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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un récit de presque rien… une histoire de jardins qu'on soigne et qu'on arrose…

Ce livre est à l'image de sa couverture. D'un bel et élégant vert tendre. Vert comme la nature qui sertit les pensées de l'auteur. Vert comme l'espoir malgré la maladie. Vert comme le ciel en fin d'après-midi avant la tombée du soir et son dégradé de rose virant au rouge. Vert comme la vie qui vient. Et Tendre, très tendre, comme la bienveillance et la pudeur qui remplissent ces pages. Sans oublier ce dessin, celle d'un oiseau, d'un roitelet. Cet oiseau délicat dont le dessus de la tête est éclaboussé d'une tache jaune un peu comme le frère de l'auteur dont il est question dans le livre, avec « ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés ».

« Oui, c'est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l'or et la lumière de l'esprit s'échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire ».

Nous avons l'impression qu'il chute cet oiseau. Et pour cause. le frère souffre de schizophrénie depuis l'adolescence. Cette maladie est centrale dans ces pages mais non pas pour en fournir un examen clinique mais juste pour raconter la vie comme elle est, pour noter des pensées journalières sur la façon dont la vie s'adapte, accepte, accueille, aime ce frère singulier. Pour montrer que la poésie jaillit précisément de la relation avec l'autre lorsqu'il est différent. Pour noter et garder précisément les souvenirs d'enfance de cette fratrie.

« le mot schizophrénie, formé à partir du grec skhizein (fendre) et phrên (esprit), ne pourrait mieux illustrer le coup de hache qui un jour a fait voler en éclats l'existence de mon frère, et ouvert en lui une brèche impossible à refermer. Je tente comme je peux de me glisser avec lui dans cette ouverture, mais n'y parviens jamais qu'à moitié : les épaisses ténèbres que j'y rencontre m'empêchent de me mouvoir librement, et me forcent à rebrousser chemin. »

Jean-François Beauchemin mène une vie paisible à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon. Pour cet écrivain parvenu à l'aube de la vieillesse, l'essentiel n'est plus tant dans ses actions que dans sa façon d'habiter le Monde, de parcourir amoureusement la nature en étant attentif au moindre bruit, aux odeurs, aux couleurs, d'entrer en relation avec ses animaux, ses voisins et ses proches. Il ressent profondément la nécessité de l'amour et de la bienveillance alors qu'il s'allège du superflu au fur et à mesure des années qui passent. La relation étroite avec ce frère dont il s'occupe très souvent est marquée à la fois du sceau de l'inquiétude mais aussi de la tendresse et de l'amour. Ce récit est à la fois d'une grande pudeur mais également d'une véritable franchise. L'empathie remarquable de l'écrivain permet au récit d'atteindre une sagesse et une réflexion philosophique, le tout magnifié par une poésie naturaliste très touchante.

« Certains soirs, après sa journée de travail à la pépinière, lorsqu'il préfère l'ombre fraîche de notre jardin à l'austère désordre de son appartement, nous nous asseyons sur le petit banc et observons ensemble le ciel lentement pivoter. Et je sens se réinstaller entre nous une secrète connivence, le sentiment tragique de la déchirante douceur du monde ».

J'ai particulièrement aimé ces passages où l'auteur retranscrit les sensations du frère qui permettent de mieux comprendre comment quelqu'un souffrant de schizophrénie appréhende le monde. La façon dont il aborde la littérature, notamment les recueils de poésie qui ont le don de l'apaiser- en particulier « Seuls demeurent » de René Char, l'un des objets « les plus émouvants à avoir été engendrés par la sensibilité humaine » - et de lui apporter cette proximité humaine qu'il ne trouve pas dans sa vie.

« Je pense que la plupart de mes souvenirs sont comme des lettres cachetées dont le timbre aurait été retirée à la vapeur ».

