Ils sont désignés par leur nom ils ont survécu, ils ont grandi, sont devenus des hommes et des femmes, ils ont un métier : instituteur, ouvrière, trayeuse, chauffeur, employée des postes, tisseuse, artiste peintre, photographe, ajusteur, musicien…
L'âge qui leur est donné est celui qu'ils avaient en 1941 quand la guerre a éclaté, comme un temps suspendu, arrêté, un basculement soudain dans un monde inconnu.
Certains disent la douleur d'avoir à se souvenir, ils évoquent le silence qu'ils ont construit après, ils disent les images gravées, hachées, cassées, plantées profond.
Ce n'est pas un livre d'histoire, c'est un livre sur les vivants, sur la fragmentation du vivant devant ce qui échappe à l'humain, à hauteur d'enfant, quand l'innocence explose en plein vol.
A travers les crimes de guerre perpétrés par l'armée allemande lors de l'invasion de l'URSS en 1941, notamment en Biélorussie, ce texte met en scène des bourreaux ordinaires, capables de caresser des chatons après avoir massacré des enfants.
Publié en 1985, le livre de
Svetlana Alexievitch place le lecteur face à 101 témoignages qui se succèdent sans transition, avec la dureté de la pierre. Elle ne propose pas d'analyse, elle expose dans les souvenirs racontés, les traces que la guerre a imprimé dans les corps et dans les têtes. Une guerre sans fin, qui survit à travers ces
derniers témoins, les récits qu'elle recueille font de nous lecteurs, des passeurs de mémoire.