Parfois, je me demande si je ne suis pas morte. Mais non, je suis vivante, et le bébé qui bouge dans mon ventre est là pour me le rappeler. Je suis vivante, et Redouane est mort. Par la fenêtre, j'aperçois le jardin de notre pavillon, avec ses géraniums, sa pelouse tondue bien ras, son parterre de rosiers fanés. Notre maison ressemble à s'y méprendre à celle de nos voisins de droite et à celle de nos voisins de gauche. Heureusement qu'il y a des numéros sur les portes pour s'y retrouver.
Je contemple cette chambre irréelle. La zone plus claire sur les murs, à l'emplacement des posters de Beyoncé qu'une adolescente que je ne reconnais plus a arrachés.
J'ai envie de sortir. Je n'ai pas le droit. Pas encore. Sauf pour pointer. Matin, midi et soir.
Je longe l'avenue des Tilleuls, je passe devant le marchand de motoculteurs, le gymnase, le magasin de bricolage, la boulangerie, le Café des sports. La gendarmerie, enfin, où je signe ma feuille de présence, matin, midi et soir, soir et matin et midi.
Après ça, je refais le chemin en sens inverse et je rentre.