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4,2

sur 4684 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
*** Rentrée littéraire #36 ***

Les Impatientes est un livre important. Djaïli Amadou Amal est la première auteure africaine à aborder le thème douloureux du mariage forcé. C'est un livre de révolte et de combat qui va droit au but et aborde frontalement la question, sans tabou.

Djaïli Amadaou Amal est camerounaise, peule et musulmane. Elle a été mariée de force à 17 ans à un cinquantenaire polygame qui a fini par la répudier. Elle a été remariée et a fini par fuir suite à des violences conjugales qui menaçait sa vie et celle de ses enfants. Elle s'est reconstruite et dans sa résilience a fondé en 2012 l'association Femmes du Sahel qui aide les jeunes femmes à obtenir l'indépendance par les études.

Pour son roman, forcément inspiré de sa vie, elle a fait le choix d'un roman choral dénonçant la condition des femmes en Afrique sahélienne à travers les destins croisés de trois femmes mariées de force. Et la réalité décrite donne envie de hurler ! L'auteure parvient à décrire un processus « traditionnel » avec beaucoup de force et de subtilité. Car un mariage forcé, c'est beaucoup plus subtil que ce qu'on peut imaginer de l'extérieur. Dans le Nord Cameroun, un enfant n'est pas que l'enfant de ses parents mais de toute sa famille, notamment des oncles qui, dans le roman, décident de donner leurs nièces pour des intérêts personnels présentés comme familiaux.

Surtout, les jeunes filles sont persuadées, suite à un chantage affectif intense, à donner leur accord. Depuis le plus jeune âge, on leur inculque les règles à suivre pour ne pas être rejetées de la communauté : le sens de la dignité, la honte d'avoir honte et le munyal, la patience. Ce qu'elles acceptent avant de déchanter.

Voici ce que dit la communauté sur les violences conjugales que subit Hindou : « Ce n'est pas un viol. C'est une preuve d'amour. On conseilla tout de même à Moubarak de refréner ses ardeurs vu les points de suture que ma blessure nécessita. On me consola. C'est ça le mariage. La prochaine fois, ça ira mieux. Et puis, c'est ça la patience, le munyal dont on parlait justement. Une femme passe plusieurs étapes douloureuses de sa vie. Ce qui s'était produit en faisait partie. Il ne me restait qu'à prendre des bains de bouillies agrémentées de natron afin d'accélérer mon rétablissement. (... ) Goggo Diya m'a avoué plus tard qu'elle avait eu honte de moi tant j'avais crié : tout le monde avait dû m'entendre. A l'hôpital, j'avais continué à hurler. J'avais été impudique. Elle était tellement embarrassée pendant ma nuit de noces quelle avait failli s'en aller. Même mon père et mon beau-père avaient dû savoir que mon mari me touchait ! Quelle honte ! Quelle vulgarité ! Ce moment était secret. Comment allais-je désormais affronter le regard des autres ? Quel manque de courage, de munyal ! »

L'écriture est très simple, sobre. Je me suis plusieurs fois demandée si ce récit relevait du témoignage, saisissant et nécessaire, ou de l'oeuvre littéraire. Après l'avoir refermé, il est évident que oui, Les Impatiences est une oeuvre littéraire à part entière. L'auteure déploie un dispositif implacable pour soulever l'indignation et faire bouger les consciences. Si les mots semblent choisis et assemblés « simplement », c'est pour éviter toutes scories lyriques ou trop expressionnistes : la dénonciation n'en ressort que plus rigoureuse sans passer par le prisme d'une émotion trop directe et envahissante. C'est au lecteur de se faire sa propre idée.

La construction en trois parties successives est remarquable par la chronologie proposée, construction à la fois prémonitoire et sans issue : d'abord le chapitre centré sur la jeune Ramla, 17 ans et sur l'avant mariage forcé afin de décrypter les mécanismes de la persuasion insidieuse ; puis c'est celui sur sa cousine Hindou qui raconte son calvaire une fois mariée ; et enfin celui narrée par Safira, la première épouse, obsédée par l'idée de se débarrasser de Ramla, la deuxième épouse. Trois destins pour une même vie. Chaque chapitre est rythmée par le leitmotiv du munyal, patience, un mot qui revient comme une lame lancinante qui déchire la vie de ses femmes. Ce mot, on en vient à ne plus pouvoir le lire, le supporter.

