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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
«  J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand- Père et , par ricochet , celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui n'avait jamais été , en espérant aider les vivants et libérer les morts . J'ai pensé que je pouvais le faire pour apaiser mon père . Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée » ..

Tels sont les mots prégnants de l'auteure , une comédienne , devenue une jeune femme , qui conte l'histoire de sa famille.
Jusqu'à la page 145 , le lecteur s'empare avec émotion, de ce témoignage précieux , cette quête essentielle qui éclaire notre histoire récente sans plus. Une histoire de plus à propos de la 2ème guerre mondiale ?

À partir de là ,TOUT CHANGE ET S'ÉCLAIRE : Mais qui était ce «  JUSTE  » , ce résistant dont la mère , son épouse se refuse à parler ?
Enfermée dans sa douleur ?
Elle se complaisait dans la peau de la veuve.

La femme qu'elle fut s'éteignît avec l'être aimé .

Cet Albert Barraud, dont une rue de Bordeaux porte le nom , dans sa quête essentielle , ce roman autobiographique magnifiquement écrit , délicat, touchant révèle , met en lumière les morceaux éparpillés de cette histoire fracturée , amputée par la folie des hommes .

Qui est ce résistant , médecin chef dévoué ,dans le revier du camp de concentration de Neuegamme , ayant lutté pour la survie de ses compagnons de galère , ces prisonniers auprès desquels il jouera un rôle protecteur ?
Pourquoi l'auteure se heurtait à un MUR de silence , celui de sa grand- mère «  qui jamais ne laissa échapper la douceur d'un seul souvenir » ?

Il était pour ses deux fils, sans le vouloir un lourd fardeau et pour ses petits enfants un fantôme très présent ...

Roger Joly , son compagnon de quatre - vingt treize ans révélera à l'auteure un témoignage précieux , poignant , capital .

Marie Barraud entreprendra même un voyage vers la mer Baltique avec son frère , elle dénouera enfin les fils et les noeuds serrés qui entravaient les douloureux liens familiaux .

Il s'était battu pour un monde meilleur , il est resté jusqu'au bout durant cette sombre période de notre Histoire .
«  Il est écrit qu'il n'y a de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime et l'amour qui fut le tien , comme la plupart de ces médecins , était celui que tu éprouvais pour l'humanité toute entière » ..

C'est un livre bouleversant, profondément émouvant par sa sensibilité, sa limpidité, ses mots forts , sa beauté poignante, son authenticité , écrit avec le coeur .
Il met les larmes aux yeux , on toune la dernière page , bouleversé ....


Avec ce livre la jeune comédienne a enfin brisé le cycle de douleur, d'ombre , de solitude , LES BLESSURES qui ont tant pesé sur les fils d'Albert et ses petits - enfants .
«  Je suis doué d'une sensibilité absurde ; ce qui érafle les autres me
déchire » .
Gustave Flaubert , lettre à George Sand, 10 mai 1875 .
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Un livre bouleversant d'émotions.
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2016, Marie Barraud décide de coucher sur le papier sa tragédie familiale. Celle d'un grand-père, Albert Barraud, médecin, résistant, déporté en 1944 au camp de Neuengamme. A son arrivé au camp, il devient médecin du « revier 1 » sans jamais perdre son esprit de résistant. Durant toute sa déportation, il a consacré sa vie à ses camardes en les aidant, soignant sinon soulageant des centaines, des milliers de malades. Il a trafiqué des papiers pour tenter de sauver ces déportés de la mort. Toujours cet homme a vécu l'espoir au coeur. Toujours il a cru en l'Homme et en l'humanité.
Albert Barraud est mort en 1945 sur un paquebot bombardé par les alliés qui pensaient y trouver des allemands. Or dans cet immense tas de ferraille, il n'y avait que des milliers de déportés, entassés sur des corps sans vie. Eux-mêmes déjà un peu morts.

Albert Barraud a laissé derrière lui deux fils et une épouse. Aucun d'entre eux ne parle de lui. Jamais. Quel est la raison de ce silence ? Lorsque Marie aborde le sujet, c'est la colère qui rugit dans les yeux de son père. Pourquoi ? Comment son père peut-il ressentir une telle rage face à cet homme, à ce père, qui fut un héros ?
La jeune femme décide de chercher à comprendre qui était ce grand-père et pourquoi personne ne l'évoque, jamais. Elle qui ressent un vide en elle par l'absence d'un homme qu'elle n'a jamais connu. Un inconnu qui semble étouffer le monde des vivants.

