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Je connaissais Peter Bagge pour ses B.D mettant en scène le personnage de Buddy Bradley, sorte d'alter ego de l'auteur. Bagge est une figure de la B.D underground américaine (il a notamment un temps dirigé « Weirdo », la revue créée par Crumb) et il se démarque des autres grands noms de ce courant, Charles Burns et Daniel Clowes en tête, par un ton plus humoristique (qui le rapproche d'avantage d'un Joe Matt par exemple). J'étais donc étonnée de découvrir qu'il avait consacré une B.D à Margaret Sanger, créatrice du planning familial américain. Bagge délaisse donc ici les petites histoires quotidiennes d'américains moyens pour s'intéresser à un destin exceptionnel et qui a une portée universelle. Registre inédit pour l'auteur qui s'en sort remarquablement bien.

L'exercice de la biographie n'est jamais aisé. le risque est grand de proposer un récit très scolaire, plat et impersonnel. Avec « Femme rebelle » Bagge évite cet écueil et parvient à raconter la vie d'une femme hors-norme sans s'effacer derrière son sujet. Il garde intacts son style et son ton. Et c'est tant mieux. En choisissant de raconter l'histoire de Sanger sous forme de courts épisodes de quelques pages, Bagge insuffle énormément de dynamisme à son récit. Les ellipses sont bien pensées et tout s'enchaîne avec une grande fluidité.

L'histoire de Margaret Sanger, qui a été témoin de nombre de drames et a connu son lot de malheurs, aurait pu sombrer dans le larmoyant. Il n'en est rien. « Femme rebelle » est souvent très drôle, et cela sans édulcorer le propos. « Femme rebelle » reste une B.D engagée, même si Bagge a la subtilité de ne pas verser dans un militantisme caricatural. D'ailleurs, il ne cherche jamais à faire de Sanger une héroïne lisse et parfaite. On ressent bien des contradictions, et par certains côtés elle est parfois un peu antipathique. C'est surtout son combat, son courage et sa liberté qui suscitent l'admiration de l'auteur et du lecteur.

J'ai retrouvé avec plaisir le dessin si particulier de Bagge. Et bizarrement j'ai trouvé que sa façon de dessiner les personnages, toujours un peu caricaturale, collait très bien avec l'exercice de la biographie. Il en va de même pour la colorisation pleine d'énergie.

Même si je crois que je préfère tout de même Bagge dans son registre habituel, j'ai beaucoup aimé cette B.D biographique. Drôle, intelligente et personnelle, « Femme rebelle » permet de découvrir un personnage important dans l'Histoire des droits des femmes, droits qu'il est toujours aussi important de défendre, l'actualité ne cesse de le démontrer.
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J'ai pris cet album sans trop savoir à quoi j'allais me confronter. le graphisme m'a induit en erreur, le style est rétro, proche de la BD underground américaine des années 70, inspiré de Robert Crumb, la colorisation, le papier, la mise en page confortent cet aspect. le ton est assez brut, cru, avec des personnages qui gesticulent avec leur bras tubulaires, et pourtant on est dans un récit biographique, publié en 2013 en VO, concernant la vie de Margaret Sanger, militante anarchiste qui fut à l'origine du Planning familial aux Etats-Unis. Ce ton détaché et ironique du récit s'accorde parfaitement avec le personnage au caractère bien trempé, c'est tout à fait le genre de personnages qu'on pourrait s'attendre à rencontrer dans un album “Culottées” de Pénélope Bagieu. La condition de la femme au cours du XXe siècle est évidemment au coeur du récit, certaines obstructions à son avancée prêtent à rire tout en faisant froid dans le dos, c'est un livre de révolte, profondément féministe, écrit par un homme (heureusement, il y a des hommes féministes !), c'est une page d'histoire qui est loin d'être fermée malheureusement... C'est un bel hommage, efficace et convaincant, très militant et nécessaire.
PS. Encore un auteur de BD undergroud américain conseillé par Foxfire, merci !
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Mon compagnon est un fan invétéré de Peter Bagge, ce qui me permet d'avoir à disposition la quasi-totalité de ses oeuvres publiées en France. Malgré cette porte grande ouverte sur cet auteur reconnu de la BD underground américaine, je n'avais pas encore osé aller à sa découverte, jusqu'à cette couverture : une femme toute de rouge vêtue sur une scène, bâillonnée, pendant que deux hommes à la mine patibulaire discourent à sa gauche et à sa droite... Mais quelle est donc cette femme rebelle ? Quelle est donc l'histoire de Margaret Sanger ?

