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EAN : 9782330056292
800 pages
Actes Sud (07/10/2015)
4.4/5   39 notes
Résumé :
- La guerre n'a pas un visage de femme
- Derniers témoins
- La Supplication

« J’ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d’humain en l’homme, et comment l’homme pouvait défendre cette humanité en lui. »
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
TRIPLE DOSE D'UNE OEUVRE EN FUSION

Tout ceux qui ont la patience de lire les quelques critiques que j'ai rédigées pour Babélio et ses membres en un an à peine auront probablement remarqué que, généralement, j'évite la première personne du singulier autant qu'il m'est possible. La raison en est simple, c'est que si "je est un autre" comme l'affirmait Rimbaud, "moi-je" est aussi, bien souvent, sans grand intérêt et mérite généralement bien peu de se mettre au devant de la scène et, pour être plus clair, de prendre la place par devant l'ouvrage dont il essaie de dire quelques mots, plus ou moins intéressant, plus ou moins intelligents.
Heureusement, une fois n'est pas coutume, et je tâcherai à l'avenir de ne pas trop me faire prendre à individualiser, à égotiser, mes futures rédactions. Ceci étant, voila : Cette triple lecture, entamée il y a un an tout juste, fut l'un des plus intenses, l'une des plus incroyables, l'un des plus bizarres et déroutants et violents chocs littéraires qu'il m'a jamais été donné d'avoir sous les yeux. Et j'ai bien de la peine à peser les mots justes.

Mais j'aurai dû me méfier en lisant ce genre de mots - ceux de la bouche-même de Svetlana Alexievitch, dans le bel entretient qu'elle donne à Michel Eltchaninoff en manière d'introduction à la compilation des éditions Actes Sud dans cette superbe collection "Thésaurus" - ces mots-là, donc : "Mon principe est de chercher à comprendre la vie humaine. Dénoncer le mensonge du système soviétique ou du poutinisme demeure secondaire. Les choses ne m'intéressent pas lorsqu'elles se situent sur le plan idéologique, qui reste pour moi superficiel. Mais le résultat est que ces livres détruisent tout de même les mythes, soviétiques ou postsoviétiques."
De fait, "La guerre n'a pas un visage de femme", premier ouvrage de cette autrice, fut, malgré des tentatives de censure officielle, non seulement un succès colossal en ex-URSS mais on peut dire qu'à sa manière, il introduisit la fameuse Perestroïka, lancée peu après par Gorbatchev. Et l'on sait aujourd'hui comment ces réformes aboutirent, à la fin des fins, à l'anéantissement du régime qu'elles étaient censées moderniser.
De même ne peut-on plus jamais dire "je ne savais pas" après être ressorti, parfaitement exsangue, de sa lecture de la Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse dans laquelle la prix Nobel de littérature 2015, elle-même biélorusse, est allée à la rencontre de celles et ceux qui ont vécu l'enfer en apparence indolore, inodore et invisible (ajoutez un "faussement" à chaque qualificatif) de la trop célèbre et plus importante catastrophe du nucléaire civil, jusqu'à Fukushima. Si ce n'est encore le cas (impossible de trouver une info récente), il est à noter que le livre fut longtemps interdit dans son pays, la Biélorussie, tant les plaies refusent obstinément à cicatriser. Tant le pouvoir d'alors fut complice. Tant celui d'aujourd'hui en est l'enfant pourri.

Or, en rédigeant cela, j'ai tout dit et surtout, rien dit !

