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Dans « Des jours sans fin », Sebastian Barry nous racontait la vie de Thomas McNulty et John Cole, deux jeunes soldats plongés dans les batailles des guerres indiennes et de la guerre de sécession.
Winona, nièce d'un grand chef Sioux Lakota, est adoptée par la famille qu'ils se sont créées. Dans le premier tome c'est surtout leur combat et leur survie qui sont mis en avant.
Dans ce nouveau livre de Sebastian Barry « Des milliers de lunes », c'est Winona qui est au centre de l'histoire. Sa recherche d'identité, de place dans la société des blancs, surtout dans ce Tennessee qui est pris entre deux idéologies : l'Union avec l'abolition de l'esclavage et les Confédérés vaincus mais qui petit à petit se relèvent et veulent se venger des esclaves libres qui ont obtenu le droit de vote.
Les politiques vont et viennent et au bout de quelques années après la guerre de sécession, on voit émerger une nouvelle mouvance, les prémices du Ku Klux Klan, ces hommes qui se cachent sous des cagoules et se font leur propre guérilla vis à vis des anciens esclaves libres. Dans ce monde de violence, Winona, jeune indienne est considérée comme moins que rien, car issue de ce peuple que les colons ont massacré et enfermé sur des terres inhospitalières.
Elle n'arrive pas à trouver sa place malgré l'amour inconditionnel de son père d'adoption et de son compagnon. de plus ils sont très pauvres, soumis au aléas d'une région ravagée par la guerre. Des dissensions sont vives dans la population où les idéologies esclavagistes et non esclavagistes s'affrontent.
Winona a un caractère bien trempé et n'écoute que son courage et sa pugnacité pour aller de l'avant et se défendre des injustices qu'elle subit ou que ses proches qu'elle aime, subissent.
Alors que « Des jours sans fin » est un roman épique, qui traverse les turbulences des différentes guerres qui ont secoué la création des États-Unis, « Des milliers de lune » est beaucoup plus intimiste. Winona nous raconte l'amour de sa famille d'adoption tout en ayant des réminiscences de sa famille Lakota, avec sa mère qui était considérée comme une grande guerrière par son peuple. Elle est prise entre deux cultures. Celle des Blancs ne l'acceptant pas comme être à part entière.
J'ai beaucoup aimé ces deux romans, ce dernier nous apportant la vision de la petite indienne arrachée aux siens et qui doit faire son chemin dans ce nouveau monde que l'homme blanc à créer.
Bien que « Des milliers de lunes » puisse se lire indépendamment de « Des jours sans fin » j'ai pris grand plaisir à suivre les aventures de tous ces héros fort attachant et courageux d'une seule traite.
Merci à Babelio et aux éditions Joelle Losfeld pour cette avant-première qui sort le 19 août...



