Trois cent millions d’etres humains peuplent alors la Terre. Plus de la moitié vivent en Asie, près d’un quart sur le continent américain, un cinquième seulement en Europe. Encore ces chiffes sont-ils très incertains : nulle part aucun pouvoir n’organise de recensement systématique; partout, la plupart des gens ignorent leur propres date de naissance, et parfois jusqu’au nombre de leurs enfants.
En réalité, l'Europe occidentale est déjà une mosaïque de cités et de nations perpétuellement en guerre les unes avec les autres: guerres franco-anglaise, lusitano - aragonaise, germano-slave, franco-bourguignonne...On se bat pour un village, un affront, un héritage, un mariage ou pour le plaisir.
Comprendre l'Europe de 1492 requiert donc d'entrer dans le détail de l'histoire des cinq décennies précédentes, dans leur complexité dynastiques et leurs futilités meurtrières. L'effort n'est pas inutile, puisque ces événements ont façonné la géopolitique d'aujourd'hui.
Il n'existe rien qui puisse prévenir ni guérir la moindre maladie contagieuse. Les seuls thérapeutes acceptés du pouvoir sont le prêtre - qui console et vend des indulgences - et le policier - qui enferme les contagieux et les nomades.
On ne fait pas l'Histoire avec des si, mais ils aident à y réfléchir.
p.251
En développant la littérature de voyage, le livre fournit l'assise des découvertes ; en favorisant les langues nationales, il conduit à l'abandon du latin et à l'éveil des nationalismes.
[...] Plus qu'aucune autre pratique, la lecture va désormais bouleverser la pensée du temps.
p.61-62.
La nation n'est pas un peuple, c'est un idéal d'unité forgé autour d'un État.
Après 1492, l'Europe est devenue maîtresse du monde. Il ne lui reste plus qu'à le comprendre et à le faire admettre aux autres, en leur imposant l'essentiel : sa façon de raconter l'Histoire, de la falsifier, ou de la rêver.
Ces hommes inattendus, avec qui nul Européen n'est jamais entré en contact, sont comme issus du Paradis terrestre.
La réflexion philosophique se sépare de la dévotion religieuse, la seconde relevant de l'ineffable et de la grâce, la première de la conscience et de la raison.
Je voudrais enfin qu'on ait le courage de regretter le mal fait alors aux hommes par des hommes, de demander pardon aux victimes, de leur accorder enfin leur vraie place dans la mémoire du monde. Pour que, demain, de nouvelles barbaries ne viennent pas alimenter à nouveau, sur une toute autre échelle, les torrents de boue de l'amnésie humaine.