En une série de brefs épisodes d'une ou deux pages, Bagge nous dresse le portrait d'une pionnière du droit des femmes, née dans la campagne de l'État de New-York, et dans les années 1880. Une jeune femme brillante qui aura sans doute trouvé la motivation des combats de sa vie dans son enfance, avec une maman mère de 11 enfants mais surtout enceinte 18 fois, morte de la tuberculose à l'âge de 49 ans.
Cette vie n'est pas faite pour Margaret qui, même mariée et mère de trois enfants, choisit de mener de front sa vie professionnelle d'infirmière et sa vie militante. Ses prises de position radicales publiées dans le mensuel ‘The woman rebel' l'amènent à s'exiler loin de sa famille, en Angleterre et en Espagne, où elle fera la rencontre de militants et d'intellectuels défendant des causes identiques aux siennes. de retour en Amérique, et désormais séparée de son mari, elle fonde à Brooklyn la première clinique de contrôle des naissances aux États-Unis avec sa soeur Ethel, en octobre 1916. de livre en livre, de conférence en conférence, elle continue de se battre et d'argumenter pour son combat qui finit par être reconnu, malgré les polémiques et les procès. Grâce à elle enfin, la ligue américaine pour le contrôle des naissances se dénommera planning familial et la légalisation de la pilule sera actée et légalisée un an avant qu'elle ne décède, en 1966.

Quelle femme et quelle biographie-hommage offerte par Peter Bagge ! Ce comics se lit tout seul et reste très rythmé et dynamique, à l'image du personnage. Même si le style de l'auteur m'a surprise dès les premières pages, avec ces corps courbés et souples, parfois élastiques, ces visages très expressifs et quelquefois distordus, cela ne vient à aucun moment dénaturer le propos, bien au contraire. Il donne vie au récit, sort du conformisme de l'exercice et offre à cette femme impossible, survoltée et indomptable un visage humaniste et séduisant, drôle aussi.

Un portrait fascinant, admirablement documenté, et intègre sur cette femme controversée, qui mérite que l'on s'y arrête longuement. Une belle découverte...
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C'est la première bd de Bagge que je lis et, si je comprend bien, elle est un peu particulière dans l'univers de cette auteur.
Quoi qu'il en soit, c'est une histoire très intéressante et bien documentée qui nous est proposée ici, celle de Margaret Sanger, militante américaine, a l'origine du planning familial.
La narration est bonne et l'histoire intéressante. Comme souvent dans ce genre de récit le rythme est parfois inégal mais ça ne pose pas de problème tant le propos est riche.
Le tout est teinté d'un cynisme et d'un humour parfaitement dosés.
Le trait, souple, est assez chouette même si il ne correspond pas trop ace que j'affectionne.
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Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre, publié sans sérialisation. Sa première édition date de 2013. Il est écrit, dessiné, encré et mis en couleurs par Peter Bagge (plus connu pour sa série sur Buddy Bradley, voir Buddy Bradley, Tome 1 : En route pour Seattle). Il commence par une introduction de 2 pages rédigée par Tom Spurgeon, un spécialiste des comics. Il se termine par un texte de 2 pages dans lequel Bagge explique ce qui l'a motivé à réaliser une bande dessinée sur Margaret Sanger. Suivent 18 pages de texte en petits caractères, dans lesquelles il précise le contexte des événements évoqués dans cette biographie, ainsi que l'identité des différentes célébrités apparaissant. Il termine avec une brève biographie, précisant les textes à parti desquels il a conçu son ouvrage.

Cette histoire constitue une biographie de la vie de Margaret Sanger, en 72 pages de bandes dessinées. La première séquence se déroule dans les années 1880, alors que la jeune Margaret (née en 1879) va chercher son père en ville, en compagnie de ses frères, car un client le réclame à la maison, pour tailler une pierre tombale. Dans la séquence suivante, Margaret accompagne l'un de ses frères (d'une famille de 18 enfants) pour aller déterrer le cadavre d'un de leur frère mort jeune.

