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Citations sur Vie nouvelle (62)

Après le départ de cette dame, il plut au Seigneur des anges d’appeler à sa gloire une femme jeune et de très gracieuse apparence, laquelle était aimée dans cette ville. Je vis son corps au milieu de femmes qui pleuraient.

Alors, me rappelant l’avoir vue dans la compagnie de ma Dame, je ne pus retenir mes larmes. Et tout en pleurant, je me proposai de dire quelque chose sur sa mort, à l’intention de celle près de qui je l’avais vue. Et c’est à cela que se rapportent les derniers mots de ce que je dis à son sujet, comme le saisiront bien ceux qui le comprendront. Je fis donc les deux sonnets qui suivent :

Pleurez, amans, alors que l’amour pleure[1],
En entendant ce qui le fait pleurer.
L’Amour entend les femmes sangloter de pitié,
Et leurs yeux témoignent de leur douleur amère.

C’est parce que la mort méchante a exercé
Son œuvre cruelle sur un cœur aimable
En détruisant, sauf l’honneur[2], ce qui attire aux femmes
Les louanges du monde.
Écoutez comment l’Amour lui a rendu hommage,
Car je l’ai vu sous une forme réelle[3]
Se lamenter sur cette belle image.
Et il levait à chaque instant ses yeux vers le ciel
Où était déjà logée cette âme gracieuse
Qui avait été une femme si attrayante.

Mort brutale, ennemie de la pitié[4],
Mère antique de la douleur,
Jugement dur et irrécusable,
Puisque tu as donné l’occasion à mon cœur affligé
De se livrer à ses pensées,
Ma langue se fatiguera à t’accuser ;
Et si je te refuse toute excuse,
Il faut que je dise
Tes méfaits et tes crimes :
Non que le monde les ignore,
Mais pour soulever l’indignation
De quiconque se nourrit d’amour.
Tu as séparé du monde la beauté,
Et ce qui a le plus de prix chez une femme, la vertu.

Tu as détruit la grâce amoureuse
D’une jeunesse joyeuse.
Je ne veux pas découvrir ici davantage la femme
Dont les mérites sont bien connus.
Celui qui ne mérite pas son salut[5]
Qu’il n’espère jamais être en sa compagnie[6].



Piangete amanti, perché piange amore…
C’est-à-dire que la mort peut dépouiller une femme de tout ce qui charmait dans sa personne, mais non l’honneur qui la distinguait.
L’Amour représente ici Béatrice, qui était elle-même présente à cette scène douloureuse.
Morte villana, di pietà nemica…
C’est à Béatrice que s’adressent ces deux derniers vers. Vivre en sa compagnie, c’est-à-dire dans le ciel.
Commentaire du ch. VIII.
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Cette dame qui m’avait pendant si longtemps servi à cacher ma volonté, il fallut qu’elle quittât la ville où nous étions, pour une résidence éloignée. De sorte que moi, fort troublé d’avoir perdu la protection de mon secret, je me trouvai plus déconcerté que je n’aurais cru devoir l’être. Et pensant que, si je ne témoignais pas quelque chagrin de son départ, on s’apercevrait plus tôt de ma fraude, je me proposai de l’exprimer dans un sonnet que je reproduirai ici parce que certains passages s’y adresseront à ma Dame, comme s’en apercevra celui qui saura le comprendre.

Ô vous qui passez par le chemin de l’Amour[1],
Faites attention et regardez
S’il est une douleur égale à la mienne.
Je vous prie seulement de vouloir bien m’écouter ;
Et alors vous pourrez vous imaginer
De quels tourmens je suis la demeure et la clef.
L’Amour, non pour mon peu de mérite
Mais grâce à sa noblesse,
Me fit la vie si douce et si suave
Que j’entendais dire souvent derrière moi :
Ah ! À quels mérites
Celui-ci doit-il donc d’avoir le cœur si joyeux ?
Maintenant, j’ai perdu toute la vaillance
Qui me venait de mon trésor amoureux,
Et je suis resté si pauvre
Que je n’ose plus parler.
Si bien que, voulant faire comme ceux
Qui par vergogne cachent ce qui leur manque,
Je montre de la gaîté au dehors
Tandis qu’en dedans mon cœur se resserre et pleure[2].