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Des milliers de lune est la suite Des jours sans fin publié en 2018.
Sébastian Barry retrouve son personnage de Winona Cole, jeune indienne lakota au lendemain de la guerre de Sécession. Elle vit à Paris, petite ville du Tennessee.
Bien qu'il s'agisse d'une histoire à part entière, Sebastian Barry revient en quelques occasions sur les traces de son précédent roman et cela pertube un tantinet la lecture quand on a pas lu le précédent roman Des jours sans fin.
Cela fait que la lecture du début du roman m'a paru un peu difficile. Difficulté à intégrer les personnages et leur passé. J'ai avancé dans le roman d'une cinquantaine de page et je suis reparti à zéro. La deuxième lecture s'est avéré immédiatement plus simple avec une meilleure compréhension.
Winona est une jeune indienne lakota, orpheline . Elle est originaire du Wyoming.
Au début du roman, elle vit dans une ferme dans le Tennessee , élevé par son père adoptif John Cole et son compagnon d'armes Thomas McNulty.
Tous les trois travaillent dans la ferme de Lige Magan avec l'aide de deux esclaves affranchis: Tennyson Bouguereau et sa soeur Rosalee.
La guerre de Sécession vient de prendre fin mais l'état du Tennessee reste déchiré. A la limite entre le Nord et le Sud, Nordistes et Sudistes sont toujours prompts à relancer la guerre civile.
Dans ce contexte, Winona, John Cole est consorts essayent de rester le plus possible à l'écart de toutes ces vicissitudes.
Malgré tout, Winona et Tennyson seront attaqués par des inconnus.
L'intérêt du roman de Sébastian Barry est qu'il interroge l'identité. Il faudrait dire les multiples identités.
Cette époque charnière de la fin de la guerre de Sécession est propice à cette réflexion multiple.
Identité indienne. Identité noire. Identité politique. Identité sexuelle.
Sébastian Barry à travers son récit, et à travers Winona, nous transmets un vibrant message de tolérance, de recherche de soi.
En ses années 1860, un indien ou une indienne n'estt rien. Un indien ou une indienne n'a pas d'âme.
Les esclaves noirs commencent à découvrir la liberté.
Les États Unis bafouillent leur démocratie et Lincoln installe difficilement l'abolition de l'esclavage.
Les amours homosexuels sont des tares.
Il faudra des milliers de lunes pour apaiser ses tensions. Ces milliers de lunes, siège de notre mémoire, de la transmission.
Le récit de Sébastian Barry est graphiquement scandé par la pleine lune, les croissants de lune et la nouvelle lune.
Cette graphie modèle le temps du roman et l'intègre dans la durée, que ce soit le passé, le présent ou le futur.
Le cycle de la lune est millénaire comme les âmes les traditions lakotas .
" Que le monde soit un lieu étrange et perdu n'était pas la question. Qu'il n'y ait aucun endroit sur terre sans danger, c'était la decouvrte de chaque instant. Que des âmes m'aiment et que des coeurs veillent sur moi était une évidente vérité " ( page 237 ) .
Merci à la Masse Critique privilégiée de Babelio et aux Éditions Joëlle Losfeld pour l'envoi de ce roman.
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Avant tout, je remercie Babelio, les éditions Gallimard et Joelle Losfeld Editions pour l'envoi de ce titre tout juste sorti en librairie et dont je parlerai dans le cadre de l'opération Masse Critique privilégiée.

Comme tant d'autres lecteurs, j'ai des périodes où mon intérêt se porte sur un sujet particulier et je lis dessus jusqu'à étancher ma curiosité. Ces temps-ci, je me suis donc intéressée aux indiens. Alors lorsque l'on m'a proposé de recevoir Des milliers de lunes pour en faire la critique, on peut dire que ça tombait à pic !

Il s'agit donc de la suite des aventures de Thomas McNulty et John Cole de Des jours sans fin (2016) mais centrée sur la vie et le point de vue de la jeune indienne orpheline adoptée par le couple, Winona.



N'ayant pas lu Des jours sans fin, je ne connaissais pas l'histoire initiale racontant les aventures de Thomas et John, qui m'ont semblé être deux héros à la Brokeback Mountain. Mais le livre étant présenté comme une histoire à part entière, je me suis dit que je pouvais me lancer sans que ça m'handicape. Mais quand bien même, je conseillerai aux lecteurs qui comme moi n'ont pas lu le premier tome, de lire au moins son résumé pour placer un tant soit peu les personnages dans leur contexte et celui du récit. Perso, je peux dire que ça m'a évité quelques instants de flottements...




Il y a plusieurs points intéressants dans ce roman. Tout d'abord, le point de vue d'une indienne Lakota dont la tribu a été décimée nous plonge dans une problématique particulière : celle de l'identité. Ayant perdu sa mère, sa soeur et sa tribu quand elle était très jeune, la jeune fille a tout perdu de son identité. Jusqu'à son propre nom, Ojinjintka, qu'elle évoque quelque fois dans ses pensées avec nostalgie et sa langue d'origine créant ainsi un fossé impossible à combler entre elle et les siens. le lien semble rompu et un retour parmi eux définitivement compromis. Ils ne se comprennent plus. Alors, que faire ?