C'est un travail de fourmis qu'a entrepris Marie Barraud, rien ne l'a arrêté dans cette quête d'identité, de vérité.
Au sein de ce récit, elle remonte le cours du temps à la recherche de témoins, plongeant son nez dans les archives, les lettres que son père n'a jamais lues. Elle parcourt des centaines de kilomètres pour trouver une réponse, ses réponses, leurs réponses.
A mesure qu'elle avance dans ses découvertes, Marie Barraud se crée des souvenirs avec ce grand-père qu'elle n'a pas connu. Elle le dessine en rêves, geste par geste, mot par mot. Si réels dans ce sommeil nourrissant.
Avec une infinie délicatesse, elle partage ce lien invisible qui la relie à lui. Avec un amour indéfectible, et une détermination sans pareil, elle reconstitue tous les épisodes de ce malheur familial, malgré la douleur, pour permettre aux siens de trouver la paix, de trouver la force de pardonner.

Plus qu'un roman, Nous, les passeurs, est un foudroyant témoignage de vie et d'Histoire. La plume de Marie Barraud se fait précise afin de ne rien laisser au hasard. Elle se fait douce également et vous serre le coeur, vous noue le gorge, vous arrache quelques larmes par l'histoire retranscrite d'une part mais aussi parce que ses mots transpirent de sincérité et d'un besoin viscéral de partage. Ce besoin nécessaire de devenir elle aussi "un passeur".
Ce n'est évidemment pas un livre que l'on lit pour le style, mais c'est un roman que l'on lit pour le symbole qu'il porte, pour son geste. Un geste d'amour porté à un père, à un grand-père, à une famille toute entière et bien au-delà même. Un geste d'amour pour ne jamais oublier l'homme, l'horreur, la vie.
Lien : https://livresselitteraire.b..
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Voici encore un livre écrit par une femme, Marie Barraud, sur l'histoire de sa famille et qualifié de « roman » par l »'éditeur. Roman familial, sans aucun doute puisqu'on y trouve la recherche des souvenirs d'un grand-père disparu, mais « roman » de fiction avec l'invention d'une trame, la création et la mise en scène de personnages, nullement. Je ne sais pas pourquoi il semble devenir inconvenant de qualifier de recherche (auto) biographique l'écriture de sa propre histoire et de celle de ses parents.

Il s'agit ici de Marie Barraud, comédienne, (c'est fou le nombre de comédiens qui écrivent!), qui part à la découverte du docteur Albert Barraud, son grand-père, illustre résistant à l'hôpital St André de Bordeaux et qui a laissé son nom à une avenue et des écoles dans cette ville.
Curieusement, son père et son oncle n'ont jamais voulu lui parler de lui. Une sorte de gêne flotte au-dessus de la conversation à chaque fois que la jeune Marie tente de faire parler son père au sujet du sien. Comme dans nombre de romans de ce type, c'est la lecture de documents anciens qui va permettre à Marie de faire la connaissance de cet homme idéaliste, qui plaçait son engagement de médecin au-dessus de ses propres sentiments de père et de mari.
En sa qualité de médecin, il est investi de l'organisation de l'hôpital St André à Bordeaux et y soigne des blessés de guerre, Français et Allemands, réservant une aile secrète aux maquisards et résistants dont il parvient à sauver la vie. Dénoncé, arrêté, il poursuivra sa mission au camp de Neuengamme situé sur l'Elbe, en Allemagne. Des scènes insoutenables sont racontées, souvenirs d'un ami d'Albert, l'un des quatre rescapés de ce camp sur des centaines de prisonniers...Et c'est le souffle coupé qu'on apprend par quelle ruse machiavélique les Allemands ont réussi à vider le camp avant l'arrivée des troupes de libération, faisant des centaines de morts aux toutes dernières heures de la guerre...Une horreur ! D'autant plus effroyable qu'elle était parfaitement inutile.
Jusqu'à la page 145, on est intéressés, émus mais on se dit qu'il s'agit là de l'un de ces multiples récits sur les camps, tous utiles mais dont on croyait avoir épuisé la nouveauté.
Et puis c'est le choc... Pour elle, pour son frère, pour nous lecteurs. Car enfin s'incarne ce grand-père qui de héros de L'Histoire devient chair de l'histoire de Marie et des siens. On n'est peut-être pas concerné é, parce qu'on n'a pas eu de déporté dans sa famille, mais on est totalement impliqué, bouleversé, parce que ce cheminement-là, c'est celui de tout être qui cherche qui il est, de quelles histoires il est la résultante. Et on aimerait connaître cette Isabelle qui a tenu la plume de Marie et lui a permis de rendre chair et vie à son grand-père et, ô combien plus essentiel ! d'aider son père à trouver sinon le bonheur du moins la paix.
.

