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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Voilà un livre complètement immersif qui te plonge dans un Soudan contemporain à la frontière de l'Érythrée et de l'Ethiopie. Les Jango, pluriel de Jangawi, c'est une population de saisonniers qui viennent cultiver le blé, le sorgho ou le sésame, des travailleurs de la terre nomades :

«  Ils sautillent comme de vieux corbeaux dansant autour d'une proie. Ils portent des chemises neuves dont le col souillé par la transpiration, le soleil, le vent du Sud et la terre noire argileuse, témoigne d'une âpre lutte avec les lieux, les éléments, et la recherche de leur gagne-pain. Ils adorent les jeans avec la marque bien en évidence sur les poches : Cons, Want, Tube, Leeman, Winston, etc. Ils ne savent pas ce que cela veut dire mais ils les aiment plus que tout, et ils paient cher pour en avoir. Avec leur ceinture en simili-cuir, on les prendrait predque opour des créatures étrnagères, n'était cet airt de famille que leur silhouette partage avec les objets alentour, en particulier les bottes de sésame bien fagotées. »

La langue ( en arabe dans le texte original ) de Abdelaziz Baraka Sakin est belle et chatoyante, au diapason du bouillonnement de vie de cette comédie humaine à la soudanaise qui rebondit de personnage en personnage, de scène en scène, avec comme seul fil conducteur que celui de raconter ces Jango dont le coeur est la Maison de la Mère, mi-logeuse mi-maquerelle, où les Jango se retrouvent après le travail. C'est souvent savoureux et toujours tendre. Je retiens tout particulièrement le très beau personnage de Wad Amouna dont on découvre l'enfance en prison aux côtés d'une mère incarcérée, puis sa vie adulte d'homme raffiné et différent qui apprend à danser aux futures mariées.

Tendre mais sans concession. L'auteur sait moquer les travers truculents des Jango. Il sait aussi dire avec beaucoup de lucidité leur rapport à la religion, au sexe ou à la vie politique dans un pays autoritaire ( écrit en 2009 sous le régime d'Omar El-Béchir, tombée en 2019 suite à un soulèvement populaire ). Aucun tabou dans ce livre, ce qui lui a valu d'être censuré dans son pays pour « obscénité ». Comme un hommage universel à la liberté.

La littérature est faite pour élargir les horizons. Si j'ai apprécié la découverte de cet auteur et ce roman tourbillonnant, je suis tout de même restée spectatrice un peu lointaine de l'ensemble. Les scènes se visualisaient parfaitement dans ma tête mais je n'ai pas vibré pour les personnages qui les habitaient.
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Les Jango, ce sont celles et ceux qui passent les frontières pour travailler la terre contre salaire, puis pour le dépenser dans des festivités bacchiques quand la terre est ensuite au repos. Au gré des saisons, des mouvements, des vies de chacun, ce sont les Jango, mais pas seulement, que le narrateur vient nous conter à travers un roman polyphonique et polymorphe, d'une grande virtuosité narrative.

Le narrateur, c'est un homme qui décide un jour, avec un ami de longue date, de s'arrêter, au fil de leurs pérégrinations, à Al-Hilla, où ils découvriront un autre monde, celui des Jango justement, mais aussi celui de tous les autres habitants de la ville, ainsi que leurs histoires, parfois réelles, parfois inventées ou transformées, puisque dans ce lieu les colportages et rumeurs règnent en maître ; parfois réalistes, parfois pleinement merveilleuses ou fantastiques ; parfois sérieuses et graves, parfois emplies de dérision et de transgressions de tout ordre (sexe, religion, politique…) ; parfois d'une lenteur pesante, ou au contraire voluptueuse, parfois d'un rythme effréné, difficile à suivre ; histoires dans l'histoire qui ont, dans tous les cas, valu à son auteur, Abdelaziz Baraka Sakin, l'interdiction de son roman au Soudan, et son exil en Autriche. Histoires à la manière de contes parfaitement imbriqués dans l'intrigue principale qui prend, finalement, au fil de ses évolutions, des allures de récit d'apprentissage inattendu pour notre narrateur, jusqu'à la fin de ses bienheureuses aventures qui prendront le contrepied du reste.

En somme, un régal !
Lien : http://lartetletreblog.com/2..
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Les Jango sont des êtres étonnants, spectaculaires, mi- sérieux, mi- fantasques. Nomades cueilleurs de sésame, ils ne vivent pas que de sésame ! Ils se "frottent" à toutes les expériences, qu'elles aient comme lieu la Maison de la Mère(
centre de toutes les leçons humaines mais aussi de tous les vices) ou bien la prison qui a vu naître l'extra- ordinaire Wad Amouna... le seul hic: ils sont trop libres et se révoltent un jour contre la mécanisation qui les emprisonne ...et surtout, ils affrontent la force militaire...
La langue de l'auteur est colorée, poétique, violente et même obscène parfois, toujours entre récit et légende : les djinns apparaissent au fur et à mesure que les volutes de la chicha s'envolent ... Par moment, au fil des chapitres, j'ai même eu l'impression que j'étais gagnée par l'atmosphère enfumée... Vertigineux ! On comprend bien pourquoi cet auteur est devenu persona non grata au Soudan
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Je découvre avec ce livre, Abdelaziz Baraka Sakin, son écriture et son univers. C'est loin d'être banal. L'écriture est imagée en même temps que très réaliste, souvent drôle et parfois grave, légère, multicolore et multiple. En bref, c'est un festival.

Le romancier soudanais parle de son pays mais aussi de l'Éthiopie très proche ou plutôt des habitants de ces pays. C'est un joyeux mélange, un métissage heureux : tous ses personnages sont issus de rencontres et de mélanges qui les enjolivent et les enrichissent. Ce roman est une ode au métissage, à la découverte d'autrui et à la vie ensemble. Les femmes y ont la première place.

Le livre passe du roman au conte, de la fable ou la parabole à l'histoire plus prosaïque et au drame, encore une fois un joyeux mélange. Il n'est pas toujours aisé de suivre les déambulations d'Abdelaziz Baraka Sakin, il faut soit tenter de comprendre phrase à phrase, ce qui n'est pas toujours simple, soit se laisser porter, ce qui me semble être la meilleure des solutions et à cette condition, on peut ressentir ce que j'ai tenté -sans doute maladroitement- de décrire un peu plus haut. le mieux étant de se faire sa propre idée...
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