Et bien, se créer une nouvelle identité et tenter de repartir de zéro avec sa nouvelle famille en tant que Winona Cole. Mais prendre un nouveau nom, apprendre à parler anglais, lire, écrire, compter et trouver un travail respectable n'est pas suffisant. Elle se retrouve désormais dans un monde où en tant qu'indienne et malgré tous ses efforts, elle est rejetée par une société américaine méfiante et raciste à laquelle elle essaie tant bien que mal de s'intégrer grâce à l'aide de sa famille adoptive. Mais celle-ci n'est pas d'une grande aide étant elle-même composée d'outsiders : Thomas et John, un couple gay élevant une enfant indienne et dont le premier se travestit en femme à certaines occasions ; Lige Magan fréquentant une esclave noire affranchie, Rosalee ; et son frère, Tennyson, lui aussi ancien esclave accusé d'homicide. La totale !

Quoi qu'elle fasse et quelles que soient les personnes qu'elle fréquente, Winona reste une outsider pour son ancien et son nouveau peuple. Ce sentiment de non-appartenance et de rejet la hante tout le long de l'intrigue. Dans sa façon de parler de ce qui l'entoure et de décrire les évènements, on a le sentiment qu'elle se sent totalement extérieure à ce monde, telle une spectatrice impuissante et candide.

Malgré le rejet dont est victime cette famille peu commune dès le début du récit, tout commence plutôt bien. Winona fait un rapide constat de ce qu'est devenue sa nouvelle vie et conclut qu'elle est assez heureuse auprès de ses deux pères et de leurs amis qu'elle adore, qui l'aiment et la protègent. Elle fait la rencontre d'un garçon, Jas Jonski, avec qui elle connait ses premiers émois allant jusqu'à des fiançailles. Mais tous ces petits bonheurs finissent irrémédiablement par être gâter par des évènements violents et subits. Je pense évidemment au viol de la jeune fille dont le traumatisme lui a fait oublié le visage de son agresseur et qui devient l'élément déclencheur de toutes les péripéties qui vont suivre, ou encore aux agressions à répétition dont est victime Tennyson en tant que noir affranchi et dont la dernière, la plus violente et laquelle, si elle a bien failli lui faire perdre la vie, lui a fait perdre l'usage de la parole pendant longtemps.


S'en suit alors une enquête sur l'agression de Winona : qui est le violeur ? En voulant rendre justice à leur petite, sa famille capture celui qu'elle pense être le coupable : Jas Jonski, pour le faire avouer. S'en suivront par la suite différents évènements : l'agression de Tennyson pour venger la capture d'un blanc, l'enquête des soldats de l'armée pour mettre au jour les coupables, la confrontation avec les renégats et pour finir, l'accusation de Winona pour le meurtre de Jonski... Pour ma part, j'ai trouvé que ça faisait beaucoup d'évènements racontés en si peu de pages. Tout se passe très vite et j'ai parfois eu du mal à m'y retrouver. Il me semble que l'intrigue autour du viol de Winona, et les agressions racistes étaient déjà bien suffisantes sans qu'on vienne y ajouter cette histoire avec les renégats.

(Le reste de ma critique sur mon blog )
Lien : https://tamtaminwonderland.w..
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Traduit de l'anglais (Irlande) Titre original : A thousand moons.

1874, Paris (Tennessee). La Guerre de Sécession est encore omniprésente dans les têtes, les habitudes, même dans les vêtements, pantalons à bandes jaunes, tuniques grises ou bleues.
Les Indiens et les Noirs n'ont aucuns droits. Non-citoyens, descendants d'esclaves, déplacés à merci ou exploités, ils sont le défouloir des Blancs du Sud, dont le Tennessee fait partie, État le plus au nord des États confédérés.

Là, vit dans une ferme tenue par deux homosexuels une toute jeune Indienne de la tribu des Lakotas, branche des Sioux. Winona est une petite fille heureuse entre sa « mère » et son père d'adoption, John Cole et Thomas McNulty, sous la protection du fermier Lige Magan aidés par les deux esclaves affranchis : la douce Rosalee et son frère, Tennyson Bouguereau.

