— En ce qui concerne l’opération, disait-il, sachez que l’Arabie Saoudite produit environ 500 millions de tonnes de pétrole par an et en exporte 94 %. Le pays a 8 millions d’habitants, laissant des bénéfices considérables à chacun d’eux. Bénéfices d’autant plus considérables que cette richesse est concentrée sur un petit nombre de personnes. Un cigare ?
— Non, merci.
— Votre mission sera simple : le prince Khalid Alaad est actuellement à Cannes pour placer une partie des fonds de l’Arabie Saoudite. Occupez-vous-en. Nous sommes, bien sûr, déjà entrés en contact avec lui. Cet argent serait très intéressant pour notre banque. Encore un chiffre, Bouchy. L’année dernière, le pétrole a rapporté 120 milliards de dollars à l’Arabie Saoudite. Il serait normal qu’une fraction de cet argent revienne dans nos caisses. Hélas, nous ne sommes pas les seuls sur l’affaire !
Dorothée buvait un citron pressé à la terrasse du café de Paris. Son short mettait en valeur ses longues jambes bronzées. Elle étudiait la sociologie dans une faculté de Paris, avait peu d’argent, ignorait où elle passerait la nuit, ne se posait pas la question, s’en fichait, et le prince Khalid Alaad était maintenant près d’elle.
Elle prit une cigarette ; il tendit un briquet en or avec quelque chose qui ressemblait bien à un diamant incrusté dans le métal.
— Gardez-le, dit-il.
— Asseyez-vous, dit-elle.
Robert sortit de la Rolls et essuya avec une peau de chamois la glace au chocolat qu’un estivant venait d’écraser près de la victoire de Samothrace.
— Je n’ai pas le temps de m’asseoir, dit Kahlid. Je dois être dans une heure à Cannes. Venez, ma voiture est à côté.
Dorothée se leva, le prince paya, vit les jambes bronzées de la jeune femme.
Rodolphe épiait Jacques dans le miroir qui se trouvait au-dessus du lit. Il avait les cheveux longs, sales, une veste en jean, ne s’était pas rasé depuis plusieurs jours et était directement passé de l’extrême gauche à l’extrême droite sans changer de look.
Alain, professeur de français-latin dans un lycée de Nice, parlait de nationalisme.
— Tu as bientôt fini de nous emmerder ! dit Jacques.
Rodolphe pensait aussi qu’Alain était trop intellectuel. Jacques lui plaisait vraiment beaucoup. Dommage qu’il soit si sale.
— Quand est-ce qu’on cogne ? demanda Jacques.
Rodolphe supposa qu’il plaisantait. Surtout pas la violence pour la violence. Mais la violence au service d’un objectif précis : épuration, harmonie.
— ... Pour sauvegarder l’intégrité de la nation... disait Alain.
Jacques frappa du poing contre le mur et le miroir oscilla.
L’avion atterrit à l’aéroport Nice-Côte d’Azur et l’hôtesse indiqua que la température extérieure était de 35° ; ce qui n’était pas une information exagérée, constata Jon en descendant de la passerelle, lorsque la chaleur moite s’abattit sur lui.
Il enleva sa veste, mit des lunettes de soleil et entra dans l’agence de location.
— Bonjour, dit-il à une jeune femme séduisante, figée sans enthousiasme derrière un bureau design ; je m’appelle Jonathan Ferry.
Elle consulta un fichier.
— Vous désirez louer une Porsche 911 Carrera cabriolet.
— Oui.
Un peu après, il lui dit :
— Je vais à Cannes, vous terminez votre travail à quelle heure ?
Elle l’observa avec une expression amusée.
— Excusez-moi pour la banalité de la phrase, mais je ne trouve momentanément rien de plus original.
— Salut, l’Arabe !
Le prince Alaad vit un jeune homme aux cheveux longs qui s’était arrêté devant lui.
— Salut, beau prince ! dit Jacques.
— Que voulez-vous ?
Khalid était parfaitement calme. Généralement, il était accompagné de deux gardes du corps qui assuraient sa protection. Protection qu’il jugeait inutile par rapport à certaines formes d’attentat.
Jacques sortit un coup-de-poing américain de sa poche.
Rodolphe fit un pas en avant.
Jacques cracha sur l’étoffe blanche.
Rodolphe fit un pas en arrière.
— Frappe-le ! hurla Alain. Frappe ce salaud !
Il y eut un bruit. Jacques regarda derrière le prince et vit Jon.
— Frappe-le !
Mais Khalid frappa le premier, son poing atteignit Jacques sous le menton.
Rodolphe fit un deuxième pas en arrière.