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Critique de Alfaric


Poète de la noirceur, Clive Barker est souvent qualifié d'Edgar Allan Poe contemporain... Il l'est sans doute davantage que son émule Stephen King, mais Clive Barker est avant tout Clive Barker, à savoir un Anglais de Liverpool d'ascendance irlandaise par son père et italienne par sa mère à la fois romancier, dramaturge, peintre, sculpteur, photographe et cinéaste spécialisé dans le fantastique horrifique mais pas que (domaine dans lequel il fait référence au vu de sa grande influence sur ses contemporains)… A lui plus qu'à bien d'autres correspond l'appellation démons et merveilles !

Années 1920, la Duchesse des Chagrins Katya Lupi est une star du cinéma muet qui fait un pèlerinage dans son pays natal tandis que son imprésario Willem Matthias Zeffer désespérément amoureux d'elle cherche un cadeau à lui offrir pour gagner ses bonnes grâces. Nous sommes en Roumanie, terre de mystères, de démons et de merveilles et il découvre dans la Forteresse du Duc Goga gardée par les moines de l'Ordre de Saint-Teodor une oeuvre qui dépasse ses espoirs les plus fous. Les moines sont bien contents de se débarrasser de ce qu'il considèrent comme impie et maudit, dans ce lieu où selon eux résida Lilith la femme du Diable. le chef-d'oeuvre qui sent le souffre est rapatrié en Amérique, où il assure le succès mondain de la vamp avant de déclencher une épidémie puis une hécatombe dans le tout Hollywood...
Années 2000, Todd Pickett la star du cinéma d'action est sur la pente descendante et il se sent de plus en plus dans la peau du vieux gladiateur dont les forces déclinent alors que celles des jeunes gladiateurs ne font qu'augmenter... Pas de bol, son réalisateur fétiche meurt avant le grand coup devant relancer sa carrière et son producteur, une petit crevard ravi d'abuser de son pouvoir et son argent pour exercer sa domination sur les autres (toutes les allusions à des faits ayant défrayé la chronique sont absolument volontaires), se fait une joie de lui imposer un ultimatum : c'est le bistouri ou la retraite ! Mais l'opération de chirurgie esthétique est un désastre : Todd Pickett est obligé de se cacher son visage et son corps dans une résidence abandonnée des collines d'Hollywood appelée Coldheart Canyon, victimes à répétition d'étranges événements...

L'idée du roman "Coldheart Canyon" c'est de lier les destins de la vraie vamp d'hier et du faux action man d'aujourd'hui et ce que c'est à travers les yeux de Todd Pickett que les mystères de Coldheart Canyon et du Royaume du Diable nous sont révélés, ainsi qu'à sa vindicative agente Maxine Frizelle et sa groupie passionnée Tammy Lauper qui bon gré mal gré gravitent autour de lui et l'accompagnent pas à pas dans sa descente aux enfers. Clive Barker connaît les vibes du du genre horrifique comme personne et il ajoute à sa casquette de dramaturge tous les talents qu'il a acquis dans les arts visuels (c'est ainsi qu'est apparu le « body horror » dont il est l'un des pères fondateur sinon le père fondateur) : la style est élégant et émaillé de descriptions évocatrices voire de haute volée (ah je le remercie avec le traducteur Jean Esch pour les trompe-l'oeil artistiques du Royaume du Diable ! ^^) et le rythme est joliment maîtrisé car nous autres lecteurs sommes comme des grenouilles sur le feu et quand l'eau se met à bouillir il est trop tard depuis bien longtemps déjà pour songer à fuir... Il mêle évidemment à son histoire une critique au vitriol de la la célèbre usine à rêves américaine surnommée par ses détracteurs Tinseltown, qui depuis un siècle transforme de vrais salauds en faux héros, héros, avec des business plan bien rodés comme bourrage de crâne et la loi silence comme filet de sécurité (remember l'affaire Harvey Weinstein, qui n'est sans doute que la partie émergée de l'iceberg). Pour lui elle n'a jamais été innocente, elle a toujours été pourrie et il se fait une joie d'utiliser démons et merveilles pour dézinguer le Hollywood d'hier et l'Hollywood d'aujourd'hui en alternant scènes du quotidien, drames psychologiques, scènes érotiques et scènes gores...
C'est ainsi que se noue une étrange relation la prétendue reine des ténèbres et le prétendu héros. Katya Lupi est une Foutue Au Berceau prostituée par sa mère et violée par ses frères, qui corrompt tous ceux et toutes celles qu'elles rencontrent pour mettre le monde entier à son niveau tout se perdant elle-même dans un sadomasochisme bisexuel et permutant. Mais son plus grand désir est de retrouver les part l'innocence et de la pureté qu'on on lui pris et qu'elle a perdus, et à tort ou à raison elle s'est persuadée que Todd Pickett qui a connu les mêmes tentations qu'elle est l'homme qui lui faut (car après tout son prince charmant est resté suffisamment humain pour pleurer la mort de son chien ^^). C'est une histoire sans doute aussi factice que celle qui sont fabriqués en série par l'usine à rêves hollywoodienne, mais c'est surtout une histoire d'amour aussi tordue que celle d'Hella et Thor chez Marvel Comics où la déesse des enfers qui règne sur lâches, traîtres et criminels est aussi une femme qui rêve d'aimer et d'être aimée par un beau héros aux bras musclés...

Mais avant d'être dans une histoire de fantômes on est dans un récit Portal Fantasy, et c'est là que le bât blesse car si l'auteur à un imaginaire incroyable, il reconstitue ici une Boîte de Lemarchand dont les pièces s'ajustent pas spécialement bien... et c'est partie pour la Zone Spoilers !

Il aurait été plus efficace d'avoir d'abord la maison hantée comme faux Jardin d'Eden, puis le Royaume du Diable qui entre enfer et paradis est un vrai Purgatoire, et enfin l'empire des ténèbres où l'auteur laisse dormir des horreurs cauchemardesques dont finalement on ne verra jamais le bout du nez... Mais j'imagine que dans ce cas, il aurait été trop proche du schéma d'"Hellraiser" ? C'est dommage !
Lien : https://www.portesdumultiver..
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