Mais la vie est rude et les événements se succèdent : un viol, une agression sauvage et la vie bascule dans l'horreur pour Winona, qui va se déguiser en garçon pour obtenir réparation, et pour Tennyson, chanteur doué plongé dans le mutisme après qu'on lui a tailladé le visage à coups de serpette.

Un début d'amour entre Winona et le Blanc Jans Jonski est peut-être à l'origine du drame vécu par la jeune Indienne. Comment des Sudistes pourraient-ils accepter qu'un des leurs se fiance avec une Lakota, ces moins que rien venus de leur Wyoming ou Nebraska natals, dans les vastes plaines herbeuses du Nord des États-Unis ?

L'étroitesse d'esprit, l'ignorance, la haine, l'arrogance dominent les comportements des Américains du Sud. Même les Nordistes manquent le plus souvent d'ouverture d'esprit. On croise un colonel Purton au bec-de-lièvre, supposé mettre de l'ordre face aux renégats, ces « cavaliers de la nuit », criminels mais lui-même n'est pas un ange.

Il y a quelque chose du western dans ce livre, du roman moral sur la guerre de Sécession et l'esclavage, sur l'absence de place pour les homos dans l'Amérique du 19ème siècle. le thème revient d'ailleurs, concernant cette fois deux jeunes femmes indiennes, Winona la Lakota et Peg la Chicacha, donnant lieu à de beaux passages sur l'évidence du sentiment amoureux.

Il semblerait que je sois dans ma période amérindienne après avoir découvert les Lakotas dans Justice indienne de David Heska Weiden il y a quelques semaines (très bon livre également).

Merci à Babelio et son opération Masse critique privilégiée ainsi qu'aux Éditions Joëlle Losfeld pour cette belle découverte. Un seul regret : ne pas avoir connu (ni lu donc) le premier volume, « Des jours sans fin ».
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🌜 Des milliers de lunes - Sebastian Barry 🌛
Traduction : Laetitia Devaux @joellelosfeld

Quelques années après la guerre de sécession, Winona, une jeune orpheline lakota et ses pères d'adoption John Cole et Thomas McNulty tendre de joindre les deux bouts dans la ferme de Lige Magan avec l'aide de deux esclaves affranchis, Tennyson et Rosalee. Mais la fin de la guerre n'a pas signé la fin des hostilités et des rancoeurs. Dans ce Tennessee d'après guerre des groupes de rebelles confédérés sévissent, n'hésitant pas à s'en prendre aux anciens esclaves et aux indiens. Winona et Tennyson vont chacun être victime de violentes agressions qui vont pousser le Colonel Purke, le chef de la milice, à prendre les armes contre les rebelles, ce qui ne restera pas sans conséquence.

