AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,45

sur 40 notes
5
0 avis
4
2 avis
3
8 avis
2
1 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Comme j'ai appris que le prochain numéro de la revue Bifrost (le 114) allait nous offrir un dossier consacré à l'écrivain écossais Iain M. Banks et que je participe ici au défi "Challenge duo d'auteurs SFFF 2024 : Iain M. Banks - Arthur C. Clarke - auteur mystère", je me suis demandé quel serait le premier. N'osant pas tout de suite attaquer le monument que représente la Culture, j'ai tenté Transition, roman hors de tout cycle.

Transition possède des points communs avec les films du style des James Bond : une mystérieuse organisation mondiale sévit dans l'ombre. Elle agit, sans que personne ne le sache et modifie l'ordre des choses pour imposer le sien. Mais quel est son but ? Mystère. Qui sont les agents et, surtout, les dirigeants qui composent le Concern ? Autre mystère. Et d'où viennent-ils, eux qui peuvent voyager d'un monde à l'autre ? Car Iain M. Banks use ici d'un thème classique de SF, les univers parallèles. Entre lesquels se promènent les agents du Concern, les « Éveillés », qui sont « conscients des réalités multiples ».

Enfin, se promènent, c'est vite dit. Il leur faut, pour commencer, l'aide d'une substance conservée précieusement par l'organisation, le Septus. Sans elle, pas de voyage possible. Ensuite, chacun possède sa routine, qui lui permet de se transférer, en esprit, dans le corps d'une personne dans une autre réalité et de prendre sa place le temps de la mission. Concept intéressant et violent. Imaginez qu'un agent prenne possession de votre corps dans le but d'assassiner quelqu'un et vous laisse en reprendre le contrôle une fois la victime devant vos yeux, votre main tenant encore l'arme meurtrière. Vous allez avoir du mal à justifier tout cela devant les autorités. Mais l'auteur ne s'appesantit pas sur ce côté immoral des transitions. Seul l'intéresse le duel qui sert d'ossature à ce roman.

En effet, Transition est l'histoire de deux ambitions, de deux visions du monde qui s'opposent. Et qui s'affrontent, prenant le reste des humains pour des pions posés sur leur terrain de jeu. Deux femmes, puissantes, bien placées dans l'organisation, vont se servir de leurs relations et de leur caractère bien trempé pour tenter d'obtenir le triomphe de leur pensée, quitte à causer la mort, la torture. Mais avant de comprendre qui elles sont et ce qu'elles veulent, il va falloir apprivoiser la structure du roman. Car l'auteur ne nous facilite pas la tâche. Comme dans beaucoup de récits, il change de point de vue régulièrement, nous promenant dans l'esprit du Philosophe, du Transitionnaire ou de plusieurs autres. Nous faisant également témoins des manigances de Madame d'Ortolan (car nous ne pouvons pénétrer son esprit à elle, qui reste un mystère). Et avant de comprendre qui est qui, et, surtout, le rapport et les liens entre tous ces êtres, il se passe plusieurs dizaines, voire centaines de pages. Je ne sais pas si Iain M. Banks table autant sur la confiance et le courage de ses lecteurs dans tous ses ouvrages, mais c'est impressionnant. Il m'a fallu une certaine volonté pour m'accrocher au début du roman. Ensuite, seule sa longueur m'a un peu gêné. Car l'histoire m'a suffisamment intéressé pour que je fasse abstraction de tous les trous que l'auteur laisse volontairement en place. du moins au début. Car on finit par tout comprendre. Ou, en tout cas, tout ce que l'écrivain juge intéressant et important (pas les buts du Concern, hors influence des deux combattantes, par exemple ; ou la logique de ces réalités parallèles et leur structure). Mais il faut être patient.

De même, je m'interroge sur la violence que met en scène l'auteur écossais. Je n'ai pour l'instant lu que ce roman, mais certaines scènes n'ont pas été tendres avec les personnages. Cela ne représente qu'une petite part des six cents pages, mais quelques moments ont été particulièrement pénibles. Je comprends que cela soit nécessaire et d'aucuns me diront que dans n'importe quelle série, aujourd'hui, on peut tomber sur des scènes de torture exposées comme si c'était habituel et normal. Cependant, j'ai été marqué par des coups et des blessures infligés sans aucun remords. Et même si cela colle à l'état d'esprit de ceux (ou plutôt celles) qui ordonnent, cela n'en reste pas moins violent. Je verrai dans mes autres lectures des oeuvres de Iain M. Banks si c'est une exception ou non.

Pour finir, j'ai apprécié quelques-uns de ses petits clins d'oeil, comme l'inversion des perspectives avec des mondes ou sévit une « menace terroriste chrétienne » en lieu et place de celle créée par quelques musulmans fanatiques de nos jours. Tout comme certains coups de griffe au modèle capitaliste tout puissant et aux libertariens si influents aujourd'hui. Et, surtout, comment l'auteur règle la question des extraterrestres, sinon impossibles, du moins peu probables avec ces multiples réalités (pour découvrir son raisonnement, il vous faudra lire le roman).

