Vous vous souvenez du « Barbier de Séville » que le même
Beaumarchais avait proposé en 1775. «
le mariage de Figaro » en est une suite, ou en tous cas un nouvel épisode, on y retrouve les quatre personnages principaux : le comte Almaviva, Rosine, ici appelée La Comtesse, Figaro et dans des rôles moins importants Bazile et Bartholo
La pièce porte un autre titre (bien qu'elle se déroule à Séville et pas à Nantes) : « La Folle journée », ce qui nous donne une indication sur l'unité de temps : l'espace d'une journée ; et sur l'unité d'action : la pièce ne va être qu'une succession échevelée de quiproquos, de coups de
théâtre réussis ou avortés, de pièges qui se referment sur ceux qui les tendent, bref un rythme fou qui laisse les acteurs pantelants… et le spectateur aussi.
C'est donc une pièce qui se caractérise par son mouvement endiablé en même temps que son intrigue particulièrement tordue : Figaro va épouser Suzanne, ils s'aiment, rien ne devrait obscurcir leur bonheur, à part deux choses : Figaro s'est engagé un peu hâtivement auprès de Marceline, il lui rembourse l'argent qu'elle lui a prêté, sinon, il l'épouse. Et justement, Figaro est sans le sou.
Suzanne De son côté fait face aux assiduités du Comte qui aimerait user de son droit de cuissage. L'histoire se complique quand Bazile, en vieux filou pense pouvoir manoeuvrer tout le monde, et que Chérubin, un jeune page amoureux de la Comtesse, met les pieds dans le plat et fait gaffe sur gaffe en toute innocence. Chacun plus ou moins adroitement avance ses pions. Mais voilà qu'on apprend que Marceline est la mère de Figaro ! Les alliances sont renversées et les femmes vont s'unir pour trouver un stratagème et mettre les hommes… à leurs pieds.
La pièce est encore plus drôle que «
le Barbier de Séville » Si « le Barbier » était un peu une adaptation moderne (XVIIIème siècle par rapport au XVIIème, nous autres au XXIème, on relativise !) de « L'Ecole des femmes » (de
Molière), «
le Mariage de Figaro » est un sujet neuf, dont les thèmes nous émerveillent encore par leur audace et leur côté prémonitoire : au travers de la dénonciation des droits seigneuriaux, c'est à une exécution en règle de la noblesse que s'attache
Beaumarchais, avec une verve inépuisable. La pièce regorge de bons mots, de dialogues étincelants, de propos ironiques ou impertinents.
Si la pièce a été écrite en 1778, elle n'a été représentée qu'en 1784, et le croirez-vous, elle a fait un triomphe dans les classes moyennes et le petit peuple, mais la noblesse l'a plutôt mal accueillie. Etonnant, non ?
Il fallait à
Beaumarchais une certaine audace pour interpeller la noblesse en ces termes :
« Parce que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie !... Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus... »
Nous sommes 5 ans à peine avant la Révolution. Cette comédie de moeurs, de caractères, qui tient autant de la comedia dell'arte que du grand
théâtre, est un véritable brûlot, notamment parce qu'il met en place le peuple qui par la voix de Figaro ne se met plus de gants avec ses dominateurs. le grand art
De Beaumarchais aura été de faire passer ce message dans un écrin pétillant de malice et d'esprit, que Mozart saura exprimer à son tour dans son opéra « le Nozze di Figaro » (1786).
Et pouvait-il y avoir une autre fin ?
« Or, messieurs, la co-omédie,
Que l'on juge en cè-et instant,
Sauf erreur, nous pein-eint la vie
Du bon peuple qui l'entend.
Qu'on l'opprime, il peste, il crie,
Il s'agite en cent fa-açons :
Tout fini-it par des chansons. (Bis.) »
(Final chanté)