Maîtriser la blessure. Mais nourrir la rage.
Face. Tu dois faire face. Connaître le visage de ce qui va te faire peur.
Ce que lui a appris la vie, c'est à ne pas se projeter.
Le treillis était en soi un message aussi lapidaire qu'explicite : nous sommes mûrs pour tuer, ne nous refusez rien, sinon...
Quand on pense vite, il y a du déchet.
Peu importe, il est au bout. Ce qui remonte dans sa gorge à cette seconde précise a une saveur de bile étrange, cependant qu’il fait face à la porte, place devant lui sa mitraillette. Ultime respiration, et soudain dans sa bouche le goût des palétuviers, reflux d’enfance. Il va pour enfoncer la porte, oubliant qu’elle est entrebâillée, chancelle avant de foncer…la referme derrière lui, rageusement. L’écho du claquement hante l’air, puiss s’évanouit. Je donne je prends. Il a réussi.
On laisse surgir parfois le souvenir du premier amour, de la première rupture... Partir...
Son baume, ce sont les livres et les feuilles blanches avec lesquelles il rentre jour après jour. Lire, écrire, vivre enfin ! Au long des journées qui s’écoulaient dans la cuisine enfumée de sa mère, il dévorait sans relâche, relisant plusieurs fois les « grands messieurs » de la littérature, comme disait le maître, Monsieur Dickens, Monsieur Victor Hugo, et, joie suprême, un roman de Sembene Ousmane qui semblait soudain relier ses rêves à son monde, au milieu d’autres qu’il oubliait et redécouvrait régulièrement. Parfois, quand il relevait la tête pour respirer, comme s’arrachant à l’apnée, il croisait le regard attendri et inquiet de sa mère, qui ne savait pas lire. Il lui racontait les histoires avec passion, dissimulait tant bien que mal ses cicatrices. Le temps du bonheur.