Un livre-témoignage, un de plus pourrait-on penser, mais face aux idées fascisantes qui se refont un lit, face aux théories négationnistes qui couvent encore, aucun témoignage n'est inutile. Il faut même graver dans le marbre les souvenirs de ceux qui ont vécu l'horreur. Bientôt, il n'en restera plus un pour raconter.

On dit qu'il faut des centaines, des milliers d'années pour que la nature digère les déchets en plastique dont nous la polluons. de combien d'années, de générations, la guerre a-t-elle besoin pour qu'enfin s'effacent ses traces dans le coeur et l'esprit de ceux qu'elle a meurtris ? Combien encore pour que les hommes cessent de jouer à la guerre ?
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Je voudrais tout d'abord remercier les initiatrices des 68 Premières fois qui m'ont permis de lire ce livre, vers lequel je ne serais probablement jamais allée de mon propre chef. Je serais bien en peine d'expliquer pourquoi, mais la Seconde Guerre mondiale est une période que je n'arrive pas à associer à la littérature. Je serais alors passée à côté d'un texte précieux, d'une immense sensibilité.

La narratrice n'a jamais connu son grand-père paternel. Arrêté en avril 1944 pour faits de résistance, celui-ci fut aussitôt déporté à Neuengamme, d'où il ne reviendra jamais.
Dans la famille Barraud, le grand-père est une figure dont on ne parle guère. Qui était cet homme, qui a donné son nom à une rue de Bordeaux ? Quel souvenir en garde son fils cadet, âgé de huit ans lors de son arrestation ? C'est ce que voudrait savoir la jeune femme, qui sent combien son père est resté prisonnier du traumatisme qu'il a subi et qui de ce fait est incapable de lui en dire le moindre mot. Il a oublié. Et il ne veut surtout pas revenir sur cette douleur incommensurable qu'a provoquée l'absence. Il n'a jamais pardonné à Albert de l'avoir quitté.

D'où viennent ce sentiment d'abandon et la colère qui en résulte ? C'est ce que veut découvrir Marie. Elle décide donc de mener une enquête minutieuse pour restituer le portrait de ce grand-père sur lequel un voile a été posé. le témoignage de Roger Joly, qui fut son compagnon de captivité, sera déterminant. Grâce à cet homme qui estime avoir été sauvé par Albert Barraud, Marie va enfin voir se dessiner les traits et la personnalité exceptionnelle de son grand-père. Médecin, il avait fait de sa profession plus qu'une mission, un véritable sacerdoce. Aussi, à Neuengamme, lorsqu'il fut affecté à l'infirmerie, il s'employa à soulager ceux que les bourreaux estimaient bons à être soignés afin de continuer à exploiter leur faible force de travail. Mais surtout, il soutenait ses compagnons d'infortune de son optimisme et de son inaltérable foi en l'humanité. Jusqu'au dernier moment, lors de la débâcle des Allemands et alors que ses camarades l'encourageaient à fuir, il choisit de rester avec les plus faibles d'entre eux, se refusant à les abandonner à la mort, tentant au contraire de les ramener vers la lumière et la vie. C'est ainsi qu'il perdit la sienne, dans les toutes dernières heures de cette terrible guerre.