Pourquoi, cependant, ce livre n'a-t-il pas été un coup de coeur pour autant ? Peut-être ai-je éprouvé une petite pointe de gêne, mais à de rares moments il faut le souligner. Si j'ai tout aimé dans ce récit, exception est faite lorsque l'auteur rapporte certaines paroles de son frère dans lequel ce dernier exprime son amour et son admiration pour le narrateur. le récit est certes empreint de pudeur et l'auteur ne vole pas la vedette à son frère, mais il y a un petit quelque chose qui me met toujours à distance lorsque l'autofiction se raconte avec tant de beauté. J'ai préféré, de loin, les passages, heureusement les plus nombreux, où l'écrivain est dans la connivence, dans l'action, dans les silences, dans la contemplation. Il est toujours délicat de rapporter ainsi les propos des autres lorsque nous écrivons sur soi je trouve, est-il nécessaire de le faire lorsque les actes de la personne qui se raconte disent déjà tout de lui ?
« Tu n'es pas toujours à la hauteur, mais tu es doté d'une grande force intérieure. Moi je suis faible et vulnérable. Mais je me sens aimé par toi, parce que tu ne te sers pas de ma faiblesse pour affirmer cette force ».

Mis à part cette gêne toute personnelle, le récit est un très beau récit sur un thème peu évoqué, celui de la schizophrénie. Il permet de porter un regard différent et de réaliser qu'il faut parfois regarder dans la même direction que l'autre pour tenter de le comprendre et d'être en phase avec lui. Il montre à quel point la littérature permet d'habiter le monde autrement, voire d'être salvatrice. Et surtout il fait l'éloge de la simplicité, de la vie dans sa plus simple expression, malgré la maladie, grâce à la maladie même, et ça, c'est renversant de beauté :

« Parfois, rien n'arrive et c'est un enchantement. S'endormir sur le sofa avec une oreille de chien sur la joue. Ne rien dire, écouter les gens parler de leur vie, se souvenir, expliquer, retracer en eux-mêmes le trajet qui les a menés où ils sont. S'arrêter, sentir passer en soi l'ombre de quelques regrets, puis continuer à marcher dans le sentier. le soir très tard, attendre sous le porche le retour du chat en observant la lune. Refaire pour la centième fois l'inventaire de tous ces objets immatériels auxquels je me cogne chaque jour. Repenser à mon père qui chante dans son vieux complet démodé, à tous ces gens debout à ses côtés dans l'au-delà et qui tiennent leur coeur dans les mains. S'arrêter chez mon frère pour lui remettre dans un plat de céramique un repas préparé par Livia. Passer une heure en compagnie des vaches laitières de monsieur et madame Vermeulen, et ensuite rentrer à la maison, la même depuis vingt ans, y retrouver les êtres et les choses qui permettent de faire chaque jour le nécessaire pour que l'âge ne soit qu'un obstacle mineur ».

Voilà. Tout est dit. C'est juste beau. Et que ça fait du bien !

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« Même quand l'oiseau marche
il sent qu'il a des ailes. »
Antoine-Marin Lemierre, Oeuvres

De Jean-François Beauchemin, je connaissais « le jour des corneilles » dont je garde en mémoire l'univers sauvage et mystérieux, sinistre et dérangeant, brutal et déroutant.
Lorsque j'ai vu la magnifique couverture représentant un petit roitelet sous fond vert, et lu le très beau billet de Michel (@Michel69004), il était évident que « le roitelet » ferait partie de mes prochaines lectures.

Ce qui est particulièrement troublant, c'est l'atmosphère qui oppose ces deux romans. Si « le jour des corneilles » m'a plongée dans une atmosphère où la fascination se mélangeait à un sentiment d'oppression et de malaise, ce roman-ci m'a profondément touchée.
À travers l'histoire de deux frères orphelins depuis quelques années, Jean-François Beauchemin explore les thèmes de l'âme humaine, de la folie, de la schizophrénie, de l'identité, de la différence. Malgré les drames, la peur, la solitude, il se dégage beaucoup de douceur, de sensibilité, d'humour, d'attention, de compréhension dans ce petit récit. L'auteur véhicule de magnifiques valeurs de partage, de générosité et d'acceptation.

