1575, alors que l'Église cherche à lutter contre l'influence de la Réforme, il se répand en Vénitie une prophétie jugée hérétique par la Curie romaine, celle d'un Christ à douze doigts qui sauvera le catholicisme. C'est dans ce contexte tendu que lors du carnaval, Venise est secouée par une série de meurtres, une disparition de tableau et l'incendie de la Scuola Grande del San Sepolcro, une confrérie de savants et d'astrologues.
2016, le professeur Bénédict Hugues, enseignant le latin médiéval à l'université de Genève, découvre par le plus grand des hasards une lettre, soigneusement dissimulée dans la couverture d'un livre. Celle-ci est de la main d'un évêque, Scanziani, posté à Venise, et s'adresse au Cardinal Valsangiacomo, resté à Rome. Elle semble annoncer, entre les lignes, le meurtre d'une personne influente : Giorgio Benvenuti, mécène du peintre Paolo il Nano, qui venait de représenter cette année-là le tableau d'un Christ à douze doigts, surmonté des douze signes zodiacaux. Il commence alors, avec l'aide d'Elisabetta, une amie universitaire, une enquête pour dénouer tous les fils de cet écheveau et percer le mystère de cette étrange prophétie, reliée d'une manière ou d'une autre à la découverte de Copernic.
Mais la découverte de Bénédict met en émoi un groupuscule d'extrême-droite, la Fondation des pèlerins ibériques, et un de ses leaders, Bartolomeo San Benedetto, qui a pour particularité d'avoir douze doigts, et qui, endoctriné dès le plus jeune âge par un prêtre, est convaincu d'être le prochain sauveur de l'Église. La Fondation fomente un attentat contre le pape, jugé trop moderne, et étant perçu par la branche conservatrice du Vatican comme un danger d'affaiblissement pour l'Église en dénaturant sa Foi. Pour ça, ils planifient une alliance contre-nature avec des djihadistes de la branche libyenne de Daesh.
Carnaval noir est un roman policier efficace, mais je reste un peu sur ma faim. L'érudition qui s'en dégage est telle que je n'ai pu m'empêcher de faire quelques recherches, pour être certaine que tout n'était que fiction. Un bon point pour ce roman, puisque le lecteur croit facilement à l'histoire et n'est pas gêné par des invraisemblances ridicules. de même, les personnages sont bien campés, et l'auteur évite des jugements à l'emporte-pièces. Il se contente de les peindre dans leur humanité, leurs fautes et leurs errances. Certes, si vous recherchez un roman qui décrit une humanité heureuse, passez votre chemin. Chaque personnage semble figé dans le malheur, la tristesse et la culpabilité, à différent niveau du mal, parfois surmontable, la plupart du temps irrémédiable.
Mais l'intrigue est développée très et trop rapidement, dans des chapitres parfois si courts que l'on se pose la question de leur utilité. À partir du moment où Bénédict trouve la lettre, par le plus pur des hasards, tout s'enchaîne et se met en branle précipitamment. le plan de la Fondation, qui a dû demander une logistique et une préparation minutieuse et lente, se trouve soudain mis à mal par une simple lettre dont je me demande toujours comment la Fondation et Bartolomeo ont pu avoir connaissance (même si le désir de Bartolomeo de la retrouver entre parfaitement dans sa logique d'endoctriné fanatique) et surtout en quoi cette lettre risquait de faire capoter l'attentat ? car le rapport entre les événements du passé décrit par la lettre et ceux du présent est quasiment inexistant. Résoudre l'énigme de la lettre n'aurait pas empêché une bombe d'exploser. Si la Fondation ne s'était inutilement excitée pour la récupérer, leur plan aurait forcément réussi. Sans doute faut-il y voir là la conséquence d'un aveuglement fanatique qui empêche de raisonner.
Alors que nous raconte
Carnaval noir ? Que l'Histoire est un cycle qui se répète ? Que les fanatismes du passé sont semblables à ceux qui nous agitent actuellement ? Que la foi est un prétexte bien commode pour asseoir son pouvoir personnel ? Que l'on manipule les faibles et les désespérés pour servir son propre intérêt et sa soif de puissance ? Que les dogmes se nourrissent de l'obscurantisme et ont peur du progrès et de la science ? Que seules la culture et la connaissance pourront mettre un terme à ce déchaînement de violences ? Certainement un peu de tout ça, et si c'est très loin d'être stupide, j'aurais aimé un traitement plus profond, ou peut-être plus original, pour être pleinement happée par cette histoire.
Carnaval noir mérite d'être lu. L'énigme qui est proposée est bien traitée, et suivre Bénédict dans ses pérégrinations étaient agréables et riches en érudition. Très personnellement, j'ai beaucoup aimé les passages en latin, même s'ils m'ont cruellement rappelé qu'il fallait que je reprenne de toute urgence ma grammaire latine et mon Gaffiot. Cependant, j'ai parfois eu l'impression que le sujet était survolé, faute à un rythme trop rapide, et j'aurais aimé que l'on s'attarde plus sur certains éléments qui méritaient d'être approfondis parce qu'intéressants.
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