Ne croyez pas que je vous révèle l'essentiel de ce livre. Les atrocités qui furent perpétrées lors de ces années noires sont fort heureusement bien connues - encore qu'il ne faille jamais craindre de les rappeler encore et encore. Ce qui fait la force et la beauté de ce récit ce sont les mots que l'auteure emploie pour révéler les non-dits et mettre au jour les incompréhensions, les tensions et les rancoeurs apparues au sein de cette famille qui fut atomisée. C'est la manière dont elle parvient à ramener l'Absent au coeur de sa famille pour lui redonner toute sa place. C'est la façon qu'elle a de renouer par-delà la mort des uns ou des autres les liens qui s'étaient rompus. C'est la force qu'elle instille dans ses mots pour éteindre les maux.
On imagine l'intensité des sentiments qu'elle a dû connaître tout au long de ces mois de recherche, d'écoute et d'écriture. Une émotion qu'elle restitue avec un admirable talent et qu'elle partage avec une belle générosité pour continuer de délivrer le message d'amour et de fraternité légué par son grand-père.
Lien : https://delphine-olympe.blog..
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" Seuls ne meurent vraiment que ceux que l'on a oublié."

A la recherche du mal qui ronge sa famille, Marie Barraud entame en 2014 des recherches sur son grand-père Albert. Ce grand-père disparu en 1945 est un sujet tabou pour sa grand mère mais aussi pour son père et son oncle. Son père s'est construit dans le déni "il a étouffé l'image du héros paternel, source de son chagrin". Elle veut aussi comprendre la colère qui étouffe son père, comprendre pourquoi il en veut autant à son père de l'avoir "abandonné" en leur préférant ses malades. Elle regrette de ne pas avoir questionné sa grand mère aujourd'hui décédée, de ne pas avoir fouillé dans le grenier à la recherche d'indices... "Beaucoup de mots étaient enfermés dans les combles de cette vieille maison, attendant qu'une voix vienne les énoncer pour qu'enfin ils soient entendus."

Arrêté en avril 44 sur dénonciation, déporté en mai au camp de Neuengamme en Allemagne, Albert Barraud alors âgé de 37 ans était un chirurgien, résistant actif, chef de réseau. Pilou, le père de Marie, faisait alors ses premiers pas sous l'oeil attendri de sa mère et de son grand frère Max de cinq ans son aîné.
Marie Barraud retrouve rapidement Roger Joly, un compagnon de déportation de son grand-père, et recueille auprès de lui des informations essentielles sur ce qu'ils ont vécu ensemble. Elle se nourrit des mots de tous ceux qui ont croisé la route de son grand-père et a l'impression de le rencontrer physiquement et "construit les souvenirs d'une vie que le destin leur a dérobé. "
Elle va découvrir ainsi l'histoire de son grand père et nous brosser le portrait d'un médecin pour qui le serment prêté passait au-dessus de tout. Doté d'un optimisme à toute épreuve, d'une inépuisable réserve d'espoir, il a été membre d'une organisation qui pratiquait des opérations chirurgicales clandestines à l'hôpital Saint-André près de Bordeaux puis, nommé médecin chef de l'infirmerie du camp où il a été interné, il a continué à poursuivre son unique objectif : sauver des vies. C'était un médecin de l'impossible qui a réussi à résister aussi dans le camp, n'hésitant pas à prendre de nombreux risques pour ses malades. C'était un homme courageux et bon qui tentait de transmettre de l'espoir à chaque survivant.

A travers ce grand-père retrouvé Marie Barraud rend un vibrant hommage aux médecins qui pendant la guerre ont eu des choix terribles à faire et ont dû parfois privilégier l'efficacité. Elle nous livre quelques anecdotes toutes plus émouvantes les unes que les autres, du gruyère pour simuler une tuberculose sur une radio à l'opération d'un soldat belge devenu aveugle.

Mais cette recherche va aussi lui faire découvrir les failles de son père, elle ne l'aimera pas moins mais cela contribuera à désacraliser cet homme à qui elle voue un véritable culte, un héros qu'elle a mis sur un piédestal, à qui elle voue un amour absolu mais face à qui elle a des difficultés à s'affirmer par manque de confiance en elle. Cette recherche va contribuer à la libérer et à lui permettre de vivre sa propre vie.