« le mot schizophrénie, formé à partir du grec skhizein (fendre) et phrên (esprit), ne pourrait mieux illustrer le coup de hache qui un jour a fait voler en éclats l'existence de mon frère, et ouvert en lui une brèche impossible à refermer. Je tente comme je peux de me glisser avec lui dans cette ouverture, mais n'y parviens jamais qu'à moitié : les épaisses ténèbres que j'y rencontre m'empêchent de me mouvoir librement, et me forcent à rebrousser chemin. »

*
Je vais commencer tout d'abord par les mots de l'auteur écrits dans le dernier chapitre :

« … il n'y a presque rien dans ce livre que j'ai terminé d'écrire il y a trois jours, juste une histoire au fond très simple de jardins qu'on soigne et qu'on arrose, de saisons qui passent et de gens quelquefois malheureux, c'est vrai, mais en paix relative avec leurs regrets, sans peur exagérée de l'avenir, et qui s'étonnent ensemble de la brièveté de leur existence. Et puis, entremêlée à celle de ces gens ordinaires, l'histoire aussi d'un homme à la tête pleine d'ombres et de secrets, mais au sommet de laquelle filtre un mince rai de lumière, un roitelet, qui plus douloureusement que les autres se trouble des transformations qui s'opèrent en lui. »

C'est vrai, il n'y a presque rien dans ce livre, c'est une histoire banale, celle de ces deux frères, l'un écrivain, l'autre souffrant de troubles psychiques. Mais dès les premières lignes du roman, j'ai été séduite par la beauté poétique du texte, par les émotions qui en émanent. Ce petit roman est une petite pépite.

« le roitelet » est remarquable dans sa capacité à décrire avec empathie et justesse le monde dans lequel vit ce jeune frère.
Dès les premières lignes, on comprend l'élément déclencheur de cette maladie et ses tous premiers symptômes. L'adolescent est à un moment transitoire de sa vie où, comme un oisillon trop frêle encore dans son nid, il est impuissant à prendre son envol pour explorer le monde.

« À ce moment je me suis dit pour la première fois qu'il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d'une tache jaune. Oui, c'est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l'or et la lumière de l'esprit s'échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire. »

Cet événement traumatique va le fragiliser, le briser, ouvrir dans son esprit une déchirure impossible à colmater malgré tout l'amour qu'il reçoit, le transformant peu à peu en une personne qui ne se reconnaît plus, qui ne comprend plus le monde dans lequel il vit, qui n'y trouve plus sa place. Incapable de reprendre le contrôle de ses émotions, il se replie sur lui-même.

« J'ai cessé d'être tout à fait dans cette vie. Je sens que s'ouvrent devant moi les portes d'un pays terrible, et que j'y suis repoussé comme à la périphérie des choses et du Monde. »

*
Les deux personnages principaux sont très bien construits, avec une psychologie complexe et nuancée qui rend leur histoire encore plus captivante et émouvante.

Ce qui m'a plu, c'est la beauté de cette relation fraternelle, leur connivence, leur attachement, leur affection mutuelle.
La maladie n'a pas creusé de fossé entre eux. Bien au contraire, ils ont réussi à créer des passerelles pour se retrouver, communiquer, partager, se livrer, s'écouter, s'aider : des petits riens qui font tout, une présence, un regard, un sourire, quelques paroles, un geste, prendre du temps pour l'autre.

Le silence a une importance capitale dans ce récit. Mais ce n'est pas un silence qui éloigne : loin de là, c'est un silence qui rapproche, qui lie.
Car il y a des silences qui ne sont pas vides.
Car il y a des silences remplis d'amour et de compréhension.
Car il y a des silences qui parlent et trouvent les mots justes.

