Si les morts sont comme les cicatrices, on les garde à vie
On peut changer - certains diraient "grandir" - en un clin d'œil, un battement de cils ou de cœur, une marche que l'on saute, une poignée que l'on baisse, une porte qui s'ouvre. De l'extérieur, on ne semble pas différent. dedans, rien n'est plus pareil.
Paulo se sentait comme ça. Ailleurs. A côté. En voyage vers un lieu inconnu où tout est admirable parce que rien ne fonctionne comme on en a l'habitude.
La tristesse n'a pas besoin de faire du bruit pour faire mal. Les larmes coulaient sur leurs joues, sous les lunettes de soleil, et je me demandais si, à force, elles creuseraient un lit comme les ruisseaux.
Son cœur battait la chamade, ses mains transpiraient.Paulo oublia qu'il était grand. L'enfance, avec ses effrois et ses merveilles, l'enfance et ses urgences que ne conjugue que le présent était là. Le jeu. Il fut à nouveau un enfant en entier dans l'instant présent, un enfant pour qui jouer c'est sérieux, une question de vie ou de mort.
Ecrire sans réfléchir. Ecrire pour s'en débarrasser. Ouvrir le robinet magique de l'écriture et laisser le brouillard et le poids se vider.
Elisa, elle, ne racontait que des choses qui avaient réellement eu lieu. Elle disait qu'à son âge inventer donnait plus de travail que se souvenir.
Maintenant, Paulo touchait l'arbre des deux mains. Ou plutôt, il "jouait de l'arbre" comme d'un instrument, car chaque forme qui naissait émettait un son différent : un soupir, un son de cloche, un ronflement, un rire d'enfant, un bruit de verre qui se brise, un souffle, un claquement de langue, un sifflement, un roulement de cascade...
De l'extérieur, on ne semble pas différent. Dedans, rien n'est plus pareil.
Paulo se sentait comme ça. A côté. En voyage vers un lieu inconnu où tout est admirable parce que rien ne fonctionne comme on en a l'habitude.
Si les morts sont comme des cicatrices, je connais : ça veut dire que ça ne fera plus aussi mal, un jour. Mais ça veut dire aussi qu'ils seront toujours là. La cicatrice de quand je suis tombé à vélo et celle du rocher quand j'ai plongé dans la mer, je les ai toujours. Elles ne sont plus rouges, mais blanches. Je viens de vérifier. Si les morts, c'est comme les cicatrices, on les garde à vie.