Pour un début de découverte de l'oeuvre de cet auteur devenu un classique et dont j'avais entendu parler depuis de si nombreuses années, ma première pioche a été bonne sans être exceptionnelle. Je ne me suis pas ennuyé en lisant Transition mais j'ai été surpris par l'exigence de ce titre. Je ne regrette pas mon choix et souhaite toujours continuer à farfouiller dans les livres de cet écrivain.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          372
Un exigeant hybride Banksien

Iain Banks, il faut le savoir, est un des rares écrivains de science-fiction à avoir réussi en parallèle (et par réussir, j'entends chiffres de vente et reconnaissance du grand public et de la critique) une carrière en littérature blanche ou dans d'autres genres que les littératures de l'imaginaire. Il signe d'ailleurs ses romans de SF avec un « M » entre son nom et son prénom, ce « m » correspondant à son deuxième prénom, Menzies. Transition étant signé Iain M Banks, et vu son thème (les univers parallèles), il devrait purement relever de la partie « littérature SF » de l'oeuvre de cet auteur. Pourtant (et c'est là où je veux en venir avec mon histoire d'hybride dans le titre de mon commentaire), son style et l'extrême disons dureté de ses personnages le rapprochent très nettement de l'oeuvre en littérature générale de Banks. Pour finir, sa construction mélangeant progression chronologique et anti-chronologique rappelle très fortement celle d'un des romans phares du cycle de la Culture (le joyau SF de Banks), l'Usage des Armes.

Warning : Explicit lyrics

La conséquence de ce mélange des genres est que celui qui n'a lu que du Banks SF risque d'être sacrément déstabilisé par le ton très cru, très âpre et très noir de ce roman, même par rapport à l'Usage des armes, qui était jusque là son sommet en matière de noirceur dans un cadre SF. On a le sentiment d'avoir affaire à un Banks « non-censuré », notamment via la répétition de scènes de torture, de sexe très crues ou de celles où des personnages sont réduits à l'impuissance et le jouet de personnes sadiques et / ou impitoyables. Alors que toute l'oeuvre SF de Banks, Culture (les 2/3) ou pas Culture (le tiers restant) restait très classique dans son écriture (à l'exception d'EffroyablAnge –Feersum Endjinn en VO-) ou dans sa construction (à l'exception de l'Usage des Armes), on a affaire, avec Transition, à quelque chose qui, bien que classé SF, ne ressemble pas au space-opera qu'à pu écrire Banks (l'Algébriste), au planet-opera auquel il s'est essayé (La Plage de Verre), et qui surtout, surtout, ne ressemble pas à la Culture. Celui qui serait tenté de voir dans l'interventionnisme du Concern pour « améliorer » (ça reste à prouver…) les univers parallèles un miroir de l'interventionisme planétaire des CS de la Culture ferait une lourde erreur et se préparerait à de cruelles déceptions. le Concern est complètement dépourvu de la morale et des auto-limitations des CS (qui ont pourtant a 2-3 reprises commis des actions à la moralité plus que douteuse sur l'ensemble du Cycle de la Culture), et surtout il n'est pas animé par le même réel altruisme que la Culture. Bref, attention, si vous vous attendez à de la Culture / du Circonstances Spéciales dans le cadre d'univers parallèles, vous allez être sacrément décontenancé, ou même déçu.

Si vous tenez absolument à faire des parallèles, lisez la préface de Gerard Klein, elle contient l'ADN de Transition en termes de livres de SF ayant été écrits avant lui et relevant des mêmes thématiques. Personnellement, étant joueur de jeu de rôles, je ferais aussi un parallèle avec Mega, la méthode du Concern (voyage vers les mondes parallèles par la possession de corps des indigènes) ressemblant à un mix du transfert et du transit de Mega.

Intrigue, personnages, construction

Il ne faut pas vous attendre à des univers parallèles « flashy » ( pas de : les nazis ont gagné la seconde guerre mondiale, les Confédérés la guerre de sécession, les aztèques dominent l'Europe, etc), les rares décrits l'étant en quelques phrases et étant très proches du nôtre en général. Oui, la construction est complexe, l'identité exacte de chaque personnage n'étant décrite dans la première partie du roman que par un surnom (le transitionnaire, le philosophe, etc) et ne se dévoilant que peu à peu. Cela rend donc le livre assez exigeant, il faut s'accrocher pour remettre les pièces du puzzle dans le bon ordre. Mais c'est justement cette exigence qui rend le roman intéressant, quand le tableau général prend forme. Il faut juste s'accrocher, c'est tout. J'ajoute aussi que l'auteur nous propose une vraie fin, et que l'écrasante majorité des questions trouvent leurs réponses.

Outre la construction, ce sont ses personnages qui rendent ce roman extrêmement intéressant. de Madame d'Ortolan à Bisquitine, Iain M Banks s'est surpassé. Ces personnages ont un vrai relief, une vraie personnalité, on est très loin des personnages monodimensionnels malheureusement de plus en plus typiques en SF ou en Fantasy aujourd'hui.

En résumé

Il s'agit d'un roman très noir, très âpre, à la construction et à la lecture très complexes, très éloigné dans son ton de ceux de la Culture ou des autres Banks SF, mais qui récompensera le lecteur qui mènera l'histoire à son terme par un univers fascinant, une histoire grandiose, et surtout des personnages inoubliables (très, mais alors très noirs, mais inoubliables). Il faut juste ne pas confondre ce livre avec un des autres Banks SF, Culture ou pas Culture, et être conscient que dans la bibliographie de cet auteur, tout comme Effoyabl'Ange, Transition restera à part.
Lien : https://lecultedapophis.word..
Commenter  J’apprécie          40


Lecteurs (86) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4879 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}