La Jeune Épouse

En dormant, il ajouta que personne ne disparaît pour mourir, mais que certains le font pour tuer. (Page 138)

C’est un domestique, notre meilleur domestique. Je lui demandai alors ce que faisait un domestique. C’est un homme qui n’existe pas, répondit mon père. (Page 133)

Le tango offre un passé à ceux qui n’en ont pas, et un futur à ceux qui n’en espèrent pas….. (Page 27)

Ils étaient ainsi faits : ils ignoraient la succession des jours, car ils visaient à n’en vivre qu’un, parfait et répété à l’infinie. Pour eux le temps n’était qu’un phénomène aux contours flous, qui résonnait dans leur vie telle une langue étrangère. (Page 24)

Depuis cent treize ans, tous dans notre famille sont morts nuitamment…. (Page 16)

La jeune Epouse songea qu'elle avait dix-huit ans, qu'elle avait gagné avant même de commencer, qu'ils avaient envie d'elle depuis trois ans et qu'elle avait complètement oublié de quoi parlait Don Quichotte. Un instant passa, curieusement dilaté, et pour finir elle était là, les cheveux enroulés sur la nuque, le menton légèrement relevé et un regard qu'elle ne se rappelait pas avoir jamais eu auparavant.

D'ordinaire, une fois la lumière éteinte, nous échangions quelques phrases, nous évoquions quelque secret, puis nous nous souhaitions bonne nuit avant d'entrer dans le sommeil. Mais maintenant, pour la première fois, je me demandais ce qu'était cette sorte de petit chant arrondi qui montait chaque soir du lit de la Fille, une fois la lumière éteinte, les secrets épuisés et les saluts échangés - il montait et oscillait dans l'air si longtemps que je n'en voyais jamais la fin, , moi qui sombrais toujours dans le sommeil sans terreur, seule de toute cette maison. Mais ce n'était pas un chant - c'était une nuance de gémissement, comme celui d'un animal - , et par cette nuit d'été oppressante, j'eus envie de le comprendre, car la chaleur me tenait éveillée et mon corps dévêtu me rendait différente.

Quand on a aucun avenir, la haine vient d’instinct.

Il ouvrit la chemise qu’il emportait toujours quand il allait en ville (souvent elle ne contenait rien, mais il aimait avoir quelque chose à ne pas oublier partout) et en tira une lettre.

Il y a une chose que vous faites tous les jours ? m’a-t-il demandé. J’écris, j’ai répondu. Génial, vous écrivez quoi ? Des livres, j’ai dit. Des livres sur quoi ? Des romans. Moi, je n’ai pas le temps de lire, il a commenté. C’est ce que tout le monde dit toujours.