La littérature permet de se venger de la réalité en l'asservissant à la fiction ; mais si mon père fut un lecteur passionné, il savait que l'écriture exige de rebutantes vertus, des efforts, de la patience ; c'est une activité solitaire où le public n'existe qu'en espoir.
Mais je refusais de céder à cette force impalpable : les mots ; ce qui me révoltait c'est qu'une phrase négligemment lancée « Il faut... il ne faut pas », ruinât en un instant mes entreprises et mes joies. L'arbitraire des ordres et des interdits auxquels je me heurtais en dénonçait l'inconsistance.
Faire le mal, c’était la manière la plus radicale de répudier toute complicité avec les gens de bien.
Renoncer à l’amour me paraissait aussi insensé que se désintéresser de son salut quand on croit à l’éternité.
« Il faut avoir l'humilité de reconnaître qu'on ne peut pas s'en tirer seul ; c'est plus facile de vivre pour quelqu'un d'autre. » Il me sourit : " La solution, c'est de faire de l'égoïsme à deux. "
[Simone de B. sur Simone Weil] :
Je réussis un jour à l'apprivoiser. Je ne sais plus comment la conversation s'engagea ; elle déclara d'un ton tranchant qu'une seule chose comptait aujourd'hui sur terre : la Révolution qui donnerait à manger à tout le monde. Je rétorquai de façon non moins péremptoire, que le problème n'était pas de faire le bonheur des hommes, mais de trouver un sens à leur existence. Elle me toisa : "On voit bien que vous n'avez jamais eu faim", dit-elle. Nos relations s'arrêtèrent là. Je compris qu'elle m'avait cataloguée "une petite bourgeoise spiritualiste et je m'en irrirai (...) -
Page 331, édition Folio
La littérature permet de se venger de la réalité en l’asservissant à la fiction ; mais si mon père fut un lecteur passionné, il savait que l’écriture exige de rebutantes vertus, des efforts, de la patience ; c’est une activité solitaire où le public n’existe qu’en espoir.
Peut-être toute admiration était elle une duperie ; peut-être ne retrouverait-on au fond de tous les cœurs qu'un même carnaval incertain ; peut-être que le seul lien possible entre deux âmes, c'était la compassion.
Je ne m'envisageai jamais comme la compagne d'un homme : nous serions tous les deux compagnons.
Il me répéta que notre société ne respecte que les femmes mariées. Je ne me souciais pas d'être respectée.
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