C'était, je m'en souviens avec une précision quasi photographique, lors d'un petit séjour en amoureux -vous saurez tout !- entre pays bigouden et monts d'Arrée lors des vacances de février de l'année 2016, donc. Le temps était frais mais superbe (comme toujours dans ma chère Bretagne) et après la balade quasi obligatoire parmi les étranges amas rocheux du Huelgoat (et de faire sensiblement bouger l'énorme Roche Tremblante) puis de se recueillir sur la tombe du grand écrivain Victor Ségalen, nous nous dirigeâmes vaillamment et plein d'enthousiasme vers les abords accueillants de cette excellente, bien que modeste, librairie-café nommée L'Autre Rive. Oui, je me lâche, et je fais même un peu de réclame pour ce lieu de culture et de calme si accueillant, perdu en pleine forêt, mais tellement plus humain et sincère que les grandes machines à Kultur de nos métropoles ou de certain mastodonte américain destructeur de librairie qui s'affichent sans vergogne sur le net (suivez mon regard...) et dont la survie pour le tissu culturel et social de nos villes moins importantes, de nos provinces moins accessibles, me semble absolument indispensable. Mais je m'écarte du sujet. L'endroit, charmant, confond donc avec bonheur les nourritures terrestres d'avec les nourritures spirituelles. Or, juste à côté de la place où j'étais attablé avec mon amoureuse et ma petite Merveille d'alors dix mois (on ne saurait commencer la lecture trop tôt !) se trouvait une table, plus classique en librairie, des coups de cœur de nos hôtes serviables et débonnaires. Soudain, et tandis que je m'apprêtais à choisir entre une tartine de chèvre chaud ou un gâteau au miel, je me suis senti totalement happé par cet ouvrage, sans pouvoir expliquer comment ni pourquoi. Bien sur, j'avais entendu parler et même lu deux ou trois petites choses sur cette femme nobélisée. Aucun de mes amis n'en avait lu alors, ou ne l'avait évoqué, mais les critiques semblaient plutôt dithyrambiques dans l'ensemble. Ceci étant, je n'avais jamais pris le temps d'ouvrir un seul de ses ouvrages et il en serait probablement demeuré à jamais ainsi sans ces quelques journée d'un repos bien mérité. Je me souviens encore précisément de la page sur laquelle j'étais tombé. C'est vers le début des "Derniers Témoins" et cet entretien est titré "Je veux toujours ma maman", en voici les dernières lignes :

"La guerre pris fin... J'attends un jour, deux, personne ne vient me chercher. Maman ne se montre pas. Pour papa, c'est différent, je sais qu'il est à l'armée. Je patiente encore deux semaines, je n'en peux plus. Je me faufile dans un train, me planque sous une banquette, et en route ! Vers quelle destination ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je pensais - je raisonnais encore comme une enfant - que tous les trains allaient à Minsk. Et j'étais sûre que maman m'y attendait ! Papa nous rejoindrait ensuite... en héros ! Avec plein de médailles et de décorations.
Ils avaient été tués dans les bombardements... Plus tard, les voisins m'ont raconté : ils étaient partis tous les deux me chercher. Ils s'étaient précipités à la gare...
J'ai cinquante et un ans, je suis mère de famille. Il n'empêche que je veux toujours ma maman..."

Pensez ce que vous voudrez : que j'ai le cœur d'une midinette, que l'on voit, lit, entend tous les jours des choses mille fois plus dramatiques que ces quelques mots de femme déjà un peu avancée dans l'âge mais qui se souvient toujours avec autant de douleur et d'acuité de son enfance brisée durant la guerre en Russie, etc. Moi, ces mots m'ont bouleversé tout autant que cette écriture m'a soufflé. Ce livre qui m'avait pour ainsi dire harponné, inutile de vous préciser que je suis reparti avec sous le bras (ainsi que quelques autres, en bon acheteur compulsif de bouquins), qu'il ne m'a pas quitté depuis, ni physiquement, ni en pensées. Qu'après avoir strictement dévoré, halluciné, le premier titre (la guerre n'a pas, etc), les larmes au bord des yeux sur presque toute sa longueur, je suis resté tellement abasourdi de ce que je venais d'y découvrir qu'il m'a fallu attendre l'été suivant pour poursuivre avec Derniers témoins. Il m'a fallu encore pas loin de six mois pour me sentir disposé à entamer et achever cet incroyable opus avec La supplication. Un troisième et ultime choc, tant humain qu'intellectuel.