Dans les pages suivantes, le lecteur suit ainsi la vie de Margaret Sanger, jusqu'en septembre 1966. Chaque séquence est assez courte (entre 1 et 3 pages) et revient sur une anecdote ou un événement dans la vie exceptionnelle de cette femme. Elle a consacré sa vie à la promotion des moyens contraceptifs aux États-Unis, allant du lobbying pour leur légalisation, à l'aide au développement de nouveaux moyens. Elle a croisé la route de personnages célèbres comme Herbert George Wells, John D. Rockefeller, Pearl Buck, et des hommes d'état éminents comme le Mahatma Mohandas Karamchand Gandhi.

Lorsque que le lecteur découvre cet ouvrage, il s'interroge sur le bienfondé d'une biographie réalisée par Peter Bagge. Cet artiste réalise des dessins incluant une forte dimension caricaturale qui ne semble pas adaptée à une évocation historique. Dans la postface, il évoque ses difficultés à trouver des références photographiques pour que ses personnages soient ressemblants. le lecteur est en droit de s'interroger sur la nature de cette ressemblance. Bagge ne dessine pas du tout de manière photographique ou même réaliste.

Bagge dessine les décors et les environnements de manière simplifiée, comme dans un dessin animé pour enfants. Il s'inscrit dans un registre qui tire les objets vers des épures, à l'opposé d'une forme descriptive souhaitant recréer l'objet en question. Il suffit de regarder comment il représente un lit ou un bat-flanc dans une cellule de prison : les traits sont droits et assurés, mais il délimite la forme de manière générique, sans se préoccuper des détails du modèle représenté. Il serait vain de tenter d'identifier une façade ou un détail architectural dans la représentation des immeubles d'un quartier défavorisé de New York en 1912 (page 13).

Cela ne veut pas dire que ses dessins sont banals ou insipides. L'artiste les épure pour les rendre le plus facilement lisibles. Toutefois, le lecteur peut aussi constater que les tenues vestimentaires évoluent au fil des années qui passent, par exemple les robes laissant par la place aux pantalons pour les femmes, ou le port des chapeaux venant à disparaître. le lecteur peut donc regretter que les images ne transmettent pas plus d'informations visuelles sur l'époque et les lieux.

La façon dont Peter Bagge dessine les personnages est beaucoup plus remarquable. Il exagère de manière prononcée les arrondis pour certaines parties du corps (surtout les bras) et pour les visages. Majoritairement Bagge représente les bras sous forme d'arc de cercle, sans marquer l'angle que fait le coude. Cela confère une apparence de bras en caoutchouc, une modélisation de l'anatomie qui fait penser à l'enfance, alors qu'il l'applique à tous les âges.

Les visages présentent une apparence tout aussi remarquable, avec des formes de bouche très exagérées, des dents représentées comme des rectangles plats et blancs de taille uniforme. Les yeux ont souvent la forme de cercle, et régulièrement la forme d'amande. Contre toute attente les personnages arborent des expressions très parlantes, car ces représentations ont pour effet de les exagérer plutôt que de les affadir. L'artiste n'hésite à emprunter des codes visuels appartenant au registre de l'enfance, tel un adulte qui tire la langue quand il s'applique.

Peter Bagge utilise donc son mode de représentation habituel, dans l'exagération comique, avec un effet étrange sur la narration de cette biographie. Ce registre graphique lui permet de représenter les événements les plus atroces, sans donner l'impression de voyeurisme ou de dramatisation sensationnaliste (même quand il s'agit d'une femme perdant son foetus au cours d'une manifestation où elle a été rouée de coups par les forces de l'ordre). Il a aussi pour effet de focaliser l'attention du lecteur plus sur le ressenti des personnages (exprimé par ses visages aux traits exagérés) que sur le fond de ce qui est en train de se jouer (la cause de la contraception).

Le choix du découpage en courte séquence éloigne encore plus cette BD d'une biographie académique. de temps à autre, le lecteur éprouve l'impression que Bagge conçoit une séquence (de 1 à 3 pages) comme une forme de tranche de vie, avec une chute en fin de séquence. Cela insiste sur le caractère immédiat de la scène, en la détachant artificiellement de son contexte, c'est-à-dire la vie de Margaret Sanger.