O voi che per la via d’Amore passate…
Commentaire du ch. VII.
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Je dirai que pendant que cette femme servait ainsi de protection à mon grand amour, pour ce qui me concernait, il me vint à l’idée de vouloir rappeler le nom de celle qui m’était chère, en l’accompagnant du nom de beaucoup d’autres femmes, et parmi les leurs du nom de celle dont je viens de parler. Et, ayant pris les noms des soixante plus belles femmes de la ville, où ma Dame a été mise par le Seigneur, j’en composai une épître sous la forme de Sirvente[1], que je ne reproduirai pas. Et si j’en fais mention ici, c’est uniquement pour dire que, par une circonstance merveilleuse, le nom de ma Dame ne put y entrer précisément que le neuvième parmi ceux de toutes les autres.


Sirvente, sorte de poésie usitée par les trouvères et les troubadours. C’est peut-être quelque convenance de rime qui aura placé le nom de Béatrice au neuvième rang, sans que le Poète s’en soit d’abord aperçu, mais non sans que son imagination en ait été frappée plus tard (Voir le ch. XXX).
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Il arriva un jour que cette beauté était assise dans un endroit où l’on célébrait la Reine de la gloire[1], et de la place où j’étais je voyais ma Béatitude. Et entre elle et moi en ligne droite était assise une dame d’une figure très agréable, qui me regardait souvent, étonnée de mon regard qui paraissait s’arrêter sur elle ; et beaucoup s’aperçurent de la manière dont elle me regardait. Et l’on y fit tellement attention que, en partant, j’entendais dire derrière moi : « Voyez donc dans quel état cette femme a mis celui-ci. » Et, comme on la nommait, je compris qu’on parlait de celle qui se trouvait dans la direction où mes yeux allaient s’arrêter sur l’aimable Béatrice.

Alors je me rassurai, certain que mes regards n’avaient pas ce jour-là dévoilé aux autres mon secret ; et je pensai à faire aussitôt de cette gracieuse femme ma protection contre la vérité. Et en peu de temps, j’y réussis si bien que ceux qui parlaient de moi crurent avoir découvert ce que je tenais à cacher.

Grâce à elle, je pus dissimuler pendant des mois et des années[2]. Et pour mieux tromper les autres, je composai à son intention quelques petits vers que je ne reproduirai pas ici, ne voulant dire que ceux qui s’adresseraient à la divine Béatrice, et je ne donnerai que ceux qui seront à sa louange.

La fête de la Vierge.
Il paraît difficile de croire que ce manège ait duré des années.
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Après cette vision, ma santé[1] commença à être troublée dans ses fonctions parce que mon âme ne cessait de penser à cette beauté ; de sorte que je devins en peu de temps si frêle et si faible que mon aspect était devenu pénible pour mes amis. Et beaucoup poussés par la malice cherchaient à savoir ce que je tenais à cacher aux autres. Et moi, m’apercevant de leur mauvais vouloir, je leur répondais que c’était l’Amour qui m’avait mis dans cet état. Je disais l’Amour parce que mon visage en portait tellement les marques que l’on ne pouvait s’y méprendre. Et quand ils me demandaient : « Pourquoi l’Amour t’a-t-il défait à ce point ? » Je les regardais en souriant, et je ne leur disais rien.


Dans le texte : mon esprit naturel.
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Après que furent passées neuf années juste[1] depuis la première apparition de cette charmante femme et le dernier jour, je la rencontrai vêtue de blanc, entre deux dames plus âgées. Comme elle passait dans une rue, elle jeta les yeux du côté où je me trouvais, craintif, et, avec une courtoisie infinie, dont elle est aujourd’hui récompensée dans l’autre vie[2], elle me salua si gracieusement qu’il me sembla avoir atteint l’extrémité de la Béatitude. L’heure où m’arriva ce doux salut était précisément la neuvième de ce jour. Et comme c’était la première fois que sa voix parvenait à mes oreilles, je fus pris d’une telle douceur que je me sentis comme ivre, et je me séparai aussitôt de la foule.