Mais au delà de ce réquisitoire entêté et entêtant, ce qui ressort et désole, c'est de voir comment les femmes perpétuent les violences qui leur sont faites, la polygamie créant des rivalités impitoyables entre femmes, les emprisonnant dans des chaînes qui se transmettent de génération en génération, là où la sororité pourrait être un réconfort et une arme pour mettre à bas ce système.

Un roman terrible qui explose les tabous. Djaïli Amadou Amal a trois filles. Ces dernières ont bien de la chance d'avoir une telle maman.
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Les impatientes, de Djaïli Amadou Amal, est un livre dur, terrible et pourtant bien réel puisque l'autrice a vécu ce qu'elle raconte, à Maroua, dans le nord du Cameroun.
Tout ce qui est décrit ne s'est pas passé au Moyen-Âge mais bien à la fin du XXe et au début du XXIe siècle. Comme cela dure encore, il faut lire et faire lire Les impatientes, roman qui a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens 2020 après avoir été justement récompensé du Prix Orange du Livre en Afrique, en 2019, sous son premier titre : Munyal, les larmes de la patience.
Pourtant, si Pauline ne m'avait pas confié ce livre, je serais passé à côté. Je la remercie bien sincèrement pour cette lecture si essentielle.
Djaïli Amadou Amal avait donc d'abord mis le mot munyal dans le premier titre car munyal est le mot qui revient le plus souvent dans son texte. Munyal veut dire patience et c'est ce que tout l'entourage des trois femmes qui s'expriment, répète constamment, malgré toutes les horreurs commises par ces hommes sous couvert de tradition et de religion.
Ramla, élève de terminale scientifique, a dix-sept ans, aime Aminou, jeune de son âge, mais sa famille a conclu un mariage avec un riche homme d'affaires de la ville, déjà marié. Ce même jour, Hindou, sa soeur, doit se marier aussi avec son cousin, Moubarak, jeune homme qui boit, se drogue et dont elle ne veut absolument pas.
Avec beaucoup de précision, des termes de la langue locale, Djaïli Amadou Amal m'a plongé dans la culture de la polygamie et fait découvrir les concessions, sortes de domaines entourés de hauts murs avec un vestibule pour les visiteurs, une importante villa pour le père, un hangar pour les invités et des habitations pour les épouses.
J'ai été surtout impressionné et choqué par le rôle des oncles, toujours présents et à l'autorité qui ne se discute pas. Chaque famille, dans ce milieu aisé, resserre les rangs autour du père, des oncles et n'hésite pas à sacrifier ses filles pour faire des affaires, défendre l'honneur, mot-valise qui permet de tout accepter.
Malgré toutes les souffrances infligées à ces jeunes filles obligées de se marier contre leur gré, c'est la fête, les youyous résonnent, le défilé en ville fait connaître la bonne nouvelle et les invités profitent des agapes. Pendant ce temps, Ramla et Hindou pleurent, supplient mais rien n'y fait.
Déjà victimes de cette toute puissance masculine, les autres femmes compatissent peut-être mais prolongent les traditions, ne savent que dire munyal et obligent les plus jeunes à subir les mêmes traumatismes. Hindou est même battue par Moubarak qu'elle déteste mais elle n'obtient aucun soutien de son père ou de ses oncles.
Enfin, la troisième personne à s'exprimer apporte un éclairage très complémentaire puisqu'il s'agit de Safira, la première épouse d'Alhadji Issa. Elle voit débarquer Ramla qui a l'âge d'être sa fille. Très belle, beaucoup plus jeune, elle lui prend son mari qu'elle devra partager, ce qu'elle n'accepte pas.
Ainsi, après les souffrances, les terribles déchirements des jeunes filles contraintes au mariage arrangé par leur famille, l'autrice donne la parole à une première épouse qui décrit bien ce qu'elle ressent. Prête à tout pour reconquérir son riche mari et surtout pour chasser l'intruse, elle n'hésite pas à faire appel aux marabouts, aux imams, aux guérisseurs et autres sorcelleries qui lui coûtent beaucoup d'argent.
D'une écriture soignée, ce roman n'épargne rien à son lecteur. Il m'a appris énormément sur ces traditions qui ont détruit et détruisent encore des vies de femmes. Tout cela se passe dans un milieu assez aisé se donnant des allures de respectabilité faisant illusion vu de l'extérieur.
Pour cela, je suis immensément admiratif devant le courage de Djaïla Amadou Amal. Non seulement, elle a réussi à fuir ce cauchemar incroyable et bien réel mais elle a su tout raconter, tout détailler, tout faire partager avec un talent d'écriture qui mérite le respect. J'espère seulement que ce livre a pu un peu faire évoluer cette société pour que ces jeunes femmes puissent enfin vivre la vie qu'elles ont choisie.

