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Voilà un livre lu depuis quelques jours et dont il est difficile de parler sans édulcorer son propos...

Un jeune homme qui n'est autre que l'écrivain lui-même, tout juste diplômé de l'Université de Calcutta, ne trouve aucune embauche. Ses ressources s'amenuisent et voilà qu'endetté, désormais, on lui refuse l'accès au foyer où il pouvait prendre ses repas... Fortuitement, il croise un de ses anciens condisciples, plus fortuné, à qui la vie a davantage souri. Celui-ci, sans doute ému par la misère dans laquelle son ami se débat, lui propose un travail : partir, vers le Bihar, une des provinces les plus pauvres de l'Inde, aux confins des forêts sous le regard des sommets de l'Himalaya et devenir l'employé de son père, riche propriétaire. Sa tache sera d'accorder des parcelles à ceux qui demanderont à travailler la terre.
Le jeune homme quitte Calcutta pour rejoindre son poste, en pleine nature, en pleine jungle...
Le premier mois, la transition est tellement brutale, le dépaysement tellement déstabilisant, qu'il ne songe qu'à démissionner et retourner à Calcutta où la misère lui apparaît plus tolérable que la solitude et l'isolement qui sont désormais siens.

C'est compter sans le charme de cette forêt, de cette luxuriance de la végétation, sa beauté inconcevable toujours en variations de couleurs et de senteurs, de cette faune sauvage crainte et divinisée, c'est compter sans la rencontre de ceux qui connaissent les paysages depuis toujours, les peuplant de divinités souvent bienfaitrices, de tigres mangeurs d'hommes, d'oiseaux paradisiaques.
L'homme exilé se laisse envoûter, malgré lui, par tous et par ces paysages sur lesquels son regard s'ouvre. Cette forêt et ces terres sauvages deviennent pour lui un trésor à protéger et il essaye de dispenser les parcelles tout en respectant la jungle, ses vies enfouies, et les autochtones, dont il découvre que la pauvreté n'est même pas concevable pour un homme venant du Bengale qu'il est..
Il se blottit avec sérénité dans cette solitude offerte peuplée de bruissements et n'aspire désormais qu'à ne plus la quitter.


Ce livre, écrit dans les années 1930, et qui parle d'une existence que l'écrivain a réellement vécue, est un manifeste écologiste et une leçon d'humanité.
En plusieurs dizaines de rencontres, de nuits passées à contempler la canopée, les montagnes changeantes, les arcs-en -ciel, à craindre de faire face aux buffles sauvages ou aux serpents dont la morsure est mortelle, le narrateur se transforme, comme happé par ces paysages dont il ignorait l'existence, conquis par "gangotas" dont il comprend la philosophie de vie, avec une compassion sans misérabilisme pour leurs existences si démunies, dénuées de tout, comme cet homme âgé, qui réensemence la jungle de toutes sortes de végétaux prélevés lors de ses déplacements au sein de celle-ci ou recueillis à l'état de graines dans les jardins où il a travaillé, pour faire surgir la couleurs comme un peintre le ferait sur une toile , pour faire chatoyer les lieux, les rendre encore plus féeriques... Ou ce danseur qui ne vit que pour son art, et peu importe si la faim est sa seule compagne, pourvu qu'il puisse apprendre une nouvelle danse qu'il partagera - trésor de Culture qu'elle est – avec les villageois qui viendront le voir, conscients des symboles de ses gestes, comme un livre ouvert qu'on choisirait de lire à plusieurs...Ou cette jeune veuve rejetée de tous, puisque sans statut dans cette société, qui vole pour nourrir ses enfants, attend la fin du repas de cet homme qu'est devenu l'écrivain, respecté et craint, pour disposer des restes de son repas qui seront festin pour les siens, mais dont la compassion et l'humilité lui donnent l'écoute et la font s'occuper du malade que tous abandonnent..