Merci à Babelio et à Joëlle Losfeld Éditions pour cette masse critique privilège.
Ce roman reprend les personnages du livre "Des jours sans fin" et si effectivement cette suite peut se lire indépendamment, je pense tout de même qu'avoir lu le premier doit être un plus (ce n'est pas mon cas) pour mieux appréhender la relation entre les personnages, car on sent le poids d'un passé commun entre Winona et ses pères d'adoption.
Dans ce roman c'est Winona la narratrice, tout se passe donc de son point de vue. Comme souvent, l'emploi de la première personne permet de s'impliquer directement dans l'histoire et la rend plus tangible. Winona a une façon de raconter à la fois simple, distante et sage. On ressent énormément de frustration durant cette lecture face à l'impuissance de Winona qui étant indienne n'est pas considérée comme une personne, face à sa perte de mémoire (on voudrait être sur de ce qu'il s'est passé) et face à l'injustice de cette époque. J'ai eu un peu de mal à m'attacher aux personnages par contre, peut-être parce que je sentais qu'il me manquait une part de leur histoire.
Ce roman est une histoire d'amour et de haine, d'injustice et d'identité dans une Amérique toujours marquée par la guerre civile.
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Elle, c'est Winona. Vous la connaissez peut-être déjà si vous avez lu Des jours sans fin. En ce qui me concerne, c'est la première fois que je croise son chemin. Sa voix est tout empreinte des âmes indiennes qui flottent au plus profond de son être. Elle associe les évènements qu'elle nous confie à de jolies manifestations de la nature : des années qui défilent comme des chevaux galopant dans des prairies infinies, des larmes qui tombent comme une pluie de printemps ou un sourire à l'image d'un soleil qui ne se couche pas.
Elle sait que toutes celles qui l'entouraient, sa mère, sa soeur, ses tantes et ses cousines ont été massacrées alors qu'elle avait six ou sept ans. Les hommes aussi. Mais de cette atrocité elle ne veut se souvenir.
Secourue dans son enfance par John Cole et son compagnon Thomas McNulty, elle vit avec eux à la ferme de Lige Magan qui les emploie aux côtés de Tennyson et de Rosalee, sa soeur, esclaves affranchis après la guerre de Sécession. Ensemble, aidés par les mulets qui hersent la terre, ils cultivent le tabac. Maintenant, c'est-à-dire une petite dizaine d'années après ce conflit, elle dit avoir sûrement dix-sept ans, ou un peu moins, qui peut fixer le jour de sa naissance ? Personne. Ce qui est sûr, c'est qu'elle est née par une nuit de lune du cerf.
Assez loin de la ville de Paris, dans le Tennessee, Winona tente de vivre le plus discrètement possible. Être indienne lui ôte tous les droits, si ce n'est celui d'être battue, humiliée, piétinée sans que quiconque n'y trouve à redire. de justice il n'en est guère, elle est là pour les Blancs, très rarement pour les Noirs et légalement inexistante pour les Indiens. Frapper ou tuer un Indien n'est pas un crime alors lorsqu'une agression profane le corps de Winona, elle se défend de se souvenir, une fois de plus, de cet acte abominable. Ne pas se souvenir, c'est peut-être faire preuve de courage pour continuer à vivre. C'est aussi éviter que ceux qui tiennent à elle la vengent, en lieu et place d'application d'une loi qui n'est pas destinée à cette non-citoyenne. Donc un fléchissement de la mémoire indispensable. Emplir plutôt sa tête de moments heureux, savourer tous les gestes de Thomas et John pour son bien-être et sa protection, se sentir une personne aimée.
Dans ce comté du Tennessee, la succession des gouverneurs et leurs tendances plus ou moins racistes fait tanguer l'équilibre bien fragile obtenu pour les Noirs qui sont encore des proies pour les rebelles ne digérant toujours pas le fait d'avoir perdu leurs esclaves. Lorsque Tennyson est à son tour victime d'un lynchage, Winona s'arme de sa petite force pour agir seule et quêter elle-même une justice pour ces deux agressions « Et faire ça non par folie aveugle, mais parce que ma mère m'avait appris à chasser la peur et à avoir un courage de mille lunes. »

Cette ambiance de Western dans lequel Winona se déplace avec un poignard et un mini revolver à crosse de nacre, a ses fermiers, son chérif, son avocat, son forgeron.C'est le décor qui va servir à montrer l'opposition entre le microcosme de la ferme de Lige et l'absurdité des préjugés, des certitudes, du racisme. On y verra s'opposer l'amour à la haine, la gentillesse à la méchanceté.
Sebastian Barry campe admirablement les lieux, à commencer par la ferme de Lige Magan perçue comme un refuge abritant la vulnérabilité de ce petit groupe. Blancs, Noirs et Indiens sont ici des individus qui représentent quelque chose et qui devraient entrer dans les rouages du mot justice pour être défendus. Ici, il n'y a que des êtres humains respectés pour ce qu'ils sont :
- Rosalee, l'ancienne esclave, la mère nourricière, sa précieuse douceur qui se penche sur le corps meurtri de Winona puis sur celui de son frère quelques temps après.
- Tennyson, ses vieilles chansons qui illuminent les soirées de la maisonnée puis s'éteignent avec sa voix après son agression.
- Thomas McNulty qui sort parfois sa robe et se lance dans une danse effrénée.
- Winona qui apporte sa fraîcheur, sa jeunesse, son travail. Elle se souvient de la valeur des siens si grande dans la communauté indienne et moins que poussière pour ce peuple blanc. C'est ainsi que pour John et Thomas, elle est un trésor alors que pour la ville elle n'est Rien. Près d'elle, c'est la richesse « des hommes bons comme des femmes. »