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Avec cette première phrase : « Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie », phrase prononcée par le père de Ramla et Hindou qui se marient le même jour, l'écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal introduit parfaitement Les impatientes, cette fiction inspirée de faits réels.
En effet, la patience, la patience et encore la patience, ce sera le seul conseil donné à ces trois femmes, Ramla, Hindou et Safira par leur entourage lors de leur mariage ou ensuite lors de leurs déboires conjugaux. Un leitmotiv qui, en l'occurrence ici, n'a rien de musical, hélas.
À la lecture de l'énumération des derniers conseils donnés à la future mariée par l'oncle, on ne peut déjà que frémir, être outré et se révolter. En voici deux pour exemples :
« Soyez soumises à votre époux.
« Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif. »
D'autres suivent du même acabit.
Ramla, une belle adolescente douée, dont le désir est de devenir pharmacienne est arrachée à son amoureux. Son père obéissant à son frère, exige qu'elle épouse un riche homme d'affaires quinquagénaire déjà marié à Safira, la polygamie étant autorisée. Safira, quant à elle, amoureuse comblée vivant auprès de cet homme depuis vingt ans, profondément blessée va tout tenter pour faire fuir cette rivale, cette seconde épouse. Hindou, la demi-soeur de Ramla est contrainte d'épouser son cousin Moubarak, un voyou « devenu non seulement alcoolique, mais il s'était mis à se droguer au Tramadol, un puissant antalgique qui faisait ravage dans la population de Maroua » et dont elle a peur de la violence.
Ces trois destins vont donc former les trois parties du roman, trois portraits de femmes bouleversants.
Ramla, Hindou et Safira, ces femmes africaines ont appris dès leur naissance que seule la patience leur permettra d'être de bonnes épouses.
Impossible de ne pas être terrifié en comprenant l'engrenage effroyable dans lequel ces femmes sont prises, engrenage mis en place par les hommes, les hommes de leur propre famille.
C'est la condition féminine dans le Sahel avec la domination absolue des hommes sur les femmes que Djaïli Amadou Amal a mis en évidence, brisant les tabous en dévoilant le mariage forcé, le viol conjugal, la polygamie avec un récit extrêmement fort et sans fausse pudeur ; le viol d'Hindou, lors de sa nuit de noce est absolument glaçant.
Ramla, Hindou et Safira ont en commun un refus du sort qu'on leur impose et vont tenter de se rebeller face à cette patience, maître-mot de leur vie. Rude combat pour ces femmes camerounaises et rude bataille pour essayer de trouver la liberté.
Ce récit qui se déroule au sein des « concessions », terme par lequel on désigne ces domaines familiaux qui pratiquent la polygamie est un véritable combat contre l'obscurantisme. Il laisse le lecteur abasourdi et révolté contre cet esclavagisme des temps modernes. Un livre qui prend vraiment aux tripes et qu'il est impossible de lâcher.
De nombreux mots en peul dont le fameux Munyal, Patience, émaillent le texte et lui donnent encore plus de force et de véracité.
Je ne peux qu'applaudir cette grande écrivaine qui, en mettant beaucoup de sa propre vie dans son ouvrage, réussit un livre remarquable sur la question universelle des violences faites aux femmes.
Djaïli Amadou Amal a été lauréate du Prix de la meilleure auteure africaine 2019, du Prix Orange du livre en Afrique 2019 et du Prix Goncourt des lycéens 2020, récompenses amplement méritées, pour ce roman Les impatientes que je vous recommande tout particulièrement.
Je remercie chaleureusement Pauline qui m'a permis de le découvrir !