C'est une parcelle de l'Inde chargée de légendes, d'identité fantastique qui jaillit de ces pages, une Inde de pauvreté, d'abstinence, de sourires et d'abnégation, de résignation souvent. Une lecture qui vous cheville et vous retient, vous faisant ressasser et toujours imaginer cette jungle vouée à disparaître, c'est une lecture qui colore l'existence, qui la peuple de vies sauvages, d'une flore flamboyante, qui redéfinit le mot « Humanité » au sein d'une société tant enclavée dans ses castes. Une lecture entre écologie – dans la richesse de ce mot, et mystère du respect des divinités qui accompagnent le quotidien.
C'est le récit du démantèlement d'une vision de paradis qui se fait petit à petit, au détriment des autochtones repoussés aux confins et oubliés, eux qui sont l'âme de ces lieux.


Quand le "Babu" se rendra compte de la disparition imminente des derniers vestiges d'une beauté effacée, il sera trop tard et il comprendra combien il est attaché à cette présence d'une vie où se mêlent religion, intolérance des castes, et surtout richesse d'un environnement toujours magnifique et changeant.
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Un texte d'une grande beauté…

« Vous voyez cette forêt , cette jungle, c'est un endroit merveilleux. Depuis si longtemps, les fleurs s'y épanouissent, les oiseaux y chantent et les divinités, mêlées au vent, viennent y poser le pied sur le sol de notre terre. Elles ne demeurent pas là où l'on échange de l'argent, où l'on emprunte et où l'on prête, car l'air y est empoisonné. «

Encore un MERCI à l'amie isanne… qui par ses lignes enthousiastes … a attiré mon attention sur cet auteur bengali et cet ouvrage précurseur, toujours d'une actualité à peine croyable !

Trésor écrit entre 1937 et 1939, un des tout premiers romans écologiques, avec une large part autobiographique, que les éditions Zulma ont eu la très belle idée de nous faire connaître !!

Heureusement que je fais des recherches dans plusieurs bibliothèques… ce qui me permet de palier très vite aux curiosités et élans les plus urgents ; ce qui fut le cas pour cet écrivain bengali, dont je vais chercher de suite sa « Complainte du sentier » , adapté au cinéma par le grand Satyajit Ray ; rien que cela, Mazette… ! Cette « Complainte » rééditée chez Gallimard, dans la collection de l' »Imaginaire »…

J'ai, de surcroît, une sympathie et estime particulière pour Zulma, maison d'édition d'une très grande qualité, par ses choix et son exigence autant pour les textes que l' esthétique de ses maquettes !

Notre narrateur,Satyacharan [ un reflet troublant de l'auteur ], dans les années 1930, à Calcutta , jeune diplômé,perd brutalement son père, se retrouve sans travail, accepte un poste de régisseur aux confins du Bihar, dans le nord-est de l'Inde. Quittant Calcutta, ses commerces, ses théâtres, ses musées, son animation, se retrouve dans la jungle dans une solitude absolue, assez déboussolé !

« Au début, quand j'arrivai de Calcutta, la terrible solitude et cette vie presque sauvage m'étaient intolérables ; par la suite, elles me semblèrent préférables à toute autre. La nature rude et barbare m'a initié au mantra de la liberté et de l'indépendance ; serais-je à nouveau capable de me laisser enfermer comme un oiseau sur son perchoir, dans la cage de la ville ? Je chevauchais librement, rapide comme le vent, sous le ciel éclairé par la lune à travers les forêts de sal et de flamboyants et les rochers de cet espace désert. Je n'aurais voulu échanger cette joie contre aucune richesse de ce monde. »

Ce citadin , par cette mission professionnelle peu aisée, va transformer cette expérience en un miracle d'authenticité et d'apprentissage du REGARD, une parenthèse de remise en question de la civilisation et de la société… !

« Mes supérieurs m'écrivaient lettre sur lettre pour me presser de distribuer les terres à des fermiers. Je savais que c'était un des principaux devoirs de ma tâche, mais je ne me décidais pas à détruire la paix de ces bosquets secrets. Les métayers qui prendraient des terres en fermage ne le feraient pas pour conserver intacte la forêt, qu'ils défricheraient aussitôt pour y cultiver leurs récoltes, y construire des maisons où habiter. Cette belle étendue déserte, les forêts, l'étang, cette chaîne de collines, tout se transformerait en colonies humaines. « (p. 135)

Cela fait plus d'un mois que j'ai achevé cet ouvrage très étonnant, et j'ai beaucoup de mal à rédiger une chronique, tant ce texte est dense, et déploie de multiples problématiques, toujours d'une criante actualité !
Texte paru en 1938, et qui après tout ce temps ,continue à nous interpeller, à nous alerter, à nous questionner, sur notre planète que nous continuons à mettre à mal... !