"J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand-père et par ricochet celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui ne l'avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J'ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée."

J'ai trouvé ce récit autobiographique au coeur de l'intime bouleversant et marquant par sa sensibilité, sa délicatesse, sa pudeur et sa justesse. Marie Barraud parle à merveille du poids des non-dits, du poids du héros disparu pour ses fils.
J'ai été frappée par la capacité de l'auteure à faire revivre son grand-père et à analyser avec une grande sensibilité le mal-être de son père, le pourquoi de sa colère et le pourquoi des relations difficiles qu'il a entretenues avec son frère. En réconciliant son père avec Albert elle lui a fait, ainsi qu'au reste de leur famille, un magnifique cadeau.
Je suis certaine de ne pas oublier la magnifique image de Marie et de son frère, passeurs de l'âme de leur grand père.

Ce premier roman est pour moi, avec Marx et la poupée de Maryam Madjidi , non seulement un des meilleurs de la sélection des 68 mais également un des livres les plus touchants que j'ai lus ces derniers temps. Je souhaite à Marie Barraud tout le succès qu'elle mérite.



Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Autant vous le dire tout de suite, j'ai été bouleversée par la lecture de ce magnifique 1er roman.

Dès l'incipit, je suis happée :

Seuls ne meurent vraiment que ceux que l'on oublie.

Nous voilà au Château des Arts à Talence en Gironde. Là, le Docteur Albert Barraud et son épouse élevèrent leurs enfants, deux garçons, Max aujourd'hui kiné et le père de la narratrice, dentiste. Sur fond de 2ème guerre mondiale, une voix résonne au château "Maman, maman, papa a été arrêté !" Dès lors, la vie de la famille Barraud ne sera plus jamais la même. le Chef de famille deviendra Directeur du Service de Santé de l'Organisation Civile et Militaire (O.C.M.), il sera ensuite déporté en 1944 à Neuengamme et mourra au large de Lübeck à bord d'un navire, le Cap Arcona. L'histoire de cet homme sera cachée jusqu'à ce que la narratrice, Marie, la petite fille d'Albert Barraud, se mette en quête de l'itinéraire de son grand-père.

Ce roman m'a profondément touchée tout d'abord je crois, par l'initiative prise par une petite fille qui veut comprendre ce qui s'est passé, et à travers l'histoire de son grand-père, découvrir qui elle est, d'où elle vient. Elle savait ne pas pouvoir compter sur son propre père qui restait muet sur la génération d'avant, marquée à jamais par l'absence de cet homme, et qu'elle ne savait pouvoir affronter, un peu comme si le respect et l'amour qu'elle vouait à son père l'empêchaient de pouvoir échanger avec lui.

"Il est le seul adulte avec qui je ne sais pas être adulte. Je ne parviens pas à me défaire de cette parole sacrée et remets systématiquement en question mes opinions quand elles lui sont opposées." P. 22

Marie Barraud sait que sa vie dépend de ce passé dont le secret devient trop lourd à porter, elle mesure à quel point sa vie à elle s'inscrit dans les pas des deux hommes, son père et avant lui son grand-père :

"Notre vie peut prendre chaque jour la forme de nos folies, mais elle reste finalement, le prolongement des vies de ceux qui nous ont précédés." P. 74

Avec cette quête, Marie Barraud focalise sur les souvenirs et leur fragilité. Elle va rencontrer un survivant du camp de Neuengamme qui va l'aider à découvrir le rôle de son grand-père dans cette grande guerre. Elle va mesurer avec cette rencontre à quel point il est difficile d'assurer ce devoir. le fardeau de ceux qui ont vécu les événements et en sont revenus pourrait bien être aussi lourd à porter que celui de ne pas s'avoir et de s'évertuer à le découvrir.

"Il semblait s'être promie de ne jamais oublier. Rien. Pas le moindre détail. Au nom de tous ceux restés là-bas." P. 87

Mais plus encore, en cherchant à découvrir le passé de son grand-père, Marie Barraud va apprendre, un peu malgré elle, beaucoup de la vie des deux enfants, son père et son frère, les rivalités entretenues entre les 2 garçons pendant leur plus tendre enfance et qui ne manqueront pas de s'accroître avec les années. Elle va ainsi apprendre à cerner ce personnage qu'elle vénère tant aujourd'hui et à qui elle va dédier ce livre qui se trouve à la limite entre un roman et un récit de vie. Elle offre une profonde marque d'amour à ce père et espère pouvoir le libérer d'un poids dont lui-même n'a jamais voulu ou pu s'émanciper, rongé qu'il était par les regrets.