*
Le roman traite des thèmes profonds et universels de l'existence humaine tels que l'amour, la recherche du bonheur, la famille, le deuil, le chagrin, la maladie. J'ai ressenti un sentiment de sérénité et de paix, sentiment que le narrateur n'a pas toujours réussi à transmettre à son jeune frère.

« Regarde un peu ces lucioles. Elles clignotent dans la nuit pour se reconnaître entre elles. Mais moi, je ne suis la lampe de personne. »

Les parents sont présents dans les souvenirs des deux frères, dans leurs pensées, leurs rêves. Malgré leur absence, ils continuent à les guider, les rassurer, les protéger, les aider à trouver leur chemin.

« Réfléchis, mais ne fais pas que réfléchir ; émerveille-toi aussi. Émerveille-toi, mais ne fais pas que t'émerveiller ; réfléchis aussi. » Ça sera la grande affaire de ta vie. »

*
Tout au long du livre, j'ai eu l'impression de toucher du doigt ce que peut éprouver au quotidien une personne schizophrène, je me suis sentie ballotée entre deux mondes qui cohabitaient : une réalité effrayante, éprouvante, impénétrable, difficile à vivre et le sentiment d'un monde invisible, obscur fait d'ombres et de peurs. J'ai ressenti combien cet homme était malheureux, seul, inquiet, combien la maladie l'éloignait des autres et de lui-même.
Les idées sont là, mais confuses, désordonnées, décousues. Elles mettent parfois du temps à se démêler dans l'écheveau de sa pensée, mais lorsqu'elles jaillissent, elles sont pleines de bon sens, de vérités et de finesse d'esprit.

« Je suis un puits sans fond. J'ai beau fouiller en moi, je n'aperçois rien qu'une nuit profonde. Je suis perdu. »

*
La nature, les oiseaux et la poésie forment un plaid chaud, doux et réconfortant dans lequel s'enveloppent les deux hommes. J'ai aimé cette atmosphère dans laquelle je me suis sentie apaisée.

Nous vivons dans un monde qui va trop vite, qui nous rend sourd et aveugle aux autres et qui nous fait perdre l'essentiel.
Ce roman est tourné vers la beauté du monde qui nous entoure, vers les choses simples de la vie que l'on ne voit pas toujours : la beauté de la nature, la vie apaisante à la campagne, une promenade en forêt, la simplicité d'un coucher de soleil, la lumière du matin, le chant des oiseaux, les fleurs de son jardin, le lien affectif avec son animal de compagnie, une belle soirée entre amis, un minestrone réalisé avec la recette de sa mère.
C'est un monde qui n'a que faire de l'étroitesse d'esprit, de la malveillance, de l'hypocrisie, de l'économie des liens sociaux.

*
Pour conclure, malgré l'évocation de la dureté de la maladie, cette lecture fût un concentré de bonheur. J'ai aimé ce roman introspectif et sensible, teinté de douceur et d'amertume, de tristesse et de joie, d'images effrayantes et de rêves, de personnages pétris d'humanité que l'on ne quitte qu'à regret.

« Je crois au contraire qu'en dépit de tout, des jours radieux s'ouvrent devant nous. Mais nous sommes de mauvais peintres, et nous manquons de recul, et peignons sur la toile un paysage déformé par notre vision trop étroite. »