Rentré dans ma chambre solitaire, je me mis à penser à elle et à sa courtoisie, et en y pensant je tombai dans un doux sommeil où m’apparut une vision merveilleuse.

Il me sembla voir dans ma chambre un petit nuage couleur de feu dans lequel je distinguais la figure d’un personnage d’aspect inquiétant pour qui le regardait[3] ; et il montrait lui-même une joie vraiment extraordinaire, et il disait beaucoup de choses dont je ne comprenais qu’une partie, où je distinguais seulement : « Ego dominus tuus[4]. » Il me semblait voir dans ses bras une personne endormie, nue[5], sauf qu’elle était légèrement recouverte d’un drap de couleur rouge. Et en regardant attentivement, je connus que c’était la dame du salut, celle qui avait daigné me saluer le jour d’avant. Et il me semblait qu’il tenait dans une de ses mains une chose qui brûlait, et qu’il me disait : « Vide cor tuum[6]. » Et quand il fut resté là un peu de temps, il me semblait qu’il réveillait celle qui dormait, et il s’y prenait de telle manière qu’il lui faisait manger cette chose qui brûlait dans sa main, et qu’elle mangeait en hésitant. Après cela, sa joie ne tardait pas à se convertir en des larmes amères ; et, prenant cette femme dans ses bras, il me semblait qu’il s’en allait avec elle vers le ciel.

Je ressentis alors une telle angoisse que mon léger sommeil ne put durer davantage, et je m’éveillai.

Je commençai aussitôt à penser, et je trouvai que l’heure où cette vision m’était apparue était la quatrième de la nuit, d’où il résulte qu’elle était la première des neuf dernières heures de la nuit[7]. Et tout en songeant à ce qui venait de m’apparaître, je me proposai de le faire entendre à quelques-uns de mes amis qui étaient des trouvères fameux dans ce temps-là. Et, comme je m’étais déjà essayé aux choses rimées, je voulus faire un sonnet dans lequel je saluerais tous les fidèles de l’Amour, et les prierais de juger de ma vision. Je leur écrivis donc ce que j’avais vu en songe :

À toute âme éprise et à tout noble cœur[8]
À qui parviendra ceci

Afin qu’ils m’en retournent leur avis,
Salut dans la personne de leur Seigneur, c’est-à-dire l’Amour.
Déjà étaient passées les heures
Où les étoiles brillent de tout leur éclat,
Quand m’apparut tout à coup l’Amour
Dont l’essence me remplit encore de terreur.
L’Amour me paraissait joyeux.
Il tenait mon cœur dans sa main
Et dans ses bras une femme endormie et enveloppée d’un manteau.
Puis il la réveillait et, ce cœur qui brûlait,
Il le lui donnait à manger, ce qu’elle faisait, craintive et docile.
Puis je le voyais s’en aller en pleurant[9].


Il vint plusieurs réponses à ce sonnet, et des opinions diverses furent exprimées. Parmi elles fut la réponse de celui que j’appelle le premier de mes amis. Il m’adressa un sonnet qui commence ainsi : « Il me semble que tu as vu la perfection[10]… » Et de là date le commencement de notre amitié mutuelle, quand il sut que c’était moi qui lui avais fait cet envoi. La véritable interprétation de ce sonnet ne fut alors saisie par personne. Mais aujourd’hui elle est saisie par les gens les moins perspicaces[11].


Dante avait alors 18 ans et Béatrice à peu près 17.
Nel gran secolo.
Ce personnage était l’Amour.
Je suis ton maître.
On a vu dans cette nudité un symbole de virginité. L’opinion exprimée par quelques auteurs que Béatrice était déjà mariée à cette époque, ne saurait se concilier avec cette attribution symbolique.
Vois ton cœur.
Voir au ch. XXX pour ce qui concerne le nombre 9.
A ciascun’ alma presa, e gentil cuore…
Commentaire du ch. III.
Cet ami était Guido Cavalcanti, l’un des poètes les plus réputés de cette époque. Il avait répondu : Vedesti al mio parer ogni valore…
On trouvera plusieurs de ces réponses dans le Commentaire du ch. III.
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Neuf fois depuis ma naissance, le ciel de la lumière[1] était retourné au même point de son évolution, quand apparut à mes yeux pour la première fois la glorieuse dame de mes pensées, que beaucoup nommèrent Béatrice, ne sachant comment la nommer[2].

