Metin Arditi invente la biographie d'Elie Soriano, né Juif à Constantinople (vers 1519), terre conquise par les Musulmans. Elie est passé maître dans l'art de la calligraphie et ne peut concevoir de vivre sans dessiner, ce qui est interdit par le dogme judaïque. Alors Elie fuit Istanbul pour Venise et devient élève du Titien qui le surnomme
le Turquetto (le petit Turc). Ainsi débute le récit d'une passion, un destin mouvementé que
Metin Arditi conte avec ferveur, construit avec force, et plante dans une Renaissance en plein conflit religieux (début de la Réforme), à la naissance de grands courants de pensée nouveaux (héliocentrisme, etc.) où l'obscurantisme, autant juif que chrétien ou musulman, étouffe encore la raison et l'humanisme. Il est question de tout et de son contraire : d'entraide, d'empathie, d'art, de vie, mais aussi de trahison, de haine, de laideur, de mort. L'auteur réussit à entrainer inlassablement le lecteur dans le tourbillon de cette vie aux identités multiples, aux rencontres innombrables, heureuses autant que malheureuses. En conteur averti, il fait évoluer ses personnages au coeur des rivalités et des fastes de Venise, entre ombre et lumière, entre religion et pouvoir, en filigrane du destin d'un artiste habité qui pour exercer cache son identité.
Le style est agréable, l'écriture dynamique, le vocabulaire, sans être particulièrement érudit, est plutôt riche ; seul point négatif : quand on est un aussi bon conteur, à l'imagination fertile et à la plume sûre, est-il acceptable de méconnaitre le verbe "dire" et d'utiliser pratiquement systématiquement le verbe "faire" !? Car à force de faire partout, l'odeur va bientôt égaler celle des cloaques de la Sérénissime !!!!