Derniers sacrements

Kassie ne sut pas quoi répondre.Valait-il mieux mentir ou dire la vérité?

Toutes les parties du corps semblaient présentes mais les bras et les jambes saillaient dans les angles si incongrus qu'il était impossible qu'il soient rattachés à leur articulation d'origine. Les doigts et les orteils avaient disparu, le torse était recouvert d'ecchymoses et de plaies et, plus écoeurant encore, la gorge était tranchée presque jusqu'aux cervicales. La tête tombait en arrière à quatre vingt-dix degrés, les yeux sans vie fixaient l'interieur du coffre.

Adam s'inquiétait pour la jeune fille. Souffrait-elle d'hallucinations ? Etait-elle aux prise avec une forme de pensées magique dans laquelle ses désirs se matérialiseraient? Ou détenait-elle une information sur cette homme, au sujet d'une menace invisible qui planerait sur lui ? Voilà les questions tournant dans l'esprit d'Adam qui les savait pourtant vaines et absurdes.

Un nouveau bruit interrompit ses pensées. Celui d'une respiration.
Ce n'était pas possible... La maison était sécurisée, il n'y avait aucun signe d'ef...
Il entendit quelqu'un approcher. Pris de panique, Jacob balaya la pièce de son faisceau lumineux. Et vit un homme encagoulé foncer droit sur lui.

Kassie était partie, Faith et Annabelle aussi, et pour la première fois, il comprit qu’il y avait pire que la mort.

Il y avait la vie.

- Ecoutez, on ne peut la garder, alors dites-moi à quoi on a affaire. De toute évidence, c'est une menteuse invétérée.
- Ce n'est pas juste...
- Regardez son casier. Elle a menti à la police à plusieurs reprises, sous serment.
- Et peut-être qu'elle ment parce qu'elle est impliquée, mais peut-être aussi qu'elle veut se donner de l'importance. Ou alors la raison est encore plus complexe.
Grey garda le silence observant Adam d'un air curieux.
- Mon instinct me dit qu'elle croît ce qu'elle raconte, que c'est réel pour elle..., affirma le psy comme s'il se parlait à lui-même. La question est de savoir pourquoi.

— J’ai appris à mesurer la force de ma réaction, répondit Kassie avec un haussement d’épaules. À décrypter ce que j’éprouve. Je ne connais jamais l’heure exacte, à la minute, mais je sais quel jour ils vont mourir.
— Ça voudrait dire que le moment de notre mort est gravé dans le marbre alors ? Depuis la naissance ?
— Oui, sans doute…
Adam remarqua que Kassie paraissait désormais nerveuse, mal à l’aise, mais il devait continuer à la questionner.
— Ce qui impliquerait que nous n’avons aucun libre arbitre ? Que nous avançons tous vers une fin écrite d’avance ?
Kassie acquiesça avec prudence.
— C’est comme si nous étions tous liés, continua-t-elle d’une voix lente. Comme si tout ce qui arrive, arrive pour une bonne raison, pour nous pousser vers un point déterminé.

Accablée par la culpabilité, la jeune fille tendit la main vers sa mère mais celle-ci la repoussa d’une tape. Assise sur son siège, les doigts douloureux, Kassie ressentit un grand vide intérieur. Elle voulait faire quelque chose pour soulager la peine de sa mère. Prononcer les paroles qui lui feraient savoir qu’en dépit de tout, elle l’aimait. Mais lorsqu’elle essaya de parler, de trouver les bons mots, la réponse de sa mère fusa, brutale et impitoyable.
— Tu es la honte de cette famille.

Avec les récentes coupes budgétaires en psychiatrie et l’incapacité scandaleuse des membres du gouvernement à s’accorder sur un budget national, nombreux étaient ceux qui se plaignaient de ces délais. Son sang bouillait devant l’intransigeance des différents acteurs politiques : les politiciens n’étaient jamais ceux qui pâtissaient de leurs petits jeux de pouvoir.

Le ton était si doux et rassurant qu’elle ne put résister. Elle leva les yeux vers lui, nota le menton volontaire rasé de près, les boucles brunes épaisses, les yeux profonds couleur noisette. L’homme souriait, son regard pétillait de bienveillance. Et brusquement, Kassie se figea.
Elle pensait lire la bonté, la sérénité même, dans son expression. À la place, elle ne voyait que la mort.