Le lecteur plonge donc dans une narration très personnelle au service d'une personnalité très controversée. Dans la postface, Peter Bagge explique qu'à ses yeux Mararet Sanger est la personne grâce à qui la contraception a été légalisée aux États-Unis, et qui a permis aux recherches sur la pilule d'aboutir. Il la voit donc comme la femme ayant permis le contrôle des naissances, ayant permis aux femmes de s'émanciper de leur rôle de reproductrice, et d'avoir un choix. En bon américain, il estime que ses actions ont eu un retentissement à l'échelle de la planète.

Pourtant à lire cette biographie, le lecteur ne ressent pas ce parti pris de manière si affirmée. Bagge explique qu'il a dû choisir parmi les moments incroyables qui abondent dans la vie de cette dame exceptionnelle, qu'il a dû transiger sur la vérité historique à quelques reprises pour que cette BD conserve une taille raisonnable et qu'il s'est attaché à donner des éléments de contexte.

Le lecteur peut effectivement suivre le parcours de vie de Margaret Sanger au travers d'épisodes sortant tous de l'ordinaire sans exception. Il se fait une idée approximative des difficultés auxquelles elles se heurtent (procès, exil loin de ses enfants, instrumentalisation, etc., un vrai roman). Il comprend dans les grandes lignes comment elle-même se révèle excellente manipulatrice des médias, et pour quelles raison elle acquiert une mauvaise réputation (même au-delà des ligues de vertus opposées à la contraception).

Peter Bagge réussit à faire ressortir à la fois la raison pour laquelle Margaret Sanger prend des décisions équivoques, comment elle les justifie, et pour quelles raison elles apparaissent contre-productives. Ainsi il décrit une intervention de Sanger devant une assemblée féminine du Ku Klux Klan où elle a été invitée. Il souligne que déjà à l'époque (1926) cette organisation était plus que tendancieuse, pourquoi Sanger estime qu'elle doit faire son discours, et comment il est récupéré par la suite.

Au final, le lecteur ressort très satisfait d'avoir découvert la vie (en accéléré) de cette militante pour la contraception, sous une forme divertissante (les dessins, les émotions) qui s'avère pédagogique sans être académique. Il attaque donc les 18 pages de la postface en souhaitant en apprendre plus. Il s'agit d'annotations explicatives de chaque séquence, un peu indigestes, oscillant entre justification de l'auteur et anecdotes pas toujours judicieuses.
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Que faut-il penser de cet objet ? Déjà, le mot objet n'est pas choisi par hasard, parce que l'on hésite à parler de bande dessinée, que roman graphique ne s'applique pas davantage… Alors de quoi parle-t-on ?

C'est, en quelque sorte, une biographie en images. Dont l'auteur revendique d'avoir dû faire des choix. Qui est présenté comme un très sérieux travail journalistique, mais pas comme celui d'un(e) historien(ne).

Pour ma part, je n'avais jamais entendu parler de Margaret Sanger. Mais il n'y a ici rien d'étonnant, je le crains : quand l'histoire de l'esclavage est largement survolée dans les programme scolaire, l'histoire du féminisme et des conquêtes féminine est encore à faire, ou, du moins, à faire entrer dans les livres d'école. Et à l'étranger, qui plus est… Sauf a être un(e) militant(e), on connait essentiellement les noms de Lucien Neuwirth et de Simone Veil, on a entendu parler du « manifeste des 343 salopes », mais c'est à peu près tout. Bref, une vision franco-française de la question.

Alors, naturellement, il est passionnant de découvrir comment cette femme a pris à bras le corps ce problème dans une Amérique qui, finalement, ne semble pas avoir tant changé que cela – ou avoir beaucoup régressé ? -.