Elle était déjà à cette période de sa vie où le ciel étoilé s’est avancé du côté de l’Orient d’un peu plus de douze degrés[3]. De sorte qu’elle était au commencement de sa neuvième année, quand elle m’apparut, et moi à la fin de la mienne.

Je la vis vêtue de rouge[4], mais d’une façon simple et modeste, et parée comme il convenait à un âge aussi tendre. À ce moment, je puis dire véritablement que le principe de la vie que recèlent les plis les plus secrets du cœur se mit à trembler si fortement en moi que je le sentis battre dans toutes les parties de mon corps d’une façon terrible, et en tremblant il disait ces mots : ecce Deus fortior me qui veniens dominabitur mihi[5]. Puis l’esprit animal qui habite là où tous les esprits sensitifs apportent leurs perceptions[6] fut saisi d’étonnement et, s’adressant spécialement à l’esprit de la vision, dit ces mots : apparuit jam beatitudo vostra[7]. Puis, l’esprit naturel qui réside là où s’articule la parole[8] se mit à pleurer, et en pleurant il disait : heu miser ! quia frequenter impeditus ero deinceps[9].

Depuis ce temps, je dis que l’Amour devint seigneur et maître de mon âme, et mon âme lui fut aussitôt unie si étroitement qu’il commença à prendre sur moi, par la vertu que lui communiquait mon imagination, une domination telle qu’il fallut m’en remettre complètement à son bon plaisir.

Il me commandait souvent de chercher à voir ce jeune ange ; et c’est ainsi que dans mon enfance (puerizia) je m’en allais souvent chercher après elle. Et je lui voyais une apparence si noble et si belle que certes on pouvait lui appliquer cette parole d’Homère. « Elle paraissait non la fille d’un homme mais celle d’un Dieu[10]. »

Et, bien que son image ne me quittât pas, m’encourageant ainsi à me soumettre à l’Amour, elle avait une fierté si noble qu’elle ne permit jamais que l’Amour me dominât par delà des conseils fidèles de la raison tels qu’il est si utile de les entendre dans ces sortes de choses. Aussi, comme il peut paraître fabuleux que tant de jeunesse ait pu maîtriser ainsi ses passions et ses impulsions, je me tairai et, laissant de côté beaucoup de choses qui pourraient être prises là d’où j’ai tiré celles-ci[11], j’en arriverai à ce qui a imprimé les traces les plus profondes dans ma mémoire.


Le Soleil.
Commentaire du ch. II.
Révolution qui s’opère en cent ans (Tutto quel cielo si muove seguendo il movimento della stellata spera, da occidente a oriente, in cento anni uno grado). Tous ces passages se rapportent à la conception de la cosmographie céleste qui se trouve longuement développée dans Il Convito (tratt. ii, ch. II et XV).
Béatrice est toujours représentée, jusque dans les régions célestes, vêtue de rouge, couleur noble sans doute aux yeux du Poète.
Voici un Dieu plus fort que moi, qui viendra me dominer.
Le cerveau.
C’est votre Béatitude qui vous est apparue.
Dans le texte : ove si ministrato nutrimento nostro. Je me suis permis de traduire autrement cette phrase. Fraticelli l’a également interprétée dans son commentaire par : lo spirito vocale.
« Malheureux que je suis, je vais me trouver souvent bien empêché. » Nous trouvons plusieurs fois le mot impeditus employé dans le sens de embarrassé, troublé.
C’est d’Hélène passant devant la foule qu’Homère parlait ainsi.
C’est-à-dire de mon esprit.
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CHAPITRE VII

Cette dame qui m’avait pendant si longtemps servi à cacher ma volonté, il fallut qu’elle quittât la ville où nous étions, pour une résidence éloignée. De sorte que moi, fort troublé d’avoir perdu la protection de mon secret, je me trouvai plus déconcerté que je n’aurais cru devoir l’être. Et pensant que, si je ne témoignais pas quelque chagrin de son départ, on s’apercevrait plus tôt de ma fraude, je me proposai de l’exprimer dans un sonnet que je reproduirai ici parce que certains passages s’y adresseront à ma Dame, comme s’en apercevra celui qui saura le comprendre.

