Un appartement parisien, le plateau du petit déjeuner dans la bibliothèque et le rituel du matin d'un couple buvant du thé bien noir, bien chaud, tout en parcourant leur courrier.
Pour notre narratrice « Cet instant avait la douceur d'un souvenir et la gaieté d'une promesse. »
Elle est à la retraite depuis un an et la peur initiale que « ça sonne un peu comme être au rebut » a laissé rapidement place au plaisir d'une vie sans contrainte. Elle continue à écrire des essais littéraires et ses soixante ans ne semblent pas un frein à la créativité mais en est-il vraiment ainsi ?
André, son mari, sait que ses propres recherches scientifiques piétinent, qu'il n'invente plus rien, mais elle n'y croit pas. Optimisme contre pessimisme, songe-t-elle. Lui subit
la vieillesse qui s'installe, elle non. Les centres d'intérêt d'André s'effacent progressivement tandis qu'elle s'émerveille encore de tant de choses.
Lorsqu'elle se tourne vers son passé, ce n'est pas avec regret. « Autrefois je me berçais de projets, de promesses ; maintenant, l'ombre des jours défunts veloute mes émotions, mes plaisirs. » Ce petit passage dévoile toute la saveur de l'écriture de Simone de Beauvoir.
Son rapport au temps qui passe ne lui fait retenir que les choses positives mais des évènements familiaux, des critiques sur son dernier essai fendillent ses certitudes.
L'ordre établi dans sa tête va être remis en cause par la décision de son fils. Il choisit un chemin professionnel qui ne convient pas à sa mère qui pensait pourtant l'avoir façonné une fois pour toutes.
La tempête émotionnelle qui suivra la contraindra à changer son regard sur les autres et sur elle.
Ce sont de multiples sujets de la vie courante, qui ne sont pas sans toucher le lecteur, que cette nouvelle aborde. L'importance de la culture, la place de la science, l'égoïsme, la sagesse, la tolérance, les convictions, la relation parent-enfant,
la vieillesse.
Dès les premières lignes la narratrice s'insurge contre les livres qui parlent des problèmes de non-communication, considérant cela comme inutile et curieusement elle se heurtera elle-même à ce sujet à maintes reprises.
C'est un joli texte qui remet les pendules à l'heure entre une femme qui pensait avoir interrompu la course du temps et un homme qui se pensait vieillard avant l'âge.