Les collabos qui avaient été battus étaient rassemblés sous un petit arbre, tous menottés, et, n'eussent été leurs visages salis, ils n'auraient pas semblé différents des autres rescapés.
Le plus âgé ne cessait de se plaindre de la cruauté exercée à leur endroit. Il parlait d'une voix rauque, comme s'il s'agissait plus d'une affaire qui avait mal tourné que d'un châtiment, mais lorsqu'il fit tomber sa chemise déchirée pour dévoiler son dos à ses camarades, il fût évident qu'il avait des raisons de se plaindre. Son dos était strié de marques enflées, horizontales et verticales, de plaies saignantes et d'ecchymoses.
Page 120
Au camps, on parlait une autre langue, une langue réduite, on utilisait que les mots essentiels, voire plus de mots du tout. Les silences entre les mots était le vrai langage. Un jour, un compagnon de son âge, pour qui il avait de l’estime, lui avait confié : « J’ai peur que nous soyons muets lorsque nous serons libérés. Nous n’avons presque plus de mots dans nos bouches. »
- Mon père était un homme croyant ?
- Pas au sens habituel du mot. Le questionnement se logeait dans chacun de ses gestes.
p. 71
_Un homme blessé qui parvient à dormir la moitié d'une nuit est content .
Ca lui permet de remonter à la surface et de vivre un jour de plus . Que demander d'autre ?
Il avait passé plus de deux ans avec ses compagnons de travaux forcés, torturés tour à tour par les gardiens et la faim. Ils s'étaient tous entraidés, corps et âme, sans avoir recours aux mots. Plus d'une fois, rentrant de travaux épuisants, alors que la tête lui tournait et que ses jambes vacillaient, il avait senti une main soutenir son dos. Il la sentait maintenant aussi, et un flot de remords ruissela le long de son corps.
"(...) Je n'ai pas su apprécier ta patience héroïque. Je la voyais comme une faiblesse. Et même lorsque nous sommes arrivés au camp où avait lieu la sélection et que nous avons été séparés, je n'ai pas regretté cette séparation au fond de moi. Je voulais m'éloigner de ta vulnérabilité. Avant de monter vers mes châtieurs, je veux te demander pardon. Je sais : cette demande vient trop tard. Je ne suis pas sûr que tu me pardonneras, mais je peux te dire qu'au fil des années, j'ai appris à t'aimer. Une partie de toi est maintenant scellée en moi."
Des ailes, mon chéri, il nous faut des ailes.
Sinon nous piétinons comme des poules.
Seul Bach peut nous élever.
« Je ressemble à ma mère, elle aussi est un oiseau blessé. J’ai pourtant essayé de décoller mais comment aurais-je pu ? C’est impossible sans élan »
Les pensées, lorsqu’elles se répètent, sont épuisantes. Mieux vaut les éviter. En revanche, l’action nous conduit toujours au bon endroit.
A l'entrée du wagon , alors qu'on la poussait à l'intérieur , elle s'était écriée :
" Je n'aime pas cette bousculade .Nous sommes des êtres humains , pas des bêtes ! "