Deux agressions vont-elles réduire à néant cet équilibre ? L'amour et le respect entre ces personnages vont-ils leur survivre lorsque le besoin de vengeance ou de justice (la frontière est si ténue) rôde tout autour de la ferme ?

Les dialogues m'ont un peu étonnée car tous les personnages, et ce sans exception, avalent plus ou moins les mots, un fait retranscrit par de nombreuses apostrophes. Cela donne une connotation rurale qui s'oppose à la richesse de la narration. Toutefois, j'ai vraiment apprécié ce roman qui est un plaidoyer pour la tolérance et le respect de chacun, un cri de justice pour chaque être humain. Je lirais bien les débuts de Winona dans Des jours sans fin pour retrouver ce dépaysement d'une terre lointaine pleine d'inégalités et ces personnages attachants qui s'efforcent d'y vivre malgré l'hostilité de leurs voisins et de lois si défavorables face à leur couleur ou leur provenance.
Merci aux Editions Joëlle Losfeld et à Babelio pour cette belle découverte.
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Répercutions de la toute fraîchement achevée guerre de Sécession du côté du Tennessee où beaucoup ont encore la défaite coincée en travers de la gorge et le remède au bout du fusil. C'est dans cette région échauffée où la loi et l'ordre sont des concepts chimériques qu'on retrouve John Cole et Thomas McNulty, héros et, pour ce dernier, narrateur des Jours sans Fin.
Ayant pris un peu de bouteille mais toujours aussi amoureux, ces deux-là vivent maintenant, en compagnie de deux esclaves affranchis, dans la ferme d'un compagnon-soldat de fortune du temps où, sous l'uniforme yankee, ils avaient fait la guerre aux rebs, aux bandits de grands chemins et aux Indiens, récupérant dans la foulée la petite Ojanjintka, jeune Lakota de son état, que leur troupe venait de rendre orpheline après un massacre aussi sanglant que révoltant de gratuité.
Ojanjintka renommée Winona Cole et fille adoptive de ce couple atypique prend les commandes de ces Milliers de Lunes pour faire entendre sa voix, son traumatisme et ses souvenirs qui peinent souvent à faire surface au milieu des rudes conditions d'une exploitation de tabac dans une contrée où le racisme et les préjugés relèguent les Indiens si bas dans l'échelle humaine qu'ils n'y apparaissent même plus.
On peut leur faire tout ce qu'on veut à ces peaux-rouges et Winona va en faire les frais, battue et violée sans que personne ne s'en émeuve et n'ait encore moins l'idée d'en appeler à la justice de toute façon inexistante pour certaines ethnies.
Alors quand sa famille adoptive décide d'essayer de la venger, elle ignore encore qu'elle va déchaîner contre elle l'enfer de l'imbécilité ségrégationniste.

D'une écriture toujours élégante, Sebastian Barry nous livre une suite Des Jours sans Fin dans la même veine brutalement poétique. Ne nous épargnant rien des injustices et méfaits commis sur les « sauvages » au nom de la race blanche, Barry met une fois de plus son lyrisme au service de la cruauté et de la bêtise humaines qu'il entend bien dénoncer à travers l'attachante Winona car, qu'importe l'époque à laquelle son roman se situe, si certaines choses ont évolué juridiquement parlant, les mentalités racistes et patriarcales, elles, se gardent bien souvent de suivre le mouvement.
Malgré tout moins ambitieux et accrocheur que le premier opus, pas question pour autant de bouder Des Milliers de Lunes et si Sebastian Barry s'attèle par hasard à jouer les prolongations avec un troisième tome, j'en serai avec enthousiasme.
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