Tout ce que je pourrais en dire ne ferait qu'affaiblir l'enthousiasme ressenti ; je laisse la parole à France Bhattacharya, qui a rédigé une postface très précieuse : « L'histoire que raconte le narrateur est celle de la transformation d'un chômeur pauvre, mais éduqué, de Calcutta en une sorte de seigneur qui rend la justice et distribue des terres à des individus démunis. Dans les premiers chapitres, le narrateur souffre de son isolement et regrette amèrement les amis, les distractions et les facilités de sa vie à Calcutta. Mais, peu à peu, il est comme envoûté par la beauté de cette immense forêt, vierge de presque toute présence humaine. Son roman prend des accents lyriques, et il insiste sur la nécessité de préserver cet élément naturel de toute mainmise humaine alors qu'il est payé pour la détruire .
Une autre question d'actualité que soulève Banerji est la place des peuples autochtones dans les sociétés dominantes. (…) L'auteur nous présente de très curieux et très attachants personnages qui viennent rendre visite à l'habitant solitaire de la forêt. le lyrisme de l'écrivain donne à son propos des accents romantiques. Ce roman est un hymne à la beauté d'une nature encore vierge, préservée des laideurs qu'y apportent bien souvent les humains.» (p. 299)

« Un jour viendrait, peut-être, où les hommes de notre pays ne pourraient plus voir de forêt. Il n'y aurait plus que des champs cultivés et des usines de jute. La fumée des usines textiles serait partout visible. Ils viendraient alors dans cette région reculée comme en pélérinage.Puissent ces forêts être préservées, inchangées, pour ces hommes du futur ! « (p. 288)

Un texte exceptionnel et un écrivain à découvrir , offrant une grande lumière et un sens profond de l'Humain…comme de cette belle Nature, dont nous sommes responsables, pour nous et les générations suivantes !
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Que voilà une belle surprise. On m'a présenté et prêté un livre très original dont je n'avais jamais entendu parler. Pas plus que de l'auteur au nom de toute façon impossible à retenir. Un seul repère, le grand cinéaste indien Satyajit Ray a jadis adapté en un trilogie La complainte du sentier, dans les années cinquante. Bibhouti Bhoushan Banerji (1894-1950) est un auteur bengali, au nord-est de l'Inde, qui écrit en bengali. Issu d'un milieu très pauvre, ll passa son enfance dans un village du delta du Gange mais put faire néanmoins des études supérieures à Calcutta. Tantôt enseignant en milieu rural, tantôt exploitant forestier, il partagea sa vie entre Calcutta et sa région et l'État voisin du Bihar.

Jeune diplômé sans le sou, Satyacharan, mainfestement un double de l'auteur, trouve un emploi de régisseur au fin fond du Bihar. Il a pour tache entre autres d'administrer ces territoires ruraux éloignés de tout, et de distribuer des terres raisonnablement au nom du gouvernement de New Delhi, là-bas loin vers l'Ouest, ce qui n'est pas une mince affaire. Calcutta lui manque puis assez vite Satya (faisons court avec les noms indiens) tombe sous le charme, sous les charmes de ce pays et de ces habitants dénués d'à peu près tout. Ce n'est pas pour cela un monde angélique, les castes étant ce qu'elles ont toujours été, les haines et les rancoeurs n'épargnent pas ces paysans, ces éleveurs, ces chasseurs, ces laissés pour compte du gigantesque sous-continent. Ecrit dans les années trente mais l'Inde, devenue le pays le plus peuplé du monde, est encore loin d'avoir exorcisé tous ses démons, de l'ignorance, de la grande pauvreté.

