Nous perdons tous notre innocence bien assez tôt; c'est inévitable. Pour la plupart, nous n'y sommes cependant pas prêts émotionnellement ou intellectuellement avant la trentaine ou même plus tard, et donc, quand on la perd de trop bonne heure, pendant l'enfance ou l'adolescence à cause d'un divorce ou de la mort soudaine et prématurée d'un parent, on peut rester fixé sur cette perte toute sa vie. Comme elle survient trop tôt, la perte ne paraît pas naturelle mais violente et arbitraire, c'est une blessure permanente et gratuite qui laisse en nous une colère contre le monde.
La valeur de n'importe quelle œuvre d'art, à n'importe quel moment, réside dans l'œil de celui qui la contemple.
On peut se sentir seul n'importe ou, je suppose. Même dans une foule comme ici.
Peut-être surtout dans une foule. Les foules peuvent te pincer le cœur quand tu es seule au monde.
Nous étions tous des atomes provenant de la fission de familles nucléaires et nous cherchions de nouveaux noyaux à recomposer.
Quand tu as été toute ta vie mariée à quelqu’un et que ce quelqu’un meurt, d’une certaine façon tu meurs aussi. Sauf si tu décides de renaître transformée en quelqu’un d’autre, en une personne encore non définie. Alors, c’est presque comme si tu avais l’occasion de redevenir adolescente. Pour l’instant, c’est comme ça que je me sens. P 94
Après presque quarante ans de vie conjugale, Isabel, comme n’importe quelle autre femme, avait fait tant de petits compromis, tant de concessions pour faire coïncider sa vision de ce qui était désirable et nécessaire avec celle de son mari, qu’elle ne savait sans doute plus ce qui, pour elle seule, était désirable et nécessaire. P 92
Aucun de nous ne savait qu'elle [Sarge, la chienne] nous aidait à différer l'éclatement de notre colère, à repousser notre besoin de coupable, à qui reprocher la séparation et le divorce, la destruction de l'unité familiale, la perte de notre innocence.
Se sentait-il vraiment aussi seul qu’il l’avait fait croire à Ellen ? Si son mariage ne le faisait pas exactement souffrir, il le trouvait ennuyeux et se sentait invisible dans cette vie conjugale, comme un vieux meuble qu’on ne peut pas déplacer ou remplacer sans chambouler tout le reste de la pièce et que, du coup, on laisse là où il est en ne tenant plus compte de lui.
A cette époque, il y avait entre Louise et moi de nombreuses différences sur ce qui relevait de la réalité et de l’illusion, du vrai et du faux, et nous confondions souvent les causes de la dégradation de notre vie de couple avec les symptômes d’une vie de couple déjà brisée. P 32
Ils aiment bien qu'on ait le verre toujours plein, dit-elle. Je suppose que ça leur permet de remplir le leur sans que personne ne le remarque.