Citations sur Les Diaboliques (119)
Et il leva son verre de champagne, qui n’était pas la coupe bête et païenne par laquelle on l’a remplacé, mais le verre élancé et svelte de nos ancêtres, qui est le vrai verre de champagne, – celui-là qu’on appelle une flûte, peut-être à cause des célestes, mélodies qu’il nous verse souvent au cœur.
Il y avait çà et là, autour de nous, le public ordinaire du Jardin des Plantes, ce public spécial de gens du peuple, de soldats et de bonnes d’enfants, qui aiment à badauder devant la grille des cages et qui s’amusent beaucoup à jeter des coquilles de noix et des pelures de marrons aux bêtes engourdies ou dormant derrière les barreaux. La panthère devant laquelle nous étions, en rôdant, arrivés, était si vous vous en souvenez, de cette espèce particulière à l’île de Java, le pays du monde où la nature est le plus intense et semble elle-même quelque grande tigresse, inapprivoisable à l’homme, qui le fascine et qui le mord dans toutes les productions de son sol terrible et splendide.
Demandez à tous les confesseurs, qui seraient les plus grands romanciers que le monde aurait eus s'ils pouvaient raconter les histoires qu'on leur coule dans l'oreille au confessionnal.
Le meilleur regal du diable,c'est une innocence
Je ne dis point que cela n'est pas incensé puisque cela est inutile, mais c'est beaux, comme tant de choses incensées !
On ne peint pas plus le bonheur, cette infusion d'une vie supérieure dans la vie, qu'on ne saurait peindre la circulation du sang dans les veines. On s'atteste, aux battements des artères qu'il y circule, et c'est ainsi que je m'atteste le bonheur de ces beaux êtres que vous venez de voir, ce bonheur incompréhensible auquel je tâte le pouls depuis si longtemps.
Ils n'étaient jeunes ni l'un ni l'autre, mais néanmoins parfaitement beaux. L'homme devait s'en aller vers quarante-sept ans et davantage, et la femme vers quarante et plus ... Ils avaient donc, comme disent les marins revenus de la Terre de feu, passé la ligne, la ligne fatale, plus formidable que celle de l'équateur, qu'une fois passée on ne repasse plus sur les mers de la vie ! Mais ils paraissaient peu se soucier de cette circonstance.
...Je n’eus que l’incroyable sensation de cette main audacieuse, qui venait chercher la mienne jusque sous ma serviette ! Et ce fut inouï autant qu’inattendu ! Tout mon sang, allumé par cette prise, se précipita de mon cœur dans cette main, comme soutiré par elle, puis remonta furieusement comme chassé par une pompe, dans mon cœur !....et comme vous le savez, dans ce premier âge de la vie, la volupté a son épouvante, je fis un mouvement pour retirer ma main qui, me la serrant alors avec l’ascendant du plaisir qu’elle avait conscience de me verser, la garda d’autorité, vaincue comme ma volonté, et dans l’enveloppement le plus chaud, délicieusement étouffée.
je n'ai jamais pu voir une fenêtre, éclairée la nuit, dans une ville couchée, par laquelle je passais, sans accrocher à ce cadre de lumière un monde de pensées, sans imaginer derrière ces rideaux des intimités et des drames.
Etalée nonchalemment sur ses élégantes pattes allongées devant elle, la tête droite, ses yeux d'émeraude immobiles, la panthère était une magnifique échantillon des redoutables productions de son pays. Nulle tache fauve n'étoilait sa fourrure de velours noir, d'un noir si profond et si mat que la lumière, en y glissant, ne la lustrait même pas, mais s'y absorbait, comme l'eau s'absorbe dans l'éponge qui la boit... Quand on se retournait de cette forme idéale de beauté, de force terrible au repos, de dédain impassible et royal, vers les créatures humaines qui la regardaient timidement, qui la contemplaient, yeux ronds et bouche béante, ce n'était pas l'humanité qui avait le beau rôle, c'était la bête.