On parle au sujet de de la forêt de Thoreau bien évidemment, et comme d'un premier roman écologique. Je ne prise guère cette appellation. Mais ce roman nous dépayse considérablement, offrant des perspectives d'une richesse incomparable. Il faudrait citer des paragraphes entiers.

Une minute plus tard le faon s'approcha comme pour mieux me regarder. Son regardétait curieux et vif comme celui d'un enfant. Il serait peut-être venu encore plus près mais mon cheval tapa du pied et s'ébroua brusquement. Surpris, le faon disparut dans les fourrés pour porter la nouvelle à sa mère.

Je restai un long moment assis sous les ombrages. Entre les branches j'apercevais l'eau de l'étang qui s'étendait en demi-lune jusqu'au pied des montagnes. le ciel était d'un bleu sans nuage. le peuple des oiseaux aquatiques était engagé en de longues disputes bruyantes. Une aigrette, sérieuse et avisée, postée sur une hauteur au bord de l'eau, manifestait son agacement par quelques cris soudains. Au sommet des arbres sur le rivage, des hérons ressemblaient de loin à des bousquets de fleurs blanches.

Peu à peu, le ciel de montagne se teinta de rouge.

En face, la chaîne de montagnes prenait des teintes cuivrées. Les hérons s'envolèrent, toutes ailes déployées. La lumière se réfléchissait sur les plus hautes branches.

Les piaillements et pépiements augmentèrent, le parfum des fleurs sauvages se ft plus entêtant. Une senteur plus épaisse, plus sucrée. D'un peu plus loin, une mangouste, tête dressée, m'observait.

Quelle paix secrète! Quelle extraordinaire solitude! Cela faisait plus de trois heures que j'étais là, je n'avais rien entendu d'autre que le ramage des oiseaux, le léger crépitement des brindilles sous leurs pattes, le froissement d'une feuille sèche ou le craquement d'un rameau qui tombe.

Ce livre est une merveille pour qui veut ainsi quelques heures d'une escapade contemplative et rêveuse. L'auteur sait si bien saisir un frémissement animal, une fragrance exotique, une couleur indéfinissable. Mais Banerji fait preuve aussi d'une belle empathie pour le genre humain. Tous ces humbles parmi les humbles, un roi miséreux héritier d'une longue lignée devenu berger, un jardinier imaginatif qui amplifie ces décors fabuleux, un danseur facétieux qui vit de son art et qui demande si peu. La violence est bien là, sous-jacente, le tigre mangeur d'hommes n'est pas une légende, les buffles sauvages sont souvent très dangereux, le riz, bien cher, est hors de leur portée. Les chemins chevauchés sont parfois semés de rencontres douteuses.Quant à l'éducation et à la santé, les écoles sont bien rares et les hôpitaux bien loin.

Seule lacune à ce bien beau récit-roman, l'absence d'un lexique zoologique et botanique. Hartit, hariyal, kullo, gurguri sont des oiseaux. Bakain, piyal, arjuna, saptaparna des arbres ou des fleurs grimpantes. J'aurais aimé voir des images. Après avoir lu de la forêt j'ai blogtrotté un peu été surpris par le nombre apparemment assez important de lecteurs. Un peu d'espoir.
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Calcutta - 1920, Satyacharan est un jeune diplômé mais sans le sou. Il accepte l'offre d'emploi d'un ami et part aux confins du Bihar, pour mettre en fermage une zone de forêt et de jungle.

Ce faisant, lui, le citadin va tomber sous le charme de la solitude et de la nature ambiante. Pourtant, son métier consiste à détruire cette beauté, cette nature dont il est tombé amoureux.

Ce roman, publié en 1930, est en partie tiré de l'expérience de l'auteur.

Fuyez si vous rechercher les rebondissements. Au contraire, ce roman est calme, contemplatif, il faut se laisser porter par les pages où l'on suit diverses rencontres du jeune homme avec les habitants de cette région pauvre.

Car les conditions de vie des gens de cette zone sont en complète opposition avec la beauté des paysages : la sécheresse, le choléra, la pauvreté faisant des ravages.