Et, en même temps, l'auteur n'hésite pas à dézinguer la statue… mais sans être dupe de la part de manipulation qu'il peut y avoir dans tout cela. Les faits sont là : Margaret Sanger est intervenue devant le Ku Klux Klan ; elle a, dans ses discours, employé des formules que plus personne n'oserait employer aujourd'hui – on se reportera, à ce sujet, à la citation qui ouvre cette chronique… -. Mais ses opposants – et notamment l'église catholique – ont également fait en sorte de sur-exposer ces faits pour la décrédibiliser. Elle a été de son époque, durant laquelle on parlait de nègres, durant laquelle les pauvres étaient d'abord considérés comme des faibles d'esprit.

On peut évidemment regretter qu'elle n'ait pas eu la fulgurance d'éviter cela. Mais nul n'est parfait, et il est toujours aisé de critiquer ceux qui agissent alors que nous restons dans le confort et la quiétude de notre inutilité… Toujours est-il que, avec ses défauts, avec ses manquements, avec ses insuffisances, Margaret Sanger a fait avancer l'humanité. En se trompant, en s'aveuglant sur la capacité de l'être humain à retourner en arrière, elle a osé. Et rien que cela est remarquable.

Cette femme est dure, intransigeante : il suffit de voir comment elle impose à son futur mari sa vision de l'amour libre – « résidences séparées, […] et je peux coucher avec d'autres hommes, si je veux et quand je veux » -, et à ses amants leur place respective – elle n'hésite pas à dire à H. G. Wells qu'il n'est pas le seul, et qu'il reste éminemment remplaçable… -.

Parmi les moments épiques, celui où Rockfeller, visiblement sur l'injonction de sa femme, vient visiter le centre mis en place, qu'il va soutenir de ses dollars, mais en exigeant de ne pas être cité, et qui demande, comme un petit garçon honteux, s'il n'y a pas une porte de derrière, comme s'il risquait d'être surpris à a sortie d'un sex-shop… Cette scène-là, en quelque sorte, résume tout de l'époque !

Ensuite, je ne peux pas ne pas signaler que c'est exactement le style de dessin que j'exècre. Sincèrement, jamais je n'aurais de moi-même acheté ce livre. Mais qu'importe ? Pour toutes celles et ceux qui prétendent se préoccuper de la place de la femme dans nos sociétés, c'est une lecture obligatoire. Et pour toutes et tous les autres, c'est une lecture fortement recommandée…
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Une fois habitué au dessin particulier de Peter Bagge, on se laisse porter par la fougue et la ténacité de Margaret Sanger. Fondatrice du Planning familial et fervente militante pour l'avortement et l'éducation sexuelle, ce personnage haut en couleurs de l'Amérique du début du 20ème siècle s'est attaqué de front aux bien-pensants et au puritanisme ambiant avec un caractère bien trempé et une langue pas toujours dans sa poche !
Au travers de cette bande-dessinée, Peter Bagge s'attaque à un monument de l'histoire de la femme aux Etats-Unis (et à travers le monde). Avec force de détails et d'humour, il dresse un portrait complet de cette militante radicale et croque avec brio la fresque qu'a été la vie de Margaret Sanger. « Pourquoi j'ai écrit ce livre ? Parce que Sanger a vécu dix vies en une… » Une vie remplie de mille combats, mille adversaires et mille idées…

« Aucune femme qui ne possède ni ne dispose de son propre corps ne peut prétendre être libre. Aucune femme ne peut prétendre être libre tant qu'elle ne peut choisir délibérément d'être mère ou non. » Margaret Sanger

Lien : https://plumeetpellicule.wor..
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Peter Bagge assez fort dans l'humour par le passé nous revient ici avec un travail proche du documentaire et du journalisme sur Maragaret Sanger, femme libre ayant beaucoup combattu pour la démocratisation de la contraception. Issue d'une famille de 18 enfants assez pauvre elle fit des études puis exerça le travail d'infirmière avec un grand engagement et dans un sens plus ou moins socialiste afin d'informer au maximum face au puritanisme, aux forces de l'ordre, la censure, l'Eglise.
Dessins de très bonnes qualités, pas mal d'humour, un choix très pertinent des événements, c'est fort bien écrit et l'oeuvre étudie différentes facettes de Sanger (famille, amour, réseau...).
A mon sens c'est une grande réussite par la qualité du propos, la richesse du travail d'enquête et le respect pour chacun des personnages.
Une grande oeuvre en termes artistiques comme d'idées et un grand travail.
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Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre, publié sans sérialisation. Sa première édition date de 2013. Il est écrit, dessiné, encré et mis en couleurs par Peter Bagge (plus connu pour sa série sur Buddy Bradley, voir Buddy does Seattle). Il commence par une introduction de 2 pages rédigée par Tom Spurgeon, un spécialiste des comics. Il se termine par un texte de 2 pages dans lequel Bagge explique ce qui l'a motivé à réaliser une bande dessinée sur Margaret Sanger. Suivent 18 pages de texte en petits caractères, dans lesquelles il précise le contexte des événements évoqués dans cette biographie, ainsi que l'identité des différentes célébrités apparaissant. Il termine avec une brève biographie, précisant les textes à parti desquels il a conçu son ouvrage.

