Prix Femina étranger 2021 : ce livre sur la liberté de choisir sa vie, ses amours, sa destinée résonne étrangement lorsque l'on apprend qu'il a été rédigé en prison par
Ahmet Altan, qui l'a dédié lors de la remise du prix Femina « à toutes les femmes turques et kurdes injustement emprisonnées, pour des raisons politiques ». L'auteur a été incarcéré pendant plus de quatre ans en Turquie, accusé d'avoir appelé à renverser le pouvoir, lors du coup d'état du 15/07/2016 alors qu'il était rédacteur en chef du quotidien Taraf. Il a été libéré seulement en Avril 2021.
L'auteur s'attelle en prison à la rédaction de «
Madame Hayat », personnage qui va prendre vie à ses côtés, et on l'imagine, l'aider à supporter les années de souffrance. Ainsi dans le texte qu'il a écrit pour la remise de son prix, il déclare « Moi aussi, j'ai voulu que les autres aiment
Madame Hayat autant que je l'aimais. Qu'ils tombent amoureux d'elle autant que j'en étais tombé amoureux. »
C'est une éducation sentimentale qu'
Ahmet Altan nous conte, celle de Fazıl, jeune homme dont la vie bascule au décès de son père, dans la pauvreté. Pour gagner un peu d'argent, il va faire de la figuration dans le public d'une émission de télé et rencontrer deux femmes ;
Madame Hayat, une superbe femme d'âge mûr qui va jeter son dévolu sur lui, et Sıla, une très belle jeune femme de son âge, étudiante en littérature comme lui.
J'ai été envoutée par les premières pages de cette lecture, la découverte de ces femmes si différentes par Fazıl. La plume de l'auteur glisse et nous emporte dans un tourbillon de sensualité, de découverte de la vie, de l'amour. Même si l'auteur ne situe pas son livre géographiquement et ne fait que mentionner la région du Bosphore, il nous révèle les difficultés de la vie en Turquie, une part de plus en plus importante de la population perdant son emploi, ses espoirs, son avenir, subissant une répression de plus en plus violente et aveugle.
Malgré les grandes qualités de plume de l'auteur, si j'ai apprécié les leçons données par Mme Hayat, je n'ai pas été complétement séduite pour ma part par Fazıl. Je n'ai pas réussi à m'attacher à ce jeune coq, qui passe sans vergogne des bras d'une femme à ceux d'une autre, bien conscient qu'il profite éhontément de la générosité de l'une et de la naïveté de l'autre. Son attitude désinvolte ne semble lui poser aucun problème, et il se permet même de porter un regard parfois méprisant sur l'épicurienne Mme Hayat, qui fait peu de cas de son érudition littéraire. J'ai donc regardé avec distance l'évolution du trio, ce que j'ai regretté. Si l'auteur avait donné la parole à Mme Hayat et Sıla, peut-être me serais-je sentie plus concernée par cette histoire.
Cependant, je terminerai par une note très positive, la fin m'ayant surprise et ravie. Une belle déclaration finale d'amour aux femmes, à leur liberté et à la liberté tout court d'
Ahmet Altan.