Certaines des personnes rencontrées ne sont là que pour quelques lignes, d'autres pour quelques pages mais ils révèlent attachants à l'image du danseur Dhaturiya, de Manchi ou Bhanumati.

Mais si notre narrateur noue des liens d'amitiés, c'est la nature qui est le personnage principal de ce récit.

Cette nature condamnée à disparaître au nom du profit.

Ce roman, considéré comme un des premiers romans écologistes, est une très belle occasion pour découvrir un monde à jamais perdu.
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Je ne veux pas raconter ce roman, ni même le re-situer dans un contexte quelconque, je ne veux même pas en parler en réalité !
J'ai juste envie de dire ce que j'ai ressenti en le lisant. Ce qu'il a provoqué dans ma tête, et aussi dans mon corps, tout cela étant justement lié.
Immédiatement, je suis partie en Inde , emportée par la jolie langue de B.B.Banergie, et j'ai ressenti une profonde justesse dans tout ce qui est raconté et décrit.
Un sentiment de merveilleux, de calme, d'énergie et de douceur mais aussi un soupçon de colère, d'incompréhension et de révolte m'ont accompagnée durant toute ma lecture. J'étais complètement dans la peau de Satyacharan, et c'est comme si, avec lui, je découvrais ma véritable place, là au plus profond de la jungle, entourée de magnifiques forêts, d'animaux dangereux et libres, de paysans incultes mais au coeur si grand!

Un retour au Paradis, avant que l'homme ne se gâche et qu'il abime.
Un bien être, une sérénité..
Et cela même si tout n'est pas rose dans cette histoire, loin s'en faut ! la misère, bien présente, et même omniprésente, la faim, constante, la peur toujours proche, et les larmes qui me sont montées aux yeux souvent, cependant atténuées par la profonde et vraie humanité de presque tous les personnages, leur naïveté, si belle , si pure, leurs vieilles croyances qu'il est impossible de contredire, car il est des rêves qu'il ne faut pas casser.
Une leçon de poésie, un baume pour mon être, un livre que j'ai reposé doucement près de moi après l'avoir terminé, pour le garder, encore, un peu...
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J'ai été bien surprise en découvrant que ce sont les éditions Zulma qui publient ce récrit écrit en bengali entre 1937 et 1939. Dit comme cela c'est assez obscur, mais les éditions Zulma ont le flair pour nous dénicher des petites pépites sur la scène littéraire internationale d'aujourd'hui ou d'hier, alors, face à quelques critiques élogieuses, face à cette couverture énigmatique, ma résistance a été de courte durée.
Les éditions Zulma font la promotion de ce livre comme le « premier roman écologiste ». Mais je pense que c'est un peu de la publicité mensongère…

D'abord, ce livre n'est pas vraiment un roman, c'est plus une longue description, une longue contemplation. Une belle évocation d'un homme habitué à la grande ville de Calcutta, et qui, forcé par les circonstances, se retrouve dans un coin perdu de la campagne du Bihar, un des Etats les plus pauvres d'Inde, sur les contreforts de l'Himalaya, et qui apprend à regarder autour de lui. Il regarde les gens, il les regarde vivre, sans toujours les comprendre, les trouvant souvent un peu frustres, mais aussi attachants. Mais surtout, il regarde les paysages, les arbres, les fleurs, la forêt, les montagnes. C'est un livre de contemplation, un livre au rythme lent, un livre plein de couleurs et de senteurs, un livre qui parle à tous les sens du lecteur.
Ensuite, je ne qualifierais pas ce livre d'écologiste. C'est un livre contemplatif, ça c'est certain. Mais il n'y a pas de thèse dedans. le narrateur, qui n'est pas loin d'être l'auteur lui-même, admire et commence à apprécier ce monde, cette nature, puis il la regarde être détruite. Il est triste de cela, mais ne fait rien pour s'y opposer. Et pour moi, l'écologie, c'est voir la nature comme un système, ou plutôt comme la partie d'un système. Ici, il n'y a rien de cela. C'est un livre de paysage et de beauté, de beauté qui s'évanouit, effectivement, mais pas un livre militant pour trois sous. Je dirais même plus, la façon dont le sujet de la pauvreté est abordé, et le lien qu'il y a entre la pauvreté et le défrichement de nouvelles terres est parfois un peu perturbant. A remettre dans son contexte, celui de l'Inde et des années 30, certes, mais tout de même…

