supprime les répétitions. Mais je ne stylise pas et je tâche de conserver la langue qu'emploient les gens. Et si l'on a l'impression qu'ils parlent bien, c'est que je guette le moment où ils sont en état de choc, quand ils évoquent la mort ou l'amour. Alors leur pensée s aiguise, ils sont tout entiers mobilisés. Et le résultat est souvent magnifique. N'oublions pas que l'art de la parole est une tradition russe. Les Italiens ont la grande peinture, les Allemands la grande musique. Les Russes, eux, ont développé une culture logocentrique, qui exalte le verbe. Je ne suis donc pas journaliste. Je ne reste pas au niveau de l'information, mais j'explore la vie des gens, ce qu'ils ont compris de l'existence. Je ne fais pas non plus un travail d historien, car tout commence pour moi à l'endroit même où se termine la tâche de l'historien : que se passe-t-il dans la tête des gens apres la bataille de Stalingrad ou après l'explosion de Tchernobyl ? Je n'écris pas l'histoire des faits mais celle des âmes.
Entretien avec Svetlana Alexievitch dans l'Introduction
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