J'ai mis beaucoup de temps pour écrire la chronique de ce livre qui m'a bouleversée. Végétarienne depuis cinq ans je savais à quoi m'attendre mais on est jamais préparé aux chiffres, aux conditions d'existence de ces millions d'animaux tués chaque année.
C'est la première fois que je lis un texte contre l'exploitation animale qui n'est pas un documentaire mais un roman : la forme m'a surprise au départ mais j'ai été complètement happé par cette histoire.
Évidemment j'aurais aimé que le héros prêche pour sa paroisse mais son rôle est parfaitement tenu et l'absence de jugement est sûrement plus intelligible par le plus grand nombre (omnivores).
Suite à une plainte dans un élevage de poulets à Hautes Fagnes, une région de Belgique, Sully est l'inspecteur vétérinaire chargé de contrôler l'état sanitaire du lieu et les conditions de vie des animaux encore en vie.
L'agent arrive en pleine tempête de neige ce qui brouille les communications, l'accès aux routes ainsi que les esprits de cette bourgade peu habituée à l'arrivée d'étrangers. Sully rencontre les habitants, tente d'en savoir plus, s'attache à Molly la serveuse du diner où il prend ses habitudes et commence à mener son enquête.
Sully nous entraîne dans ses réflexions, on est plongé dans son passé, son éducation d'abord, son végétarisme voulu par une prise de conscience de la condition animale. Sa volonté de rendre justice aux animaux dits d'élevage qui sont nés pour être massacrés.
C'est une enquête au coeur du froid, de la misère et de la précarité, des non-dits et de l'ignorance face à la souffrance d'animaux qui ne sont finalement considérés que comme marchandises.
On ressent l'état d'urgence et d'angoisse du personnage principal qui pèse ses mots, les situations en boucle dans sa tête, donnant au lecteur des pistes de réflexion diverses.
C'est un roman qui ne peut laisser insensible, les messages sont très clairs et avec une immense fluidité teintée d'humour (souvent noir) les comptes sont réglés avec le consommateur qui préfère ne pas savoir, l'État qui ferme les yeux pour satisfaire des lobbys toujours plus puissants, les chaînes de production qui vont à l'encontre de tout ce qu'on peut imaginer.
Il y a de la douceur dans l'examen alarmant que dresse
Gil Bartholeyns mais il ne faut pas se voiler la face, tout ce qui doit être dit est écrit dans ce roman : rien n'est illégal dans les pratiques industrielles, la loi les protège en évoquant le bien-être animal et si les consommateurs boycottaient ce type d'alimentation il n'y aurait plus à plaindre les animaux car ils seraient libres de vivre et non esclaves des goûts et des modes de consommation.