L'écriture, à la fois poétique et bouleversante, tendre et percutante, offre un univers pudique et doux, une profondeur émotionnelle qui m'a empoignée, mais dont je garde un sentiment de sérénité.
C'est un récit à découvrir absolument.
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Chhhuuut, à petits pas, sur la pointe des pieds, Jean-François Beauchemin m'a fait une place sur le banc dans son jardin. Je me suis assise, nous avons écouté les oiseaux chanter en partageant une bouteille de vin.
La soirée était douce au pied de l'arbre. le chien a posé son museau sur mes genoux, le chat est venu réclamer des caresses.
Une lecture qui suscite l'apaisement, donne envie de quiétude, bercée par le bruit du vent dans les branches. Alors je me suis laissée emporter par les mots, le rythme lent, les joies, les peines de cette vie tranquille, presque contemplative.
La seule part d'ombre est celle du frère schizophrène depuis l'adolescence, un roitelet trop tôt tombé du nid, en pleine chute (tel que semble nous le montrer la couverture) irrésistiblement attiré par le vide, le puits sans fond dans lequel il manque de s'écraser à chaque instant.
La tendresse fraternelle de l'auteur pour son frère est saisissante, tant de patience, de paroles douces, de trésors déployés pour calmer les angoisses, les colères, les peurs.
Je referme ce livre avec un léger sourire aux lèvres, rassérénée par la voix douce et rassurante de l'auteur qui me désigne les étoiles dans le ciel, et m'endors apaisée…
Alors, pourquoi pas 5 étoiles pour ce texte à la beauté simple ? Peut-être m'a-t-il manqué un fil d'Ariane qui donne une cohérence d'ensemble au texte. Les très courts chapitres pourraient presque être lus indépendamment les uns des autres, tant chacun porte des mots, des idées propres à alimenter nos pensées et réflexions à la manière d'un recueil de poésie.
Jean-Francois Beauchemin brouille les pistes, le narrateur n'est jamais nommé et est écrivain, le lecteur a donc l'impression que c'est de lui dont il parle, dont il fouille les tréfonds de l'âme, et nous expose la vie avec une sincérité désarmante.
Cependant, l'auteur a révélé en interview que tout dans ce livre n'est que pure fiction, il n'a pas de frère schizophrène, ni de femme prénommée Livia, ni de chat… On peut donc saluer le tour de force et de passe-passe, tant tout semble inspiré de faits réels, au bémol près des pensées un peu trop élaborées du frère de mon point de vue, capable par moments d'une extrême lucidité sur sa situation ; je ne suis pas sûre que cela se tienne d'un point de vue médical, mais je n'ai pas de connaissance de la question.
Le frère me semble plutôt révéler la part sombre du narrateur (qui ne serait pas en réalité que douceur et patience comme il parvient à nous faire croire). Ce frère chimérique ne serait qu'une autre facette de lui-même avec un côté très noir, révolté, incapable d'accorder sa confiance aux autres, ni de profiter de l'instant présent.
Nul doute que par la suite, le lecteur se replongera avec plaisir dans un chapitre pris au hasard pour venir y picorer les graines qui font le sel de la vie. Un livre à la fois sombre et lumineux à découvrir, puis à relire encore et encore…
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La beauté de la plume est déjà un enchantement. le sujet du roman s'y prête fort bien et le plaisir de cette lecture a été constant.
Livia, l'épouse et compagne de toute une vie et le frère atteint de schizophrénie lui demandent d'écrire sur lui, sur sa vie. Pourtant, à 60 ans, sa vie se résume à peu de choses si ce n'est être présent pour les personnes qu'il aime et profiter de son jardin si reposant. Alors oui, l'homme écrit, chaque jour, non pas sur lui mais sur son frère de deux ans son cadet. Son frère dont le médecin a déposé un mot terrible sur son état mental alors qu'il avait à peine 12 ans : schizophrène, modifiant à jamais les rapports humains. L'amour s'est alors marié avec la solitude et la mélancolie.
L'écrivain et le frère ne sont pas nommés dans ce livre, mais « mon frère » y occupe toute la place. Il en va de même de la poésie dont ce dernier est si friand ; il s'y retrouve dans ces poèmes dont lui seul semble en percevoir la beauté et l'utilité.
L'homme-écrivain nous emmène dans sa vie aux côtés de son frère dont il est si éloigné et en même temps si proche, restant à ses côtés sa vie durant. Il se sent impuissant parfois, souvent, mais il est le phare dont la lumière tournoyante est celle sur laquelle son frère s'accroche.
Des petits moments de vie, des anecdotes, de rares dialogues composent ce livre de 144 pages, petit mais tellement empli d'un amour fraternel.

