Ce bref récit a été publié pour la première fois en 1936 sous un pseudonyme. C'était la première oeuvre, de jeunesse, d'
Henri Bauchau. Quelques mois avant sa mort en 2012, Actes sud l'a republié. A cette occasion, Bauchau préface le texte, qui évoque ses premiers émois amoureux. Il avait onze ans, elle sept...Il fut marqué à jamais par le souvenir de ce temps de l'innocence, où les sentiments naissants sont un peu honteux, les adultes ne doivent surtout rien remarquer !
Dans ce récit à la première personne, Billy (alias Bauchau) au cours d'une belle journée d'été, vient jouer avec ses cousins dans une grande maison familiale. Il y rencontre la petite Inngué. Ces deux-là deviennent vite très complices, se coursent et jouent, s'échappent, se cachent, s'aventurent en balade. Mais le temps passe, il faut se séparer...Billy reverra quelques fois Inngué, ou peut-être est-ce en rêve, rêve éveillé, sieste, sommeil, on ne sait plus très bien, mais toujours Bauchau nous met des images dans la tête...Des images d'enfants qui jouent dans l'herbe fraîche d'un jardin semi-ombragé, de petites robes blanches et légères qui virevoltent au gré des courses, des joues qui rosissent sous l'effort de la course, des jeux de balançoires, des rires et peut-être même de petits bisous mi-ami, mi-amoureux. Partout, le soleil est présent, tantôt filtré par les feuilles des arbres qui s'agitent dans l'air sain de la campagne, tantôt plus franc, mais doux, juste pour clore vos yeux et entamer ce voyage vers le rêve et l'inconscient...
C'est une histoire toute simple, une histoire qui n'en est pas vraiment une, sans fin, que Bauchau nous fait vivre. Une expérience, plutôt. Une expérience du rêve, de la sensualité innocente, de l'abandon à l'instant présent, à la nature. Une expérience universelle, celle de notre premier secret d'amour timide, qui nous enchante et nous fait, déjà, souffrir, pour un temps seulement, lorsque très vite et contre toute attente, on comprend que l'amour est un éternel recommencement. Bauchau sonde avec une intuition confondante la psychologie de l'enfance, les premiers apprentissages de la vie, avec ces emballements spontanés, ces espoirs illusoires, ces hontes sous le regard moqueur des autres, ces sentiments de solitude et d'abandon, comme si l'on était mal-aimé de tous...
La langue, l'écriture est magnifique, à la fois simple et distinguée, élégante.
Bauchau désormais dans ses ultimes jours, revisite ses souvenirs, nous confiant dans sa préface que cette rencontre aux allures d'amour impossible, en raison de l'âge et des familles devant s'éloigner, l'a marqué durant des années. Il apprendra plus tard que la belle Inngué s'est mariée, mais est décédée jeune dans un accident de la route.