Ô vous qui passez par le chemin de l’Amour[1],
Faites attention et regardez
S’il est une douleur égale à la mienne.
Je vous prie seulement de vouloir bien m’écouter ;
Et alors vous pourrez vous imaginer
De quels tourmens je suis la demeure et la clef.
L’Amour, non pour mon peu de mérite
Mais grâce à sa noblesse,
Me fit la vie si douce et si suave
Que j’entendais dire souvent derrière moi :
Ah ! À quels mérites
Celui-ci doit-il donc d’avoir le cœur si joyeux ?
Maintenant, j’ai perdu toute la vaillance
Qui me venait de mon trésor amoureux,
Et je suis resté si pauvre
Que je n’ose plus parler.
Si bien que, voulant faire comme ceux
Qui par vergogne cachent ce qui leur manque,
Je montre de la gaîté au dehors
Tandis qu’en dedans mon cœur se resserre et pleure[2].



O voi che per la via d’Amore passate…
Commentaire du ch. VII.
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CHAPITRE VI

Je dirai que pendant que cette femme servait ainsi de protection à mon grand amour, pour ce qui me concernait, il me vint à l’idée de vouloir rappeler le nom de celle qui m’était chère, en l’accompagnant du nom de beaucoup d’autres femmes, et parmi les leurs du nom de celle dont je viens de parler. Et, ayant pris les noms des soixante plus belles femmes de la ville, où ma Dame a été mise par le Seigneur, j’en composai une épître sous la forme de Sirvente[1], que je ne reproduirai pas. Et si j’en fais mention ici, c’est uniquement pour dire que, par une circonstance merveilleuse, le nom de ma Dame ne put y entrer précisément que le neuvième parmi ceux de toutes les autres.


Sirvente, sorte de poésie usitée par les trouvères et les troubadours. C’est peut-être quelque convenance de rime qui aura placé le nom de Béatrice au neuvième rang, sans que le Poète s’en soit d’abord aperçu, mais non sans que son imagination en ait été frappée plus tard (Voir le ch. XXX).
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CHAPITRE V

Il arriva un jour que cette beauté était assise dans un endroit où l’on célébrait la Reine de la gloire[1], et de la place où j’étais je voyais ma Béatitude. Et entre elle et moi en ligne droite était assise une dame d’une figure très agréable, qui me regardait souvent, étonnée de mon regard qui paraissait s’arrêter sur elle ; et beaucoup s’aperçurent de la manière dont elle me regardait. Et l’on y fit tellement attention que, en partant, j’entendais dire derrière moi : « Voyez donc dans quel état cette femme a mis celui-ci. » Et, comme on la nommait, je compris qu’on parlait de celle qui se trouvait dans la direction où mes yeux allaient s’arrêter sur l’aimable Béatrice.

Alors je me rassurai, certain que mes regards n’avaient pas ce jour-là dévoilé aux autres mon secret ; et je pensai à faire aussitôt de cette gracieuse femme ma protection contre la vérité. Et en peu de temps, j’y réussis si bien que ceux qui parlaient de moi crurent avoir découvert ce que je tenais à cacher.

Grâce à elle, je pus dissimuler pendant des mois et des années[2]. Et pour mieux tromper les autres, je composai à son intention quelques petits vers que je ne reproduirai pas ici, ne voulant dire que ceux qui s’adresseraient à la divine Béatrice, et je ne donnerai que ceux qui seront à sa louange.

La fête de la Vierge.
Il paraît difficile de croire que ce manège ait duré des années.
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