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Quand j'ai compris que l'auteur parlait de sa vie, il était trop tard pour interrompre le cours de ma lecture - et bien mal m'en aurait pris. Parce qu'il ne s'agissait pas de lui, mais de son frère, atteint de schizophrénie. C'est toujours pareil avec l'autofiction, si l'auteur a des choses fortes à raconter et que son style est singulier, ça fonctionne : « le roitelet » remplit ces deux conditions.
Il est difficile d'exposer la maladie mentale d'un proche sans sombrer dans le pathos. Jean-François Beauchemin fait des miracles, sur un fil, entre espoir et douleurs.
« le roitelet », c'est le surnom qu'il a donné à son frère, tourmenté, paranoïaque et dépressif depuis l'adolescence, incapable d'affronter le monde : « Souvenez-vous que la réalité le fait souffrir. (…) Essayez, dans la mesure du possible, de le réconcilier avec elle ».
Pas si simple. Son frère se recroqueville, s'incarcère dans son malheur, le tout avec une lucidité déconcertante : « Je suis un puits sans fond. J'ai beau fouiller, je n'aperçois rien qu'une nuit profonde ». Et cette page 46…
Il ne reste à l'auteur que l'amour, l'indulgence et l'empathie. Être présent, sans nécessairement prendre la parole : « C'est trop demander à son extrême sensibilité de vivre dans ce monde orageux, plein de grisaille e de crachin. En un sens, ton frère se bouche les oreilles et regarde ailleurs. Si tu veux l'aider, regarde dans la même direction que lui ».
Un récit émouvant et profond qui transcrit avec délicatesse et pudeur le désarroi que peut susciter la détresse psychologique d'un être cher.
Bilan : 🌹🌹
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Fort époustouflée par la langue de Jean-François Beauchemin, découvert dans l'étonnant “Jour des corneilles” publié aux éditions Libretto en 2013, j'étais impatiente de replonger dans un ouvrage de cet auteur québécois de talent. Ce partenariat avec Folio à l'occasion du “Prix des libraires” était donc l'occasion idéale!

Le roitelet”, quoique toujours en lien étroit avec la nature et mettant, encore une fois, les noms d'oiseaux à l'honneur, s'avère bien différent de cette précédente lecture. Un texte qui semble beaucoup plus personnel, plus intime, dans lequel, le narrateur relate soixante ans d'une existence simple, paisible, en harmonie avec la nature et avec les êtres qui l'entourent. Une vie étroitement liée à celle de son frère cadet, un être à part, à la sensibilité exacerbée qui le rend inadapté à la société et incapable de faire face à la violence du monde. Un frère diagnostiqué comme étant schizophrène, une maladie sournoise, capable de se cacher sous des airs de normalité pour mieux rejaillir dans des accès de folie paranoïaque. Un frère capable, avec sa perception diffractée ponctuée de fulgurances et de lucidité, de faire ressortir la beauté des choses et des liens. Mais un frère qui souffrira toute sa vie de la solitude dans laquelle il est enfermé et de cette réalité qu'il entraperçoit sans jamais pouvoir l'atteindre.

La langue de Jean-François Beauchemin est toujours aussi belle et aussi pure. Elle se récite plus qu'elle ne se lit, portée par une poésie qui dit à merveille la beauté des petits riens qui font le quotidien, mais aussi la réalité d'une maladie pernicieuse, qui épuise et tire son hôte vers le bas. La gravité apportée par le mal est sans cesse compensée par une certaine légèreté, un esprit rêveur qui tente de s'élever parmi les oiseaux.

