Décidément,
Derf Backderf a l'art de me faire rire à travers ses BD, autant qu'il sait faire pleurer. Dans la droite lignée de toutes ses autres oeuvres (ce qui semble logique puisqu'il s'agit de son premier roman graphique), "Punk Rock et mobile homes" est un ouvrage sur l'adolescence, le lycée, les atypiques, la musique. Les thèmes chers à l'auteur se retrouvent ici encore, avec ce personnage central qui évoque plusieurs autre protagonistes que j'ai pu voir dans ses BD.
Le Baron, nom que s'est donné un étudiant étrange, fan de
Tolkien et plutôt barré dans son genre, traverse le récit au son des musiques punk qui l'émaillent. On retrouve les groupes emblématiques de ces années-là, dans l'ambiance autant que dans les thématiques. C'est la petite ville de la Rust Belt, les avenirs sombres, le lycée violent, les luttes entre jeunes ... L'ambiance de ces lycées n'a visiblement pas changé, avec une certaine propension au harcèlement (malheureusement toujours d'actualité). Et par dessus ça, l'affirmation d'un jeune homme issu de basse condition.
Ce que j'aime chez l'auteur, c'est qu'il ne se contente pas de l'histoire banale et classique du lycée, l'ambiance et les copains. Il relie ça à d'autres thématiques tout aussi importantes, comme la question de la crise dans ces anciennes cités industrielles, les malades mentaux, l'ambiance de caravanes dans lesquelles des gens vivent à l'année, ou même l'oncle alcoolique qui se révèle finalement investi d'une certaine personnalité juste avant la fin.
Derf Backderf ne se prive pas de brouiller les pistes sur les personnages, certains réservant de sacrées surprises avec l'avancée du récit. Déjà Otto, dit le Baron, puisqu'il agit d'une façon bien souvent déconcertante, mélange de jeune très banal et d'un rôle plus mature, assez lucide sur la réalité de son monde. Mais le casting n'est pas en reste et transpire les anecdotes vécues. C'est surtout une galerie de personnages étranges qui donne corps à ce récit, chacun semblant plus taré l'un que l'autre.
L'intérêt principal de cette BD, pour moi, c'est l'humour. Il est assené par grandes claques dans la gueule du lecteur, avec ces moments hallucinants et surréalistes mais en même temps terriblement drôle. Je ne me suis pas remis de la session de sac sur la tête, tellement inattendue. J'ai aussi adoré l'ambiance qui s'en dégage, mélange de souvenirs de jeunesse mais aussi d'une période de nouveauté musicale qui explose les codes. C'est le début du punk rock, de l'ambiance fuck le système et des audaces sur scène. le dessin de Backderf correspond tout à fait à ce qu'il faut attendre de ce genre de récit, avec ses personnages très longilignes et aux tronches impayables. C'est un poil moins maitrisé que ce qu'il fait dans d'autres récits du genre, mais je ne peux qu'approuver. J'aime beaucoup cet auteur, il me le rends bien volume après volume. Franchement, j'ai hâte de continuer à le lire !