Beaumarchais est l'un de ces esprits rares, aux talents multiples, qui réussissent ou peu s'en faut dans tout ce qu'ils entreprennent. Ici nous avons affaire à sa première pièce : coup d'essai ? coup de maître !
C'est vrai qu'elle n'est pas parfaite, c'est vrai qu'il a fallu que son auteur la remanie in extremis, la faisant maigrir en cinq jours de cinq actes à quatre après un premier accueil maussade. Et l'intelligence de Pierre Caron de Beaumarchais est d'avoir su percevoir ce qui était de trop, de la passer au tamis, d'en retirer les gros grains et de n'en garder que la fine fleur.
Car ce qui marque en premier, c'est la finesse de l'élocution, c'est la pétillance des personnages, c'est l'étincelance des répliques et la justesse des réparties. J'y vois une très heureuse transition entre le mordant d'un Voltaire et la légèreté du vaudeville au XIXème.
Le personnage de Figaro réinvente le type du valet rusé et truculent, l'Arlequin de Marivaux ou le Scapin de Molière. Il est pourtant encore assez discret dans ce premier opus de ce qui deviendra une trilogie et qui verra son point culminant dans le célébrissime Mariage de Figaro.
Pourquoi Beaumarchais choisit-il ce titre étonnant puisque Figaro y joue encore un rôle secondaire ? Probablement parce qu'à travers sa voix, c'est celle de son auteur qu'on entend. C'est lui l'homme au mille casquettes, horloger, maître de chant, écrivain, homme d'affaires, c'est lui le barbier de Séville, le valet des puissants, qui par son vif esprit, parvient à toujours retomber sur ses pieds et à s'élever socialement et financièrement.
Le comte Almaviva, grand notable madrilène, fatigué des beautés mondaines qui s'offrent à lui remarque un jour une jeune fille nommée Rosine qui lui semble d'une autre essence. Cependant, à peine aperçue, la jeune fille s'est volatilisée. Il mettra six mois à la retrouver, à l'autre bout du royaume, à Séville.
Ne souhaitant pas se faire aimer pour sa condition ou pour sa fortune, c'est sous l'habit d'un simple étudiant qu'il veut se présenter à elle et être aimé, si possible, pour lui-même. Mais la tâche s'annonce rude car la belle Rosine, orpheline de longue date est la pupille d'un dénommé Bartholo, vieux médecin jaloux et acariâtre, qui l'a élevée dans le but d'en faire son épouse.
D'une jalousie confinant à la paranoïa, Bartholo est continuellement aux aguets, verrouille toutes les issues et motive ses troupes à ouvrir l'oeil pour surveiller son trésor de jeune fille à marier. L'approche s'annonce donc difficile pour l'amoureux jeune comte Almaviva.
C'est alors que surgit pour lui une vieille connaissance, Figaro, qui fut son serviteur naguère à Madrid et dont il a gardé l'image d'un fripon. Celui-ci est devenu barbier ici à Séville et a ses entrées chez le docteur Bartholo, en qualités non seulement de barbier, mais aussi plus ou moins d'apothicaire et d'homme à tout faire.
Figaro acceptera-t-il de se faire graisser la patte pour apporter son concours au comte amoureux ? Profitera-t-il de l'occasion ? le vieux Bartholo, mi-docteur mi-geôlier se fera-t-il rouler ? La belle Rosine tombera-t-elle amoureuse ? Autant de questions et quelques autres encore que je laisse volontiers en suspens pour ceux qui auraient envie soit de relire, soit de découvrir l'un de nos beaux classiques du XVIIIe s.
Je m'arrête ici de mon avis tordu de peur de vous barber de ses vrilles et vous rappelle, s'il était besoin, que ça ne représente pas grand-chose.
Classique parmi les classiques du théâtre français, "Le barbier de Séville" ne se présente plus, quoique... à force d'être célèbre, est-ce que Figaro est finalement si connu que cela ? Pièce, opéra, toujours imité, jamais égalé, notre barbier ne subirait-il pas le sort des stars littéraires trop souvent imposées et décortiquées sur les bancs de l'école pour qu'on se les attache réellement ?
Et pourtant, on me plongeant tardivement dans cette pièce dont j'avais la première une connaissance trop superficielle, j'ai enfin découvert Figaro, Rosine, Almaviva et Bartholo, leurs personnalités, leurs défauts, leurs vertus et, pour Figaro, les facéties dignes du Scapin de Molière mais avec davantage de panache. Car, oui, là où Molière mettait un valet sur le devant de la scène, Beaumarchais l'insolent a mis un barbier. Ni tout à fait domestique, ni tout à fait médecin, sans classe sociale réellement définie, il profite des libertés du premier pour s'insinuer partout, et des incompétences notoires (et précédemment largement vilipendées par Molière) du second pour jouer les importants, marchant en équilibre tel le funambule entre deux dimensions sociales. Pour mieux pouvoir les outrer et montrer du doigt leurs tares respectives ?
Il ne faut pas être un cador en commentaires composés pour découvrir la satire sociale à travers les répliques des quatre actes. La comédie aux allures de farce est très plaisante et très enlevée grâce au rythme rapide de ce vaudeville précurseur et aux chansons. C'est seulement à l'issue de ma lecture que je me suis souvenue que, collégienne, j'avais été emmenée voir la pièce à la Comédie Française ; je la reverrai avec grand plaisir... dès que l'on pourra sortir à nouveau et si, d'ici là, le théâtre est toujours un art vivant.
Challenge COEUR D'ARTICHAUT 2020
Je mettrai sans hésiter Beaumarchais parmi les cinq meilleurs dramaturges français.
Dans le barbier de Séville, on retrouve une situation semblable à celle dans L'école des femmes, mais ce sont le jeune homme et son valet qui tiennent les premiers rôles et non pas le barbon.
