"Il a suffi d'un nouveau visage, il a suffi d'un masque. (...) Je crois vraiment que la transparence d'un visage n'est pas une vaine métaphore, le visage d'un homme laissant réellement paraître son âme et la réfractant selon l'indice de réfraction qui lui est propre."
Dans ce roman à la veine fantastico-réaliste,
Marcel Aymé joue les démiurges goguenards. Son héros, le ténébreux mais banal Raoul Cérusier change de façon abrupte de binette. Il se métamorphose, à l'occasion d'une démarche administrative, en un séduisant blondin. Cet élément perturbateur va occasionner moult remises en questions chez cet homme, mari honnête, père aimant et patron arrangeant.
Suborner une inconnue ou reconquérir sa propre épouse, voici de nouveaux défis dans une vie désormais sens dessous-dessus. Mais la liberté a des limites et il faut savoir rechausser ses Charentaises...
Ce récit s'apparente d'abord à une tisane, boisson sédative peu exaltante. L'écriture en est très sobre, les personnages grisâtres et l'action apathique. Mais ses vertus ne se font pas attendre : la bardane et le ginseng se substituent au tilleul et à la passiflore redoutés. Tonique et stimulant, le roman taraude le lecteur, le dérange dans son confort et ouvre de subtiles perspectives.
Marcel Aymé parvient à introduire dans son histoire ouroborique (elle se termine là où elle a commencé) une zone d'inconfort dans laquelle s'engouffrent nos questionnements existentiels sur l'identité et l'altérité. Je est un autre, certes, mais quid si un autre devient Je ?
Un Aymé de très bon aloi.
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