Première rencontre avec l'auteur
Ahmet Altan et avant tout autre chose, je tiens à saluer son courage ; à travers ce roman, l'auteur dénonce la montée en puissance de l'autoritarisme dans son pays et en écrivant ce texte, il fait acte de résistance. Et quand on sait que ce texte a été rédigé alors qu'il était emprisonné, "accusé pour implication présumée dans la tentative de putsch manqué du 15 juillet 2016", l'émotion est d'autant plus grande.
Madame Hayat est un grand roman et je comprends parfaitement l'engouement général qu'il suscite. Cependant, pour être parfaitement honnête, je ne le partage pas pleinement. Je ne peux pas dire qu'il m'ait déplu ; je ne peux pas non plus dire avoir eu un coup de coeur ou l'avoir tout simplement adoré. Et je ne sais pas comment vous l'expliquer ; question de sensibilité je dirais.
Madame Hayat est pourtant bel et bien un grand roman ! C'est indéniable. À la fois roman d'apprentissage, roman d'amour et conte philosophique, sur fond, comme dit plus haut, de montée en puissance du totalitarisme.
Nous y suivons le jeune Fasıl, brillant étudiant en littérature, qui a quitté sa terre natale et sa famille pour rejoindre la grande ville et y poursuivre ses études.
Lorsque nous faisons sa connaissance, Fasıl porte en lui à la fois le deuil de son père disparu mais aussi le deuil du milieu privilégié dans lequel il a grandi, son père ayant connu la ruine, peu de temps avant de mourir. Sa vie prend alors un tout autre sens et c'est dans ce contexte qu'il doit poursuivre son existence.
Tour à tour, Fasıl fait des rencontres qui chacune à leur manière vont l'aider à se construire, à prendre conscience du monde qui l'entoure, à questionner la vie, le sens de celle-ci, à s'interroger sur la liberté et sur son prix... Parmi ces personnes,
Madame Hayat et Sıla, deux femmes bien différentes dont il va s'éprendre et avec qui il va vivre, en parallèle, une grande histoire d'amour.
De ce roman, j'ai aimé l'écriture fluide, poétique et magnifique, les dimensions humaine et philosophique. J'ai aimé l'engagement. L'hommage rendu à la culture (ennemi de l'obscurantisme) à travers la littérature. L'hommage rendu à toutes ses personnes à la marge (parmi les premières victimes de l'obscurantisme) à travers une galerie de personnages très touchants dont l'auteur dresse remarquablement les portraits. À commnecer par
Madame Hayat qui apporte à ce récit un rayon de lumière et un havre de paix au milieu de tous les bouleversements ambiants.
Quant à Fasıl, j'ai été sensible à son histoire, à son chemin, alors que le personnage en lui-même m'a bien moins séduite avec des petits quelque-chose me le rendant presque antipathique.
Et l'histoire d'amour qui prédomine m'a quant à elle distancée.
De ce roman , si j'ai profondément aimé le contexte et tout ce qui figure à l'arrière plan, j'ai été bien moins sensible au triangle amoureux qui se forme et se joue devant nous. J'ai parfois été subjuguée, emerveillée par la beauté des mots, je me suis aussi parfois ennuyée, davantage intéressée par l'éveil politique de Fasıl que par son "éducation sentimentale".
Comme dit plus haut, question de sensibilité, tout simplement.
Lecture dans le cadre de la quatrième édition du prix bookstagram du roman étranger.