Cette histoire constitue une biographie de la vie de Margaret Sanger, en 72 pages de bandes dessinées. La première séquence se déroule dans les années 1880, alors que la jeune Margaret (née en 1879) va chercher son père en ville, en compagnie de ses frères, car un client le réclame à la maison, pour tailler une pierre tombale. Dans la séquence suivante, Margaret accompagne l'un de ses frères (d'une famille de 18 enfants) pour aller déterrer le cadavre d'un de leur frère mort jeune.

Dans les pages suivantes, le lecteur suit ainsi la vie de Margaret Sanger, jusqu'en septembre 1966. Chaque séquence est assez courte (entre 1 et 3 pages) et revient sur une anecdote ou un événement dans la vie exceptionnelle de cette femme. Elle a consacré sa vie à la promotion des moyens contraceptifs aux États-Unis, allant du lobbying pour leur légalisation, à l'aide au développement de nouveaux moyens. Elle a croisé la route de personnages célèbres comme Herbert George Wells, John D. Rockefeller, Pearl Buck, et des hommes d'état éminents comme le Mahatma Mohandas Karamchand Gandhi.

Lorsque que le lecteur découvre cet ouvrage, il s'interroge sur le bienfondé d'une biographie réalisée par Peter Bagge. Cet artiste réalise des dessins incluant une forte dimension caricaturale qui ne semble pas adaptée à une évocation historique. Dans la postface, il évoque ses difficultés à trouver des références photographiques pour que ses personnages soient ressemblants. le lecteur est en droit de s'interroger sur la nature de cette ressemblance. Bagge ne dessine pas du tout de manière photographique ou même réaliste.

Bagge dessine les décors et les environnements de manière simplifiée, comme dans un dessin animé pour enfants. Il s'inscrit dans un registre qui tire les objets vers des épures, à l'opposé d'une forme descriptive souhaitant recréer l'objet en question. Il suffit de regarder comment il représente un lit ou un bat-flanc dans une cellule de prison : les traits sont droits et assurés, mais il délimite la forme de manière générique, sans se préoccuper des détails du modèle représenté. Il serait vain de tenter d'identifier une façade ou un détail architectural dans la représentation des immeubles d'un quartier défavorisé de New York en 1912 (page 13).

Cela ne veut pas dire que ses dessins sont banals ou insipides. L'artiste les épure pour les rendre le plus facilement lisibles. Toutefois, le lecteur peut aussi constater que les tenues vestimentaires évoluent au fil des années qui passent, par exemple les robes laissant par la place aux pantalons pour les femmes, ou le port des chapeaux venant à disparaître. le lecteur peut donc regretter que les images ne transmettent pas plus d'informations visuelles sur l'époque et les lieux.

La façon dont Peter Bagge dessine les personnages est beaucoup plus remarquable. Il exagère de manière prononcée les arrondis pour certaines parties du corps (surtout les bras) et pour les visages. Majoritairement Bagge représente les bras sous forme d'arc de cercle, sans marquer l'angle que fait le coude. Cela confère une apparence de bras en caoutchouc, une modélisation de l'anatomie qui fait penser à l'enfance, alors qu'il l'applique à tous les âges.

Les visages présentent une apparence tout aussi remarquable, avec des formes de bouche très exagérées, des dents représentées comme des rectangles plats et blancs de taille uniforme. Les yeux ont souvent la forme de cercle, et régulièrement la forme d'amande. Contre toute attente les personnages arborent des expressions très parlantes, car ces représentations ont pour effet de les exagérer plutôt que de les affadir. L'artiste n'hésite à emprunter des codes visuels appartenant au registre de l'enfance, tel un adulte qui tire la langue quand il s'applique.

