Vous savez, ce sentiment quand, après avoir matché avec quelqu'un, on se prépare à un premier rendez-vous ? Ce moment où l'on se pomponne, on est impatient.e, on y va avec le sourire. Et puis la personne en face n'est absolument PAS ce qu'elle avait dit être ? Pas le même physique, pas les mêmes études, les mêmes centres d'intérêt et qu'alors, le courant ne passe pas du tout ? Eh bien c'est mon sentiment face à ce roman.
Je m'excuse d'ores et déjà aux personnes qui, je le sais, ont beaucoup aimé ce roman et ne cesse de le recommander. Parce que moi, je ne le ferai pas.
Je vais commencer par mon argument le moins justifiable étant donné que c'est purement et simplement une question de goût : le style. J'ai beaucoup de mal avec les romans écrits au style moderne mais qui traitent d'un sujet purement antique. Je m'en suis rendue compte durant ma lecture de
Galatée de
Madeline Miller et cela semble se confirmer ici. Je n'ai pas accroché au style, je l'ai trouvé trop décalé par rapport au thème et cela a un peu perturbé ma lecture.
En revanche, là où j'ai un peu soufflé, c'est la vision contemporaine et notamment occidentalo-centrée qui se dégage parfois. L'exemple le plus flagrant est le commentaire sur le fait que les hommes ne pleurent jamais : non. Tout simplement non. En plus d'être une remarque sexiste (pas top pour un roman qui se veut féministe…), dans l'Antiquité, les pleurs des hommes étaient importants et valorisés, surtout chez les héros grecs (et les rhétoriciens romains mais ce n'est pas notre sujet actuel). Il suffit de lire l'Odyssée ou l'Eneide et de compter le nombre de fois où Ulysse et Enée pleurent… On perd très vite le compte.
J'ai un peu plus soufflé quand j'ai vu apparaître le point de vue d'Achille dans ce roman. Pourquoi ? le titre est
le silence des vaincues, un roman qui prône la parole des femmes et nous avons le point de vue d'un homme ? Un homme qui n'hésite pas à violer ? Patrocle aurait été à la limite justifiable, mais pas Achille. J'ai vraiment eu des difficultés avec cette idée, qui gâche selon moi tout le message féministe et la portée de la voix des femmes, d'autant plus que la narration perd en cohérence : nous avons tout d'abord le récit raconté par Briséis, à la première personne et au passé, pour ensuite basculer sans transition sur le point de vue d'Achille, à la troisième personne et au présent et inversement. Cela m'a souvent sorti de ma lecture.
Pour ne rien arranger, j'ai réussi à avoir plus d'empathie pour Achille que pour Briséis. J'avoue avoir eu du mal à m'attacher à cette dernière, la trouvant froide et assez antipathique, alors qu'Achille semble avoir plus de reliefs et de profondeur, notamment à partir du moment où Patrocle part au combat sans lui. Sans doute la faute à
Madeline Miller et son incroyab
le Chant d'Achille me direz-vous, mais bon, c'est dommage que j'ai pas pu avoir plus d'attachement que cela au personnage principal.
Cela reste tout de même un roman intéressant du fait que l'on possède une vision de ce que les femmes esclaves vivaient sans doute durant les guerres. C'est l'aspect que j'ai le plus apprécié du roman, du fait de la forte présence des femmes (même si parfois éclipsées par les hommes) et qui nous offrent une idée de leur vécu et de leur ressenti.
C'est donc un rendez-vous non plus manqué mais raté, dont je ressors assez déçu. Il y a des points positifs mais qui m'ont été gâchés par les aspects négatifs que j'ai retrouvés en plus grand nombre.
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