Je suis un intellectuel. Ça m’agace qu’on fasse de ce mot une insulte : les gens ont l’air de croire que le vide de leur cerveau leur meuble les couilles.
Il savait ce qu'elle pensait : en cette minute des villages belges brûlaient, la mer déferlait sur les campagnes hollandaises. Pourtant ici c'était un soir de fête : le premier Noël de paix. Il faut bien que ce soit fête, quelquefois, sinon à quoi serviraient les victoires ? C'était fête ; il reconnaissait cette odeur d'alcool, de tabac et de poudre de riz, l'odeur des longues nuits. Mille jets d'eau couleur d'arc-en-ciel dansaient dans sa mémoire ; avant guerre, il y avait eu tant de nuits : dans les cafés de Montparnasse où on se saoulait de cafés crème et de mots, dans les ateliers qui sentaient la peinture à l'huile, dans les petits dancings où il serrait dans ses bras la plus belle des femmes, Paule ; et toujours dans l'aube aux rumeurs métalliques une voix doucement délirante murmurait en lui que le livre qu'il était en train d'écrire serait bon et que rien n'était plus important au monde.
On ne peut pas mener une vie correcte dans une société qui ne l’est pas.
Je déteste ces femmes qui s’habillent comme des chaisières pour montrer qu’elles ont des idées sociales.
Dans toutes les larmes s’attarde un espoir.
Mais pour moi, liberté, ça veut dire d'abord solitude
On ne peut pas toujours être modeste, on ne peut pas toujours être orgueilleux et dédaigner tous les signes ; si on passe le meilleur de ses journées à essayer de communiquer avec autrui, c’est qu’il compte, et on a besoin de savoir, par moments, qu’on a réussi à compter pour lui ; on a besoin d’instants de fête où le présent ramasse en soi tout le passé et triomphe de l’avenir…
J'ai dit à voix haute: « J'ai un âge ! » Avant la guerre, j'étais trop jeune pour que les années me pèsent ; ensuite pendant cinq ans je me suis tout à fait oubliée. Je me retrouve pour apprendre que je suis condamnée : ma vieillesse m'attend, aucun moyen de lui échapper ; déjà je l'entrevois au fond du miroir. Oh ! je suis encore une femme, je saigne encore chaque mois, rien n'est changé ; seulement maintenant, je sais. Je soulève mes cheveux : ces stries blanches, ce n'est plus une curiosité ni un signe : un commencement; ma tête va prendre, vivante, la couleur de mes os. Mon visage peut encore paraître lisse et dru, mais d'un instant à l'autre, le masque va s'effondrer, dénudant des yeux enrhumés de vieille femme. Les saisons se recommencent, les défaites se réparent : mais il n'y a aucun moyen d'arrêter ma décrépitude. « Il n'est même plus temps de m'inquiéter, pensais-je en me détournant de mon image. Il est trop tard même pour les regrets ; il n'y a qu'à continuer. »
Rien ne m’était demandé : il suffisait que je sois juste ce que j’étais et un désir d’homme me changeait en une parfaite merveille. C’était tellement reposant que si le soleil s’était arrêté au milieu du ciel, j’aurais laissé couler l’éternité sans m’en apercevoir.
Quel mensonge, les tranquilles gisants de pierre qui dorment côte à côte dans les cryptes et ces époux enlacés sur leurs urnes funéraires ! On peut bien mélanger nos cendres : on ne confondra pas nos morts.