Peter Bagge utilise donc son mode de représentation habituel, dans l'exagération comique, avec un effet étrange sur la narration de cette biographie. Ce registre graphique lui permet de représenter les événements les plus atroces, sans donner l'impression de voyeurisme ou de dramatisation sensationnaliste (même quand il s'agit d'une femme perdant son foetus au cours d'une manifestation où elle a été rouée de coups par les forces de l'ordre). Il a aussi pour effet de focaliser l'attention du lecteur plus sur le ressenti des personnages (exprimé par ses visages aux traits exagérés) que sur le fond de ce qui est en train de se jouer (la cause de la contraception).

Le choix du découpage en courte séquence éloigne encore plus cette BD d'une biographie académique. de temps à autre, le lecteur éprouve l'impression que Bagge conçoit une séquence (de 1 à 3 pages) comme une forme de tranche de vie, avec une chute en fin de séquence. Cela insiste sur le caractère immédiat de la scène, en la détachant artificiellement de son contexte, c'est-à-dire la vie de Margaret Sanger.

Le lecteur plonge donc dans une narration très personnelle au service d'une personnalité très controversée. Dans la postface, Peter Bagge explique qu'à ses yeux Mararet Sanger est la personne grâce à qui la contraception a été légalisée aux États-Unis, et qui a permis aux recherches sur la pilule d'aboutir. Il la voit donc comme la femme ayant permis le contrôle des naissances, ayant permis aux femmes de s'émanciper de leur rôle de reproductrice, et d'avoir un choix. En bon américain, il estime que ses actions ont eu un retentissement à l'échelle de la planète.

Pourtant à lire cette biographie, le lecteur ne ressent pas ce parti pris de manière si affirmée. Bagge explique qu'il a dû choisir parmi les moments incroyables qui abondent dans la vie de cette dame exceptionnelle, qu'il a dû transiger sur la vérité historique à quelques reprises pour que cette BD conserve une taille raisonnable et qu'il s'est attaché à donner des éléments de contexte.

Le lecteur peut effectivement suivre le parcours de vie de Margaret Sanger au travers d'épisodes sortant tous de l'ordinaire sans exception. Il se fait une idée approximative des difficultés auxquelles elles se heurtent (procès, exil loin de ses enfants, instrumentalisation, etc., un vrai roman). Il comprend dans les grandes lignes comment elle-même se révèle excellente manipulatrice des médias, et pour quelles raison elle acquiert une mauvaise réputation (même au-delà des ligues de vertus opposées à la contraception).

Peter Bagge réussit à faire ressortir à la fois la raison pour laquelle Margaret Sanger prend des décisions équivoques, comment elle les justifie, et pour quelles raison elles apparaissent contre-productives. Ainsi il décrit une intervention de Sanger devant une assemblée féminine du Ku Klux Klan où elle a été invitée. Il souligne que déjà à l'époque (1926) cette organisation était plus que tendancieuse, pourquoi Sanger estime qu'elle doit faire son discours, et comment il est récupéré par la suite.

Au final, le lecteur ressort très satisfait d'avoir découvert la vie (en accéléré) de cette militante pour la contraception, sous une forme divertissante (les dessins, les émotions) qui s'avère pédagogique sans être académique. Il attaque donc les 18 pages de la postface en souhaitant en apprendre plus. Il s'agit d'annotations explicatives de chaque séquence, un peu indigestes, oscillant entre justification de l'auteur et anecdotes pas toujours judicieuses.
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C'est intéressant pour l'histoire de Margaret Sanger, mais je pense que l'auteur n'est pas le bon pour ce type d'ouvrage. Tant le dessin, que l'édito qui insiste bien là dessus, nous laisse entendre que le ton va être différent des autres biographies, plus satyrique et humoristique. Moi je n'ai pas souris une fois, par contre j'ai soupiré devant la profusion de dialogues vains, censés probablement rendre l'histoire plus terre à terre, mais par conséquent complètement fictifs. J'aurai préféré le même ouvrage sur 40-50 pages.
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