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Savoir que cet ouvrage a reçu le " Goncourt des lycéens " est une grande satisfaction pour tous les lecteurs qui auront découvert la vie de ces femmes dans un secteur " peul"du Cameroun . Quand la jeunesse s'empare de tels sujets et s'y montre plus que sensible , on peut espérer des avancées à terme et des avancées, il en faudrait vraiment pour éviter qu'on ne ferme ce livre " le fiel en bouche ". Terrible . Révoltant. Odieux . La femme écrasée par le poids de la société, par sa propre famille regroupée en une concession toute puissante et placée sous la férule des hommes , pères, oncles..., pliant sous le poids des traditions , sous la dictature religieuse ....Sous l'humiliation et la violence d'un mari polygame et souverain ....
On croirait lire une fiction à l'issue heureuse , on découvre un documentaire où, face aux cris , aux injustices , la seule réponse est " patience " . " La patience cuit la pierre " dit un proverbe peul . Tout est dit . Ah , non , on précise aussi que "cet ouvrage est une fiction inspirée de faits réels " .Voilà qui est clair . Je ne résiste pas à extraire un passage du livre , page 140.
" Il est difficile , le chemin de vie des femmes , ma fille. Ils sont brefs , les moments d'insouciance . Nous n'avons pas de jeunesse . Nous ne connaissons que très peu de joies .Nous ne trouvons le bonheur que là où nous le cultivons .A toi de trouver une solution pour rendre ta vie supportable . Mieux encore , pour rendre ta vie acceptable . C'est ce que j'ai fait , moi , durant toutes ces années. J'ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs . " Nécessaire d'en dire plus ? Pas vraiment , hein ? Nécessaire d'en savoir plus ? Facile , ça , il suffit d'emboiter le pas de Safira, Hindou et Ramla .
On ne s'attachera pas à parler d'une écriture pas toujours du plus bel effet , mais qui se veut percutante et qui l'est . C'est un détail dans un contexte pesant du début à la fin et on comprend l" impatience " de ces femmes à acquérir le droit à disposer d'elles mêmes et de sortir de cet atroce carcan qui est le leur . Seule contre tous .
Les jeunes , en plébiscitant ce docu - fiction , ont récompensé une voix qui appelle plus qu'au regard , au secours ....Puisse cette voix être entendue .
Il faut lire ce livre terriblement " humain ".
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Bienvenue au club des bonnes épouses, coépouses serait plus approprié... Mais au fait... qu'est-ce qu'une bonne épouse ?


La bonne épouse, c'est la femme qui se retrouve mariée à un homme qu'elle n'a pas obligatoirement choisi, mais qui obtempère en dépit de la violence notoire du promis, en dépit de l'indifférence qu'elle manifeste à l'égard de du futur conjoint, arrangeante parce que son union va faire prospérer le commerce, cordon bleu qui fait la cuisine à toute heure du jour ou de la nuit pour l'époux (et qui ne mangera pas certains mets réservés au maître, qui ne se plaindra pas si le maître de maison la bat, car c'est bien de sa faute si telle est la situation, elle a dû l'énerver (et on ne se plaint pas, ce ne sont qu'enfantillages), et c'est également la faute de sa mère qui l'a trop écoutée et trop gâtée, c'est aussi la femme qui sait arranger son intérieur pour être agréable à Monsieur, se maquiller, s'habiller pour plaire (seulement à son époux !), et c'est celle qui sait se montrer patiente puisqu'ainsi parle le Coran.