C'est délicat, tendre, parfois triste, mais toujours emprunt d'une grande sensibilité et de beaucoup de bienveillance. Un roman court mais marquant, qui parle avec finesse du fait que l'on s'enrichit de nos différences, offrant ainsi une jolie philosophie de vie, sur fond de tolérance et d'ouverture d'esprit, bref, ça fait du bien!
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C'est ma première rencontre avec cet écrivain pourtant bien connu et prisé au Québec. Son écriture poétique, m'a rappelé à plusieurs égards celle de Christian Bobin et les thèmes abordés par les deux écrivains ne sont pas non plus sans rapport: la vie intérieure et la spiritualité, le bonheur dans la simplicité, l'amour altruiste, que sais-je encore? Ce sont des thèmes qui nous parlent et des leçons de vie qui font du bien… mais qui nous ennuient un peu aussi. de plus je n'ai pu croire complètement à ce frère soit-disant schizophrène mais capable d'une lucidité et d'une finesse d'esprit dignes d'un grand sage. J'ai fini par voir en ce frère un double de l'écrivain, la partie déjantée de lui-même, pris de crises d'angoisse sans raison apparente, celui qui n'accepte jamais complètement le carcan imposé par la société. J'ai donc interprété le texte comme un conte philosophique dont la morale serait une leçon de tolérance avec les parties indomptables autant de de soi-même que des autres.
En résumé, je dois reconnaître que ce fut une belle découverte — j'ai noté à de nombreuses reprises des extraits qui auraient mérité que je les recopie pour les citer — et l'auteur n'ayant pas poussé la leçon de morale sur plus de 144 petits pages, j'ai fini par lui attribuer une note pour moi bien supérieure à la moyenne : quatre étoiles!
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C'est ma première incursion dans l'univers de cet auteur. Il a une façon magnifique de raconter l'âme humaine. Il s'émerveille du quotidien, de la nature, des êtres qui l'entourent. Une bien belle découverte!

Dans ce roman, il raconte la vie d'un écrivain vivant à la campagne (je présume de par les descriptions) avec sa femme, son chien et son chat. Il nous raconte l'histoire du frère cadet, qui, à une période de sa vie, devient schizophrène. Il raconte ses inquiétudes pour son frère, sa vie de jeunesse avec lui et le moment où tout a chaviré ….

“Le mot schizophrénie, formé à partir du grec skhizein (fendre) et phrên (esprit), ne pourrait mieux illustrer le coup de hache qui un jour a fait voler en éclats l'existence de mon frère, et ouvert en lui une brèche impossible à refermer."

Mais surtout il raconte l'amour fraternel.
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De brefs chapitres - chacun soutenant une idée, un échange ou un évènement - composent ce roman. La vie s'étire au coeur de la campagne canadienne où la douceur de vivre s'exprime dans la contemplation du ciel, quelques pas avec le chien, un repos sur l'herbe ou le jardinage de saison. le narrateur écrit attentif au vent et aux gens. Sa femme, ses voisins, son frère. Il y a tant à dire sur son frère, homme blessé dans son âme par les vilains méfaits d'une pathologie psychiatrique. Les tourments heurtent le quotidien et si l'amour combat les ombres, demeure toujours l'incertitude des lendemains.
Émouvant, pudique, délicat, ce texte évoque le sens d'une vie attachée à la terre et aux éléments, sensible à l'autre quel qu'il soit, dans ses travers et sa détresse. Un texte tendre dans lequel s'écoulent l'écoute et la patience et s'imposent les sentiments tout simplement.
Une lecture apaisante.

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Une vie profondément marquée par la schizophrénie du frère cadet, douloureuse pour lui et sa famille proche, mais qui n'empêche le bonheur d'être ensemble, avec Livia, le chien Pablo et le chat Lennon. Les sauts temporels de la narration ne surprennent pas, car ils correspondent à une continuité de liens indéfectibles entre les protagonistes indépendante du temps qui passe. Un roman emprunt d'une grande délicatesse qui fait du bien.
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