J'ai bien conscience que tout ce que je vous conte-là ne vous apprend pas grand'chose, de l'intérieur, de ce qui m'a à ce point ébranlé, bousculé mais qu'en dire sinon que c'est une oeuvre qui s'éprouve - j'irais, peu s'en faut, écrire qu'il faut la vivre, si je n'avais pas peur que ce soit absolument exagéré ou possiblement perçu comme cynique au regard de ces expériences tellement extraordinairement fortes, la plupart du temps au seuil de l'intolérable, vécues par toutes ces personnes-, et d'où il ressort d'immenses souffrances mais aussi, généralement, un amour incoercible et viscéral pour la vie, pour ses semblables, pour une simple fleur émergeant de ruines ou un sobre sourire sur le visage d'un vieil homme cassé. Je peux seulement ajouter que cette oeuvre, cette écriture, cette recomposition d'éclatements personnels de vies et de ressentis, cette manière si subtile de déplier, de déployer ces innombrables témoignages, de rendre, ainsi que l'un de ses interlocuteur l'explique, historique et communs (dans le sens de communion) des moments pourtant strictement individuels à l'origine, cette manière d'écouter les gens aussi, à mi-chemin entre le journalisme de très haut vol et l'abandon par les mots dans un cabinet feutré de psychanalyste (mais sans la lourdeur analytique), de donner matière et consistance quasiment perceptible et ductile de toutes ces existences accumulées, cumulées ne peuvent être que le fruit d'un immense talent et que, pour autant qu'on attache d'importance à un prix, en tant qu'il représente une certaine forme d'idéal en matière de Littérature, Svetlana Alexievitch le méritait plus qu'amplement... Ce dont j'ai toutes les peines du monde à me convaincre pour certain chanteur plus récent, mais là n'est pas la question (il y a juste que je ne me remets pas de cette forfaiture intellectuelle)...

Bref... Malgré une année par ailleurs d'une grande richesse en découvertes et en émotions bibliophiliques, c'est un cerveau en fusion (j'ai bien conscience du peu d'originalité de mon jeu de mot, en référence à la thématique de la Supplication, mais au point où j'en suis de personnalisation de cette critique, soyons fous !) qu'ont déclenché ces trois textes relativement indéfinissables par ailleurs mais dont j'essaierai de faire une critique individuelle à un autre moment... le temps que le réacteur refroidisse un peu !
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Pour une première plongée dans l'oeuvre de Svetlana Alexievitch, ce fut une plongée longue et profonde, m'étant procurée le volume de ses Oeuvres contenant La guerre n'a pas un visage de femme, Derniers témoins et La supplication.

Plongée éprouvante, indéniablement, que dans celle de ces témoignages multiples, d'abord au sujet de la Seconde Guerre Mondiale, du côté soviétique, pour les deux premiers volumes, enfin au sujet de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, dans le dernier, qui est toujours interdit en Biélorussie.

Plongée éprouvante et peu commune en ce qu'elle est un travail journalistique qui, plus que de synthétiser en une seule parole, celle du journaliste, toutes celles des témoins, nous transmet, prend le temps, surtout, de nous transmettre, sans filtre ni transformations, tous les récits-entretiens enregistrés par magnétophone - avec, malgré tout, parfois, des coupes -. Ces témoignages, de fait, n'en sont que plus forts quant à ce qu'ils décrivent, de l'évacuation des lieux avec la catastrophe - la guerre ou l'explosion d'une partie de la centrale -, au quotidien pendant la catastrophe, en passant par les diverses conséquences qu'elles ont sous-entendues - physiques, psychiques, sociétales... Ce sont des témoignages bruts, dans lesquels l'on ressent toutes les émotions, sentiments, des témoins, mêmes lorsque les évènements vécus ont parfois plus de quarante ans. Et la voix de la journaliste s'efface littéralement tout du long, ou presque, commentant parfois, entre certains témoignages, mais sans jamais rester au premier plan : elle n'est que la passeuse d'Histoire, de l'Histoire de son pays, la Biélorussie, au sein de l'URSS, et de fait, du régime soviétique, dans ses comportements et réactions, également face aux catastrophes - plus particulièrement Tchernobyl-.

Plongée peu commune également, précisément sur la Seconde Guerre Mondiale, en ce qu'elle donne la parole aux femmes soviétiques, celles qui ont combattu, et elles sont nombreuses, officiellement ou dans la résistance, celles qui ont tenu les familles comme elles ont pu à partir de 1941, dans La guerre n'a pas un visage de femme. En ce qu'elle donne aussi la parole aux enfants, ceux qui avaient moins de 14 ans en 1941, dans Les derniers témoins. En ce qu'elle donne enfin la parole à ceux qui ont vécu Tchernobyl, les soldats ou pompiers qui étaient sur les lieux pour éteindre l'incendie ou pour nettoyer les lieux, les habitants qui ont évacué, ou non, et qui ont choisi, ou non, de revenir, des conséquences de l'explosion sur les alentours, et bien plus...

