Criminels-nés, assis en rond, à l'heure de la pause.
Vous avez douze ans.
Vous sortez de vos poches une poignée d'osselets.Un court moment, vous oubliez vos membres raidis, les odeurs de cuir ou de métal, la poussière de chanvre, les bruits de marteaux, les regards vigiles qui ne vous quittent pas. Vous oubliez boutons, espadrilles, sonnettes, cabas, peignes, que vous fabriquez à longueur d'années. Malgré le laminage, vous jouez. Les «gaffes» n'y peuvent rien. Certains voient-ils que vous ressemblez à leur fils ?
La ville vous a jeté dans ses marges, assignés aux poubelles, aux décharges. Cartons, ficelles, guenilles, fruits pourris. À moins qu'un juge ne vous expédie "là-bas", en "maisons de correction". Pour vous donner une chance ? Vous instruire ? Ou pour réduire votre nuisance comme on le fait avec la vermine ?
Les paroles vives ont chu en terre.
Les morts se taisent obstinément.
L'archéologue dit qu'on ne sait pas.
L'ethnologie dit qu'on ne sait pas.