Voici ce que l'on apprendra à travers ce récit témoignage qui dénonce à juste titre la situation révoltante des femmes victimes et impuissantes à faire valoir leurs droits et lutter contre la brutalité, la soumission qui conduisent au désarroi dans ces sociétés ou sont bafoués les droits de l'homme.


A titre d'exemple et de modèle, l'auteure choisit trois femmes qui tenteront de se révolter, Ramla, promise d'abord à un homme qu'elle aimait et qu'elle avait choisi pour voir ensuite son père changer d'avis et la marier pour une question d'intérêt à un riche commerçant, Safira, sa coépouse que le désespoir de se voir reléguée conduira à des actions qui ne seront pas sans conséquence, et Hindou, mariée de force à ce cousin violent et alcoolique qu'elle déteste.


Trois portraits type qui exposent leur situation sans issue, tradition et soumission des femme tant financière que religieuse, sans instruction puisque cela aussi leur est plus que difficile d'accès, prises dans un engrenage de coutumes qu'elles n'osent pas contester face à l'institution que représente "la magnanime gent masculine" qui prend soin des épouses, les gâte, les nourrit, les protège et qui lui doit le respect.


Un récit à mettre entre toutes les mains, témoignage de cet esclavage moderne que bien sûr, l'on soupçonne, sans forcément réaliser ce qui se passe réellement. Je dois avouer que j'ai reçu une grosse claque en lisant ce roman que je ne suis pas près d'oublier.


Ce que je ressens à présent, c'est de l'impuissance et un grand questionnement : quand les choses bougeront elles et comment ? Sans doute grâce à de tels témoignages et dénonciation de ces violences faites aux femmes.
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A travers cette histoire, basée sur des faits réels, le lecteur suit la vie de 3 jeunes femmes mariées dans la tradition musulmane, au sein d'une culture africaine. Pan de vie en parallèle sur une période d'un an.