L'entretien de la journaliste avec Michel Eltchaninoff, qui précède ces trois oeuvres, est particulièrement éclairant, et passionnant, pour comprendre le choix de la démarche de Svetlana Alexievitch pour rendre compte, certes, de l'Histoire, mais plus encore de l'Humanité à travers celle-ci.

Une lecture nécessaire, que je vais compléter sous peu avec Les cercueils de zinc. M'est avis que ce n'est pas la dernière oeuvre que je lirai de l'autrice !
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Pour l'instant, je n'ai encore lu que « La guerre n'a pas un visage de femme ». le procédé modeste de recueil de témoignages en même temps que le récit de la démarche de l'auteur et de ses doutes, donne une force incroyable à ce livre. Faire vivre une époque dramatique à travers une trame de témoignages me touche particulièrement. Et le point de vue inédit de la guerre menée par les femmes, est bouleversant.
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Je n'ai jamais rien lu d'aussi poignant, bouleversant, que cette trilogie de cette auteure immense. Je pensais avoir le plus grand intérêt pour les témoignages des victimes de Tchernobyl, mais ce sont les Derniers témoins, enfants russes survivants de la deuxième guerre, des blocus et des famines, qui m'ont le plus profondément atteinte. Néanmoins les témoignages des destinées impitoyables des femmes soldats russes et ceux des victimes et nettoyeurs/soldats de Tchernobyl sont tout aussi insoutenables et nécessaires. L'âme russe, dans son esprit de sacrifice pour la nation, ne cesse de me fasciner. Svetlana Alexievitch signe une oeuvre majeure de notre temps.




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Ce livre reprend plusieurs ouvrages déja publiés. Il s'agit d'un ensemble de témoignages collectés pendant de nombreuses années, tout d'abord sur le sentiment des femmes russes ayant vécu la guerre contre les nazis : embarquée dès 16 ans comme infirmière, blanchisseuse, cuisinière, soldate, sniper etc, elles racontent ce qu'elles ont vécu, ressenti, et le sort qui leur a été réservé après la guerre. Il est difficile de ne pas pleurer toutes les 10 pages après cette lecture si émouvante.
Dans la partie "Supplication", les témoignages se font encore plus implacablement atroces avec ce que les femmes ont vécu pendant la catastrophe de tchernobyl et ensuite : la décomposition de leurs maris, la naissance et la mort de leurs enfants atteints de malformations, le portrait de la désorganisation et de l'absurde au quotidien.
On a du mal à respirer en fermant ce livre extraordinaire.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Nous venions de reprendre un village... Nous cherchons un endroit pour faire provision d'eau. Nous entrons dans une cour où s'élève un chadouf. Il y a là un puits en bois, sculpté... Le maître des lieux gît sur le sol, le corps criblé de balles... Un chien semble monter la garde à côté. Le chien nous voit, commence à geindre. Nous avons mis un moment à comprendre qu'en fait il nous appelait. Il nous a conduits vers l'entrée de la chaumière.... Nous l'avons suivi. Sur le sol étaient étendus la femme de l'homme et trois petits enfants...
Le chien s'assoit près d'eux et se met à pleurer. A pleurer vraiment. Comme un être humain... Un grand chien... J'ai pensé pour la première fois : "Pourquoi les hommes n'ont-ils jamais honte devant les animaux ?..." (p. 146).
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Je ne cherche pas à produire un document mais à sculpter l'image d'une époque. C'est pourquoi je mets entre entre sept et dix ans pour rédiger chaque livre. J'enregistre des centaines de personnes. Je reviens voir la même personne plusieurs fois. Il faut d'abord, en effet, la libérer de la banalité qu'elle a en elle. Au début, nous avons tous tendance à répéter ce que nous avons lu dans les journaux ou les livres. Mais, peu à peu, on va vers le fond de soi-même et on prononce des phrases tirées de notre expérience vivante et singulière. Finalement, sur cinquante ou soixante-dix pages, je ne garde souvent qu' une demi-page, cinq au plus. Bien sûr, je nettoie un peu ce qu'on me dit, je supprime les répétitions. Mais je ne stylise pas et je tâche de conserver la langue qu'emploient les gens. Et si l'on a l'impression qu'ils parlent bien, c'est que je guette le moment où ils sont en état de choc, quand ils évoquent la mort ou l'amour. Alors leur pensée s aiguise, ils sont tout entiers mobilisés. Et le résultat est souvent magnifique. N'oublions pas que l'art de la parole est une tradition russe. Les Italiens ont la grande peinture, les Allemands la grande musique. Les Russes, eux, ont développé une culture logocentrique, qui exalte le verbe. Je ne suis donc pas journaliste. Je ne reste pas au niveau de l'information, mais j'explore la vie des gens, ce qu'ils ont compris de l'existence. Je ne fais pas non plus un travail d historien, car tout commence pour moi à l'endroit même où se termine la tâche de l'historien : que se passe-t-il dans la tête des gens apres la bataille de Stalingrad ou après l'explosion de Tchernobyl ? Je n'écris pas l'histoire des faits mais celle des âmes.
Entretien avec Svetlana Alexievitch dans l'Introduction
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L'homme est plus grand que la guerre. Je retiens précisément les moments où il est plus grand qu'elle. C'est quand il y est gouverné par quelque chose de plus fort que I'Histoire. Il me faut embrasser plus large : écrire la vérité sur la vie et la mort en général, et non pas seulement la vérité sur la guerre. lI ne fait aucun doute que le mal est séduisant : il nous hypnotise par sa provision d'inhumanité profondément enfouie en l'homme. J'ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d'humain en l'homme, et comment l'homme pouvait défendre cette humanité en lui. Mais pourquoi alors un tel intérêt pour le mal ? Peut-être pour savoir quels dangers nous menacent et comment les éviter ? Je m'enfonce de plus en plus loin dans le monde infini de la guerre, tout le reste a légèrement terni, est devenu plus ordinaire qu'à l'ordinaire. C'est un monde trop envahissant, trop puissant. Je comprends à présent la solitude de l'individu qui en revient. C est comme s'il revenait d'une autre planète ou bien de l'autre monde. Il possède un savoir que les autres n'ont pas, et qu'on ne peut acquérir que là-bas, au contact de la mort. Quand il essaie d'en transmettre quelque chose par des mots, il a le sentiment d'une catastrophe. Il devient muet, Il voudrait bien raconter, les autres voudraient bien savoir, mais tous sont impuissants.
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Le 26 avril 1986, à 1h23, une série d'explosions détruisit le réacteur et le bâtiment de la 4e tranche de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Cet accident est devenu la plus grande catastrophe technologique du 20e siècle.