Enfin, grâce à cette initiative, la narratrice va aussi créer des ponts avec son propre frère, Benjamin, qui va lui aussi jouer un rôle aux côtés de Marie, une bien belle manière de donner du sens à ce que peut représenter une fratrie.

Les dernières pages sont d'une très grande émotion. D'ailleurs, en parlant d'émotions, je trouve que la plume de Marie Barraud sait décrire avec les mots justes les sentiments et cette incapacité de l'individu à pouvoir maîtriser leur expression :

"Mais la plus belle comme la plus sombre des émotions ne peut être saisie par des mains, même les plus courageuses." P. 124

Ce livre témoigne s'il en était encore nécessaire que le simple fait de pouvoir poser des mots sur ce que l'on ressent peut être un premier pas vers un mieux-être, une meilleure santé psychique.

"Parce que cette douleur n'a jamais été soulagée par des mots, elle s'est exprimée par des maux qui, sans ton intervention, auraient hanté encore ta descendance." P. 183

S'agissant d'un livre, nous pourrions bien parler là de bibliothérapie, non ?
Lien : http://tlivrestarts.over-blo..
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Ce n'est pas vraiment un roman puisqu'il s'agit du vécu de l'auteur.
C'est émouvant, captivant, poignant.
Marie, enfant, portait « un amour démesuré » à son père. Son « petit coeur éprouvait de grandes difficultés à contenir et à gérer un tel sentiment ».
« Il était mon tout.
Mon socle.
Ma maison.
Mon idéal . »
Aujourd'hui, elle perd encore son assurance face à son regard, mais elle veut enfin le questionner, savoir pourquoi personne ne parle jamais de son grand-père paternel. Blocus. « Il a fallu que j'attende d'avoir trente-cinq ans pour poser des questions, et c'est à trente-cinq ans que j'ai compris que le sujet était tabou. »
Elle veut atteindre la carapace de son père : « Toute une vie de non-dits que j'ai tenté de bousculer. »
Son enquête atteindra son but : « aider les vivants et libérer les morts. »
Que d'émotions, de chocs, de révélations bouleversantes pour récupérer la part manquante de son passé. Car on est la continuité de nos aïeux.
Au-delà de la quête personnelle, ce livre nous replonge dans l'enfer des camps.
On ne peut qu'en sortir bouleversé.
Je félicite Marie pour sa détermination et suis heureuse pour elle qu'elle soit libérée du poids des silences.
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C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai refermé “Nous, les passeurs”. D'une écriture simple et fluide, Marie Barraud nous retrace l'histoire des dernières années de la vie de son grand-père déporté pendant la seconde guerre mondiale, la vie et les manques et les fêlures de la famille suite à sa disparition tragique. Ce livre est un hymne d'amour pour son papa, pour sa famille et en quelque sorte un exutoire familial traduit par cette magnifique phrase “transmettre afin que nous puissions , mon frère et moi, être les passeurs de cette âme perdue”. Beaucoup de livres sortis récemment traitent de la seconde guerre mondiale, chacun sous un angle différent. Celui-ci m'a permis de connaître l'histoire de la fin du camp Neuengamme et des déportés qui y étaient détenus. Ce livre est fort très fort ! Merci les 68 premières fois pour cette découverte.
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« J'ai voulu raconter l'histoire de mon grand-père et, par ricochet, celle de ses deux fils. J'ai voulu dire ce qui ne l'avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J'ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c'est moi qu'ils ont libérée. » Roman qui raconte de façon magnifique le traumatisme qui perdure de génération en génération . Rythme parfaitement maîtrisé, mots justes.
Marie Barraud merci. Votre roman pour lequel j'avais un a priori en lisant le résumé m'a émue, emportée, et m'a amenée à reconsidérer quelques évènements autour de moi de façon positive.
Pour un premier roman !!!! BRAVO
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