Alors, si j'étais responsable de la communication chez Zulma (si c'est eux qui sont à l'origine de cette étiquette) , je ne dirais pas que c'est le premier roman écologiste, mais plutôt que c'est un merveilleux livre contemplatif, d'un homme qui se transforme peu à peu par l'observation d'un arbre, la découverte d'une couleur, la surprise d'une senteur. Certes, c'est moins vendeur, mais c'est ce qu'est ce livre. Un petit bijou de verdure et de beauté, un joyau caché au pied de l'Himalaya.
Certes, c'est un peu plus long et moins vendeur. Mais c'est un livre que je suis prête à recommander, pour le bon lecteur, celui ou celle qui aime se plonger dans de belles descriptions, le scintillement d'un lac sous la pleine lune, l'éclat d'un feuillage sous le soleil, le parfum d'une fleur gorgée de nectar. Un livre qui se laisse déguster, qui se laisse apprivoiser, qui se lit par petites touches, qui met des images plein la tête, des noms exotiques dans les oreilles et plein de sérénité dans la tête.
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Sans argent ni perspective, le jeune Bengali Satyacharan accepte, plus par nécessité que par enthousiasme, un poste de régisseur dans un domaine forestier du Bihar.

Son rôle est d'attribuer la location des terres de cette jungle luxuriante à de modestes cultivateurs.
De l'expérience de ce citadin invétéré, largement inspirée par celle de l'auteur, naîtra un texte passionné. Sa rencontre avec la nature éblouissante, vierge de toute exploitation est une véritable révélation de la beauté suprême. de ces 6 années passées dans un environnement qui n'avait rien pour être le sien, Satyacharan rentrera changé : enrichi en son coeur d'une conscience écologique (bien que sa fonction l'ait lié directement à la déforestation), mais également d'une conscience sociale pour s'être peu à peu débarrassé de sa condescendance à l'égard des populations qui vivent en ces lieux reculés.

Ce texte hors du commun se situe à mi-chemin entre le carnet de bord et le  nature-writing, on y croise des personnages fabuleux, un peuple autochtone oublié, et des descriptions somptueuses d'une nature qui confine au divin, nous éblouissant de sa diversité. On s'y familiarise également avec le système totalement révoltant des castes et avec d'autant plus de réalisme et de sincérité que l'auteur indien vit lui aussi avec cette conscience de caste même si par bien des aspects elle paraît moins prégnante chez lui que chez les ruraux qu'il rencontre.