Que dire ?
Je suis sans mot face à cette histoire. La femme est un objet, elle n'a aucun choix, elle appartient au mari, au père, aux oncles, à la belle famille. Chaque femme est dans la même situation et pourtant elles sont toutes isolées les unes des autres. Elles acceptent, elles font subir aux autres et se réjouissent du malheur des autres femmes.
Mais comment est-ce possible ? Envie de crier, de me révolter face à ces situations...
Et nous, peuple occidental, on se révolte parce que les jouets sont genrés !, parce qu'il faut dire autrice plutôt que auteur, pour ne citer qu'un exemple... On se bat pour des détails...
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Djaili Amadou Amal, 40 ans séparent votre roman du livre fondateur du féminisme africain, "La parole aux négresses". Awa Thiam, pionnière dans la lutte contre les mutilations sexuelles et ce qu'elle nommait à juste titre "les mutilations de la personnalité sociale, la polygamie, la maternité obligatoire, le port obligatoire de vêtements de contrainte, l'analphabétisme" est incontestablement le premier phare. Votre roman poursuit ce combat de réappropriation. J'admire ce soir votre courage autant que votre plume. J'ai souffert d'être tour à tour Ramla, Hindou et Saphira...objetisée, violentée, patiente jusqu'à l'épuisement, au dégoût, au renoncement, privée de ma voix et de mes droits. Votre roman est une forme de résistance, comme l'appelait de ses voeux Awa Thiam " Comme peut être une goutte d'eau dans la mer, sinon une larme dans l'océan, IL FAUT dire haut ce que toutes les femmes pensent bas, dénoncer les crimes dont les femmes sont l'objet, les mutilations dont souffrent avec fatalisme les femmes, opposer une résistance à tous les plans, une résistance active, une résistance effective à toute oppression [...] la force résidera dans la multitude de voix, de personnes, de consciences".
Merci Djaili pour votre courage. Pour ce NON qui s'élève.
"Il n'existe nulle part un malheur étanche uniquement féminin, ni un avilissement qui blesse les filles sans éclabousser les pères, ou les mères sans atteindre les fils". Germaine Thillion
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Les Impatientes est un roman que m'a offert ma fille à Noël et que j'ai adoré. Ma fille est éthiopienne, nous l'avons adoptée à l'âge de treize mois, elle a aujourd'hui vingt-deux ans, elle sait que je suis sensible aux récits qui proviennent de l'Afrique, à la condition féminine africaine, même si dans d'autres pays, y compris le nôtre cette condition mérite aussi une attention particulière... Nul n'est prophète en son pays... D'ailleurs, à propos de prophète, je vous parlerai plus loin d'un que j'ai plus particulièrement dans le collimateur...
C'est un récit choral, une polyphonie comme je les aime, trois voix de femmes du Sahel s'expriment. Elles s'appellent Ramla, Hindou, Safira. C'est un récit écrit par Djaïli Amadou Amal, auteure camerounaise dont on soupçonne très vite qu'elle parle de son expérience de femme, d'épouse...
Elles parlent d'amour et on leur parle d'honneur et de dignité. Des femmes, des mères, des tantes leur prodiguent conseils, et notamment un seul s'il pouvait être écouté : « Patience ! » Mais oui, pourquoi s'impatienter, car au bout du chemin, au bout de la patience, il y a le ciel... ?
Elles parlent d'amour. Aimer son époux, mais pourquoi, pour quoi faire ? Qui parle d'amour ? Pourquoi parles-tu d'amour alors que tu vas épouser un homme riche, puissant, qui va t'apporter ce dont tu as besoin, qui va te mettre à l'abri de tout besoin à jamais, mais en contrepartie tu devras le respecter, et en le respectant tu honoreras ta famille, la sienne aussi, donc tu seras heureuse pour cela.
Ici après les désillusions, après le désarroi et les larmes, vient le mariage forcé, vient l'horreur de la première nuit, la nuit de noces qui convoque des comportements qui ressembleraient presque à des rites quasiment sataniques, la nuit qui scelle physiquement et définitivement l'entrée de plein pied dans le cauchemar de la captivité à venir.
Cet Islam-là n'est pas un Islam modéré, qu'on le dise et qu'on se le dise une bonne fois pour toutes ! Au nom de quelle religion un homme a-t-il le droit de vie et de mort sur son épouse ? Au nom de quelle religion les preuves d'amour ressemblent à des viols ?
Mais Bernard, pourquoi t'offusques-tu ?
Le viol ici n'existe pas puisqu'on est dans le mariage. Alors, pourquoi viens-tu te mêler de ce qui ne te regarde pas, toi le mécréant ? Cela appartient aux devoirs conjugaux de l'époux, sous le consentement de la famille, des deux familles du reste, au risque, sinon, de les déshonorer.
Quel Dieu s'il existait pourrait accepter cela ? Ah ! Je n'aimerais pas le croiser, celui-là le soir dans une rue sombre en rentrant chez moi...
Je veux crier ici ma rage, mes mots, ma douleur...
Oui, cet Islam soi-disant modéré ne produit pas de terroristes, ne menace aucune société occidentale, dormez tranquillement chez vous chers penseurs de notre chère République Française vous autres aussi qui ne pensez pas, qui n'avez aucun avis sur la question, dormez bien dans vos intérieurs tranquilles et calfeutrés, cet Islam-là ne viendra pas tuer vos enfants dans la rue, dans la rédaction d'un journal satirique ou dans un concert de rock... Mais il tue pourtant, il tue à petits feux, il enlève la vie lorsqu'elle est féminine et jeune, la vie gonflée de désirs et de promesses, la vie qui ne demande qu'à vivre et à aimer, choisir avec son coeur qui veut aimer librement...
Le devoir conjugal, façon islamique, c'est une prison, la femme en prend à perpétuité, c'est une camisole de force qui rend fou, une cagoule qu'on enfouit sur le visage des femmes pour les taire, les terrer, les emmurer, qui donne du pouvoir à d'horribles mâles rendus prédateurs narcissiques par la seule tradition religieuse et patriarcale, protégés par tout un environnement conciliant, y compris celui des femmes, des mères, des tantes, des cousines, des soeurs, des autres épouses puisqu'ici la polygamie est institutionnalisée. Toutes ces femmes à la fois complices, prisonnières, contraintes et résignées elles aussi...
Après la nuit de noces, le corps peut se guérir, attendre un peu le temps que quelques points de suture fassent leur effet, il faut juste être patiente, mais il reste parfois d'autres blessures douloureuses et indélébiles. Qui viendra alors les soigner ?
Oui, il y a des versets et des sourates du Coran qui blasphèment la vie, le bonheur, la légèreté, les gourmandises, la joie, la plénitude des sens, l'immanence de l'instant, les pas de côté, le doute, les sourires, les rires, les fous rires, les digressions de l'existence, les livres où l'on parle d'amour, les baisers volés, l'envie de choisir le moment où l'on veut faire l'amour, et avec qui on veut faire l'amour, des poèmes, des caresses, des regards, des effleurements, des battements d'ailes, des ciels emplis d'oiseaux et qui viennent le soir se réfugier dans le coeur en attente...
Je vous livre un hadith du Prophète ? « Malheur à une femme qui met en colère son mari, et heureuse est la femme dont l'époux est content d'elle ».
Je sais aussi que certains comportements au sein d'autres communautés religieuses, à commencer par la chrétienté, ne valent guère mieux...
J'ai aimé le ton du récit écrit comme une fable, un conte qu'on écouterait autour d'un feu, dit par un griot à une veillée, non pas émerveillé par l'enchantement qu'il procure, mais en totale empathie avec le destin tragique de ces femmes...
Les Impatientes, c'est aussi un chemin, une résilience, je vous laisse prendre le pas sur ce chemin...
L'auteure lance un cri de détresse légitime. Je rêve que ce SOS soit entendu ici et là.
Le prix du Goncourt des lycéens qui a récompensé ce roman pourra aider à entendre cette cause.

