Niemand zal hier slapen vannacht

++++++ PERSONNE NE DORMIRA ICI CETTE NUIT +++++++

L'auteure occupe une place toute particulière dans n'importe quel domaine où elle a décidé de se manifester.
Son père, un berger berbère du Rif marocain, originaire d'un village près de la frontière algérienne est venue s'installer en Belgique en 1969. Trois ans plus tard, sa fille Rachida est née. Dans une interview exclusive pour un quotidien belge ("De Morgen"), en juillet 2016, et âgée de 44 ans, Rachida Aziz s'est penchée sur son passé, dans le but d'expliquer le présent.

Sa jeunesse, dans une école flamande, a été une longue souffrance à cause d'un harcèlement raciste par d'autres élèves et une grande solitude, remplie par un immense doute sur ses propres qualités. À 13 ans, elle a quitté cette école pour suivre des cours de couture. À 16 ans, elle a été fiancée à un ami de ses parents, qu'elle a épousé 2 ans plus tard, sans l'aimer, à ses 18 ans.

Rachida se sentait mal dans sa peau et nulle part chez elle. À la maison il y avait la culture et les traditions arabes, dehors un environnement belge. Une situation "schizophrène". Elle portait le voile par provocation, a fait des études de théologie islamique et est allée à La Mecque. Ce sont finalement ce pèlerinage et la mort de son père qui lui ont fait réaliser qu'elle menait une vie de dingue : cuisiner pour son mari et regarder n'importe quoi à la télé pour surtout pas réfléchir.

Ainsi, à 25 ans en 1997, elle a fait "tabula rasa" : elle a divorcé et lancé sa propre entreprise de mode féminine - avec ou sans voile - qu'elle a baptisée "Azira" et qui fabriquait des vêtements selon des règles éthiques très stricts, "haut de gamme à des prix abordables. En d'autres mots, pas de fabrication au Bangladesh pour des salaires de misère. Lorsqu'une banque de Dubaï lui a fait des propositions financières alléchantes, elle a refusé nette afin de sauvegarder ses normes éthiques. Bien qu'elle ait dû faire face à des difficultés financières à cause du montant du loyer exorbitant qu'elle devait payer pour son magasin dans le quartier très huppé de la rue Antoine Dansaert à proximité de la Bourse de Bruxelles et du Square Jacques Brel. Finalement, elle a été obligée de transformer son magasin en café-resto, appelé "Le Space" qu'elle loue avec succès pour toutes sortes d'événements. L'adresse exacte est rue de la Clé 26 à 1000 Bruxelles (Contact : art@azira.vzw/aslb).

Simultanément, contre le racisme, le sexisme, l'homophobie et toute forme de discrimination, elle a multiplié les prises de position dans la presse écrite et parlée, les pétitions et intenté plusieurs procès, entre autres contre l'éternel de Wever, président de la n-va (nouvelle alliance flamande, Parti nationaliste de droite), pour une de ses fines blagues sur les Berbères et l'intégration. Malheureusement classé sans suite par une cour de justice d'Anvers.
Rachida Aziz ne croît plus en "tous ensemble" et est devenue donc une activiste radicale.

Le livré est dédicassé : "à ma mère, à ma mère, à ma mère et à mon père". le titre un tantinet étrange est une adaptation de "L'opéra des quat' sous" de Bertolt Brecht de 1928. En Anglais cela donne : "Cuz there's nobody gonna sleep here, not tonight, honey...Nobody".
S'il s'agissait d'une chanson, on pourrait la cataloguer dans la rubrique "protest songs", mais il s'agit d'un ouvrage de 263 pages dans lequel l'auteur se rebelle contre l'injustice dans notre monde occidental supposé être civilisé !

Dans un premier long chapitre, d'une soixantaine de pages, Rachida Aziz s'en prend, comme "philosophe" (c'est le titre), à ceux qui détiennent en cet Occident soi-disant civilisé le pouvoir et elle attaque allègrement non seulement l'extrême-droite et la droite dite modérée en Flandre et aux Pays-Bas (l'horrible Geert Wilders, islamophobe et xénophobe notoire, pour qui l'intégration ne constitue pas un but, mais seule l'assimilation), mais elle n'oublie pas non plus les Français, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy, sans oublier outre-Atlantique ce grand génie de Trump, "qui dans son vocabulaire restreint, a déclaré : I think islam hates us" (je pense que l'islam nous hait).

Ce qui met l'auteure, avec son origine berbère, en rogne et on peut la comprendre, je présume, c'est que, d'après nos politiciens, les valeurs et normes d'une société civilisée sont exclusivement occidentales ! Comme si le grand savant Ibn Rochd de Cordoue (1126-1198), un philosophe, théologien, juriste et médecin muselman, n'avait jamais existé, mais a été un des nôtres, après avoir latinisé son nom en Averroès ! Au point de vue culture et intelligence avec le Trump et consorts, il y a effectivement un gouffre !

Deux facteurs font que cet ouvrage est hors pair : d'abord, l'érudition surprenante de cette passionnaria qui ne mâche pas ses mots et s'exprime dans un style particulièrement direct, sans être vulgaire pour autant, bien qu'elle soit suffisamment en colère devant maintes formes d'injustice ; et ensuite l'originalité de ses vues et leur enchaînement dans une logique absolument remarquable.

En résumé, je dirais que réussir une oeuvre tant instructive qui offre, par ailleurs, un si vaste panorama de notre monde hélas souvent en déroute, relève d'un véritable tour de force de la part de Rachida Aziz !
J'espère que ce livre sera très prochainement disponible en Français...
Et je vous souhaite à toutes et à tous, en attendant,

UN BON MILLÉSIME 2020 !!!