Citations sur Le livre de Yaak : Chronique du Montana (129)
En écrivant ceci, je tremble. Je tremble parce que c’est l’hiver dans la cabane où j’écris, ce nid à rats sans fenêtre et sans chauffage.
Je tremble parce que je m’apprête à révéler, sans pudeur et sans rien dissimuler, les chers secrets de ma vallée, les lieux et les choses que je connais, qui m’ont été confiés par elle – la vallée du Yaak.
(Incipit)
Les rythmes sanguins de la terre qui persistent dans nos veines, comme ceux des mers et des océans d'autrefois, affirment, face aux forces instables qui opèrent à notre détriment, qu'ils nous faut nous reconnecter à des rythmes stables et naturels.
La fraîcheur de l'air, l'odeur des montagnes. Le cri d'un geai de Steller -- un éclair bleu vif, un éclair de soleil et le chant de la rivière. Le bruit de tambour d'un grand pic qui s'attaque à un tronc tordu et pourrissant.
Oh, ces montagnes!
Il y a, dans cette vallée, un certain désir d'endurance, une volonté de tenir coûte que coûte, même confronté à des temps difficiles, des neiges épaisses ou toute autre chose.
Il nous faut la force des lys, des fougères, des mousses et des éphémères. Il nous faut la virilité des lacs et des rivières, la féminité des pierres, la sagesse du calme sinon du silence.
Plus tard, à l’heure du diner, nous réclameront à nos invités quelques lettres pour sauver cet endroit sauvage. Nous leur dirons combien, depuis tant d’années, pas un seul hectare de cette terre vierge n’a été placé sous protection. Comment les compagnies forestières internationales font ce qu’elles veulent de ces lieux tombés dans l’oubli, Nous leur dirons qu’il est temps de blâmer les représentants du Montana. Tim évoquera longuement la Kootenai et le barrage de Libby. La pétition circulera, et nous compterons quatre épistoliers de plus avant même de passer au dessert – s’ils en veulent encore. Marché conclu : notre armée, notre minuscule bataillon, compte quatre nouveaux membres.
Cette guerre incessante contre la nature – tout ce qu’on lui prend, quand il faudrait lui restituer après un siècle de pillage -, tout cela me remue l’âme comme une terre est parfois remuée par les bulldozers.
A mesure que l'ordre et la logique fuient nos sociétés, je suis convaincu que l'art et la nature peuvent seuls remédier au déséquilibre troublant, au malaise de ce monde, que nous éprouvons dans chacun de nos nerfs et de nos sens sans pouvoir le nommer.
Un grand roman peut se répercuter dans l’avenir, trente, cinquante ou même cent ans plus tard, il peut changer l’histoire, quand un article ou un éditorial a une durée de vie de deux ou trois semaines.
Je ne sais trop quand j'ai compris que ces gens -les compagnies forestières- voulaient tout prendre: sinon tout de suite, du moins en se ménageant un accès permanent à l'ensemble des forêts. Comme l'affirmait un slogan affiché sur certains pare-chocs: UNE TERRE SAUVAGE EST UNE TERRE INUTILE.