Figaro est le parangon du débrouillard et du fieffé espiègle qui s'avère plus efficace que son maître le comte amoureux (comme Jacques le fataliste).Et c'est lui qui va donner le ton à la comédie et inventer tant de ruses pour rendre toute précaution de Bartholo inutile. Mais, Figaro est aussi un personnage à part, dynamique et bon, il critique les milieux littéraires qui étouffent le génie et la noblesse qui ne fait aucun cas des personnes subalternes (la raison du plus fort). Et ainsi Figaro qui voulait être écrivain devient barbier! suivant ainsi le conseil de Boileau; mais il ne baisse jamais les bras et fait tout pour son bonheur.
Une vraie joie que cette pièce avec une variété de comiques de tous genres. On s'amuse et on s'instruit mais aussi on rêve avec cette pièce folâtre, de la grande comédie. On apprécie le souffle espagnol de cette pièce, le style de Beaumarchais, le personnage admirable de Figaro et toutes ses réflexions originales.
Il faut aussi lire le Mariage de Figaro, une autre grande pièce (sa suite en quelque sorte).
A coup sûr mon Opéra préféré signé Rossini !! je n'avais cependant jamais lu l'oeuvre de départ et je viens de réparer cette lacune.
Et bien croyez-moi la magie opère tout autant ! J'ai parfaitement savouré les bons mots, les jeux de scène (notamment avec les lettres et divers papiers), les apartés et chaque détour de l'intrigue.
Les personnages relèvent beaucoup de la commedia dell'arte mais j'en retiendrais trois plus particulièrement : Rosine est charmante et finalement avec un bon petit caractère marqué que je n'avais pas perçu dans l'opéra. Et Figaro… je l'adore ce personnage !! Il a tout d'un Arlequin avec un brin d'intelligence en plus, un savant mélange d'espièglerie et de bon sens. Enfin j'ai beaucoup aimé Bazile et ses diverses réactions, le jeu avec les bourses, les regards mécompris et son rôle qui semble second et devient essentiel lors du retournement de situation.
J'ai été surprise de trouver autant de chansons dans le texte De Beaumarchais et pour le coup l'adaptation en opéra semble logique ensuite.
La page de présentation des personnages m'a également étonnée avec ces précisions sur les tenues vestimentaires de chacun, dans le moindre détail. Rien n'est laissé au hasard.
Ce texte est très visuel dans le sens où j'imaginais fort bien à chaque page les mouvements de chacun, les jeux de scène, les mimiques possibles.
Cette pièce de théâtre est aussi réussie que l'opéra de Rossini qui a suivi (Je sais l'existence de celui de Paisiello mais ne le connais pas.)
« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, faisons un peu de théâtre avec le barbier de Séville, célébrissime comédie de Beaumarchais.
-C'est le début du Mariage de Figaro, c'est ça ?
-Exactement.
Or donc, le comte Almaviva est amoureux de la belle Rosine et se déguise en homme sans fortune pour la courtiser. Hélas, la jeune fille est littéralement maintenue prisonnière par son tuteur, le vieux Bartholo, qui compte bien l'épouser quoi qu'elle en pense. L'amour va-t-il triompher des difficultés ?
-Nan mais arrête de faire genre « un suspense insoutenable », Déidamie. On sait que ça finit bien depuis le collège, depuis Molière, quoi.
-« Depuis Molière », n'exagère pas. On ne date pas de si loin, s'il te plaît.
-Et si on revenait à la pièce ?
-Mmh ? Ah oui, la pièce. Alors, le barbier de Séville est une comédie vive et spirituelle ! le confinement de Rosine oblige l'auteur à laisser une large place aux jeux de scène : il faut que les amants communiquent sans être vus par Bartholo. L'indispensable quiproquo n'est pas oublié et ajoute une tension dramatique à une intrigue qui aurait été trop linéaire sinon : bien joué, M. de Beaumarchais !
-Moué. Moi, j'ai été désappointée.
-Désappointée ? M'enfin ! Ce titre compte parmi nos plus brillants classiques de la littérature !
-Sans doute, mais j'ai trouvé qu'il ne souffrait pas la comparaison avec le mariage de Figaro, plus vif, plus alerte, plus percutant. Je m'attendais à davantage de dénonciation dans l'humour. De la même façon que Marcelline et Figaro plaident leur cause d'une voix poignante dans le Mariage, j'espérais que Rosine dénonce l'enfermement des jeunes filles, harcelées par des vieillards égoïstes et libidineux. Elle se révolte comme elle le peut, certes, elle envoie quelques phrases bien senties à l'égard de Bartholo, consciente que sa situation s'apparente davantage à celle d'une esclave prisonnière qu'à celle d'une femme respectée.
En revanche, j'ai adoré Bartholo.
-Bartholo ?! le méchant de l'histoire ?
-Oui. Il est montré comme ridicule, lourdaud, stupide et pourtant il est parvenu à me glacer de dégoût. La façon dont il poursuit Rosine, de la considérer comme sa chose, sa propriété dont il va user et abuser a éveillé chez moi répugnance pour le personnage et admiration pour le portraitiste.
Il existe en effet des hommes pour lesquels aimer signifie « être propriétaire de » ; ils ne supportent pas que leur partenaire ait une existence propre. Ses plaintes ne m'émeuvent pas, ne me touchent pas : elles ne constituent jamais que l'auto-apitoiement d'un pervers, fictif, mais hélas trop vrai.
Cependant, il manque à cette pièce un soupçon de révolte sous la comédie, une louchée d'émotion sous la farce : c'est pourquoi j'ai préféré le mariage de Figaro, à la fois drôle et émouvant. »
Comment s'appelle le personnage principal de l'œuvre ?