Pour la petite Biélorussie de 10 millions d'habitants, il s'agissait d'un désastre à l'échelle nationale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur la terre biélorusse, les nazis avaient détruit 619 villages et exterminé leur population. À la suite de Tchernobyl, le pays en perdit 485. 70 d'entre eux sont enterrés pour toujours.

La guerre a tué un biélorusse sur 4 ; aujourd'hui, un sur cinq vit dans une région contaminée. Cela concerne 2,1 millions de personnes, dont 700 000 enfants.

Les radiations constituent la principale source de déficit démographique. Dans les régions de Gomel et de Moguilev ( qui ont le plus souffert de la tragédie), la mortalité est supérieure de 20 % à la natalité.

La supplication (page 564)
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Les Allemands ne faisaient pas prisonnières les femmes qui portaient l'uniforme. Ils les abattaient sur place. Ils les traînaient devant leurs soldats alignés et les leur montraient : "Tenez, regardez, ce ne sont pas des femmes, mais des monstres. Des fanatiques russes ! “ Aussi gardions-nous toujours une cartouche pour nous. Il valait mieux mourir que de se laisser prendre...
Une de nos infirmières avait été faite prisonnière. Le surlendemain, lorsque nous avons repris le village, nous l'y avons retrouvée : les yeux crevés, les seins coupés... Ils l'avaient empalée... Il gelait, elle était toute blanche, et ses cheveux étaient devenus gris. Elle avait dix-neuf ans. Une très jolie fille...

(page 141)
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Ce mois-ci les membres nous parlent de: Je suis une fille sans histoire - de Alice Zeniter aux éditions L Arche Beauté fatale - de Mona Chollet aux éditions de la Découverte Les Vilaines- Camila Sosa Villada aux éditions Métailié La guerre n'a pas un visage de femme - de Svetlana Alexievitch aux éditions J'ai Lu Lait Noir – d'Elif Shafak aux éditions Phébus
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