C'est un livre aussi beau par sa plume qu'intéressant par son propos, et finalement aussi exotique qu'universel qui donne à penser une fois de plus à la beauté perdue du monde et à celle qui peut encore être préservée. 
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De la beauté : sauvage et pauvre, la forêt affermée. Roman écrit entre 1937 et 1939, de la forêt chante un monde disparu plein de rencontres et de pertes, de contemplation de la musique d'une vie rendue à sa sylvestre solitude. Bibhouti Bhoustan Banerji signe ici un roman magnifique. Social et écologique, de la forêt happe le lecteur dans le destin d'un homme qui apprend à aimer ce coin du nord-est de l'Inde qu'il est chargé de livrer aux appétits des hommes. Un roman où le mystère affleure et où l'homme survient dans sa pluralité.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Considéré comme le premier grand roman écologique, "De la forêt" est un manifeste de paix. La solidarité, préservée par la précarité rurale, s'étiole dans les villes indiennes surpeuplées - jetant sur la pauvreté une lumière criarde, ou dans les bidonvilles que sont condamnées à devenir les terres défrichées que le héros - un jeune bengali fraîchement diplômé employé comme régisseur forestier aux confins du Bihar - contribue à distribuer. Sa mission le plaçant dans la position insoutenable d'artisan de la destruction d'un écosystème préservé. Cette prise de conscience se fera, pas à pas, au contact de l'usurier millionnaire Dhaotal Sahu, du descendant d'une ancienne lignée royale, de Raju Panré, un poète philosophe passant ses journées à célébrer le culte des divinités ou encore d'un jardinier "adorateur de la beauté", consacrant sa vie à planter de nouvelles boutures sur les collines vallonnées. Bibhouti Bhoushan Banerji - ayant lui-même fui Calcutta après le décès de son épouse - signe un récit autobiographique savoureux, conçu comme un voyage initiatique et la chronique poétique d'un éveil écologique.
Lien : http://www.booksnjoy.com/de-..
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J'aurais pu passer à côté de cette histoire... Il n'a jamais été mis en avant chez les libraires, dans les critiques... C'est en le voyant dans une pile de livres dont mon ami Hugues se défaisait, que j'ai été attiré par lui! Sa couverture hyper colorée a attisé ma curiosité 😊. Pour le reste, j'avoue que le 4ème de couverture était assez neutre... Mon intuition allait il le porter chance et me permettre une belle découverte?... Je ne ferai pas durer le suspense... J'ai adoré à tous les niveaux! C'était le livre qu'il me fallait dans le contexte dans lequel l'actualité me mettait ( Je suis indépendante et tiens un commerce de jeux et jouets... Considéré comme non essentiel en Belgique, nous avons connu un mois le travail à distence et le mois de décembre ouvert avec des conditions drastiques à respecter )... Il me fallait m'évader le soir malgré la fatigue... Et j'ai fait plus que ça!

Bibhouti Bhousan Banerji qui est l'auteur de la Forêt, est dans son pays considéré comme un grand écrivain. Et je veux bien le croire! Son texte a été édité en 1938 et quel modernité tellement il arrive à toucher l'intemporel! Par ses mots j'ai été transportée dans un état de contemplation qui a nourrit au fil des pages mon Amour pour la Nature! Il a su nourrir un style et trouver les mots pour partager avec nous les merveilles de la nature, la jungle en particulier, sans tomber dans le mièvre, sans créer de temps morts... Tout au contraire! J'ai plongé dans cette nature, dans cette jungle et dans l'histoire de ses habitants qui ensemble m'ont fait toucher du doigts la grande Histoire de l'Inde avec ses coutumes!

On y suit Satyacharan et ses souvenirs où à une époque de sa vie où il était jeune diplômé de Calcutta, à la recherche d'un emploi et sans argent, il fit la rencontre lors d'une fête, d'un de ses anciens amis. Celui - ci ayant confiance, lui propose un emploi de régisseur pour les forêts du district de Purnea que sa famille possède. Satyacharan aura pour mission de créer des parcelles dans ces forêts et d'y installer des métayers pour les cultiver.

Arrivé sur les lieux, Satyacharan prend peur... Peur de ce monde coupé de toutes les distractions auxquels sa vie l'avait habituées! Peur de ne pas s'habituer à cette vie rythmée par la biodiversité de la jungle dont il avait la charge... Mais au fur et à mesure qu'il apprit à la connaître, à découvrir les trésors que celle - ci recèle en son sein, c'est tout le contraire qu'il vécut... Au point que son travail devint de plus en plus dur à assumer... Quitte à devoir le faire, quitte à devoir participer à la destruction de ce trésor, autant alors donner sa chance à ceux qui en ont besoin! C'est comme cela que nous rencontrons tout un ensemble d'hommes et de femmes qui vont marquer de leur empreinte Satyacharan et nous marquer par la même occasion! Nous marquer aussi à notre rapport au monde...

En refermant le livre, j'ai pleuré la fin de cette jungle... Comme si je perdais un être cher, une amie et avec elle, des proches! Pourtant je ne suis jamais allée en Inde... C'est vous dire comme Bibhouti Bhousan Banerji a su trouver les mots pour nous emmener là-bas, au coeur de sa jungle qui n'est plus.... Et en cela, je rejoins le 4ème de couverture, c'est un grand roman ecologique et paraît il le premier écrit!
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