« La patience est un art qui s'apprend patiemment. »
Grand Corps Malade
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Très beau roman qui brosse un portrait au vitriol d'une certaine société africaine, dans laquelle la religion musulmane, les traditions locales de polygamie, l'endogamie sociale sont mises au service de l'asservissement des femmes.
Sous couvert de professer la culture d'une certaine sagesse, ce "sois patiente" sert de paravent à l'acceptation du pire ; mariage forcé, viol, humiliation, et tout le reste qui n'est pas montré dans ce roman mais qui se devine avec la "zakat" octroyée par les riches propriétaires aux manants qu'ils méprisent par ailleurs.
Ce qui est fort dans ce livre, c'est qu'on attend la survenue de l'impatience du titre, la révolte face au "Munyal" ...
Je ne veux pas en dire plus mais ce livre est à conseiller, sans hésitation.
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Je savais ce que j'allais affronter en lisant ce livre. Et pourtant, j'ai lu ce livre en étant sidérée.... Ce sentiment de sidération a prévalu durant tout le livre. Sans répit.
Ce livre suit l'histoire de 3 femmes, ou plutôt 2 jeunes filles qui vont être mariées de force et une jeune femme qui va voir arriver une nouvelle épouse pour son mari désormais polygame.

"Merci Seigneur de ne pas m'avoir fait naître femme". C'est une prière répétée chaque matin par les hommes juifs ultraorthodoxes. Ca veut plutôt dire merci de ne pas être cette chose infâme qu'est une femme. Mais pourtant j'ai pensé à cette prière pendant le livre. Car clairement naître femme est une calamité dans ce nord Cameroun Peul musulman. Et sachant que naître femme est une calamité dans tant d'autres lieux, d'autres religions....
Ce livre est tristement choquant du début à la fin. le pire étant que je suis très pessimiste : pourquoi les hommes abandonneraient-ils leurs prérogatives ? En fait plus d'égalité hommes-femmes veut clairement dire que certains hommes vont devoir perdre leurs droits actuels.... vont devoir diminuer en fait....

Ce livre est un coup de poing, sans réel espoir.
Ce livre est nécessaire....
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